L’histoire semble sortie tout droit d’un noir passé - celui où des autorités religieuses s’arrogeaient le droit d’interdire la lecture de livres - mais elle se passe aujourd’hui, au Québec et elle scandalise à la fois tous les amateurs de bande dessinée et les défenseurs de la liverté d’expression du pays.
Berthet, Bretécher, Max Cabanes, Caza, Clarke, Coyote, Jean-Claude Denis, Dethorey, Giroud, Gotlib, Francq, Van Hamme, Gabrion, Hermann, Chantal Montellier, Warnauts et Raives, Jean-Claude Servais, Tronchet et des dizaines d’autres seraient-ils de dangereux pornographes coupables de démolition en règle de l’image de la femme ? C’est ce que prétend une certaine Roseline Brien, qui s’est lancée dans une croisade hystérique contre la pauvre bibliothèque de Hull, au Québec parce qu’elle autorisait l’accès à ces livres pourtant étiquetés "pour adultes".
Ameutant la presse, récoltant des signatures au bas d’une pétition, elle a réussi l’impensable : obliger le conseil municipal à mettre à l’index 180 albums de bande dessinée, dont certains chefs-d’oeuvre particulièrement appréciés à la fois des spécialistes et du grand public. Et donc aucun, clairement, ne peut être qualifié de pornographique selon les critères de moralité actuels.
Un dossier spécial du site BD Québec relate ce scandale, avec la liste des 180 livres retirés des rayons, la chronologie des événements , et différents articles. On lira avec intérêt les éditoriaux malodorants extraits du journal "Le Droit", qui démontrent que la censure a encore ses ardent défenseurs, d’autant plus dangereux qu’ils se parents des atours de la protection des "valeurs saines et acceptées par la société". Depuis quand l’hystérie, la pudibonderie et la censure sont-elles des valeurs saines ? Et que penser d’une société où une les considérations réactionnaires d’un petit groupe de personnes sont imposées à l’ensemble des citoyens ?
Dernière minute : étant donné les réactions, la mise à l’index a été suspendue mi-décembre.
(par Patrick Albray)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.