Matt Broersma est un auteur américain né au Texas, qui vit maintenant en Angleterre. Après le premier volume de Insomnia [1], les éditions Coconino Press nous proposent un épais recueil de quatre histoires qui traversent les genres.
Les deux premiers cours récits ne sont pas à notre avis les plus intéressants, même si ils constituent un exemple de la variété des thèmes abordés par l’auteur : un rêve situé dans son Texas et une balade sur la côte méditerranéenne où un anglais se perd dans la ville pour échouer sur un bord de mer reposant, ces deux histoires semblent être des amuse-gueule destinés à mettre en bouche le lecteur.
La troisième histoire, qui donne son nom au recueil, s’étale sur une trentaine de pages. Broersma s’y met en scène, dans un aller-retour entre sa jeunesse dans le Texas de la fin des années 80, sa vie dans l’Angleterre du début du nouveau siècle, et ses phantasmes d’ado qui se voyait plus tard comme un célèbre auteur dans une société où la BD aurait pris autant d’importance que le cinéma... autant dire que le jeune Broersma était à côté de la plaque à tous les niveaux, et peut-être n’est-ce pas plus mal.
La confrontation entre ces trois vies reçoit le soutien en contrepoint de l’admiration de Broersma pour le travail autobiographique de Eddie Campbell, illustrateur du From Hell écrit par Alan Moore et dont l’œuvre personnelle est malheureusement inconnue en France. Broersma va jusqu’à inclure une planche de l’excellent Alec, alter-ego légèrement fictionnel de Campbell. Si cela pouvait donner des idées à un éditeur français...
Le dessin simple de Broersma n’attirera probablement pas l’œil du lecteur comme peut le faire celui des autres auteurs de Coconino Press. Mais ces tranches de vies acquièrent rapidement une épaisseur certaine, de par la légèreté même du propos de l’auteur.
La dernière histoire, sobrement intitulée La Momie, se place elle clairement dans une optique feuilletonesque qui n’est pas sans rappeler les Adèle Blanc-Sec de Tardi : un fantôme qui cherche l’oubli, la momie d’un roi égyptien qu’un mesmériste se propose de faire parler à travers une jeune femme hypnotisée... Broersma s’amuse bien, et nous avec. Comme pour les deux premières histoires, le dessin est ici rehaussé d’un bleu aux teintes variées qui créent une atmosphère mélancolique.
Détour est donc l’occasion de découvrir les multiples facettes d’un auteur qui ne semble pas vouloir se cantonner à un genre ni à un style.
(par François Peneaud)
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Site de l’auteur, en anglais.
[1] Flblb avait déjà publié en 2003 Le Grand Tour.