La collection Bayou est un des nouveaux terrains d’expression de la veine romanesque d’auteurs apparentés à la « Nouvelle Bande Dessinée ». Y retrouver deux auteurs se réclamant d’Hugo Pratt n’est donc pas une surprise.
On avait fait la connaissance de Benjamin Bachelier avec sa reprise de la série Le Legs de l’Alchimiste. Prenant la suite de Tanquerelle, Bachelier s’était glissé dans ses pas pour coller au style hachuré de cette série. Dans Dimitri Bogrov, on découvre un dessinateur à la palette bien plus large que le seul style Edward Gorey de ses débuts. Sans doute parce que son parcours en BD est encore court, on oublie que Bachelier a déjà derrière lui un grand nombre de travaux d’illustrations. Dimitri Bogrov lui permet de s’offrir le luxe de réaliser un album en couleurs directes. Le résultat est somptueux, même si l’influence de certains maîtres transparaît nettement dans certaines cases.
Jeune avocat fraîchement diplômé de l’université de Saint Petersbourg, Dimitri Bogrov est de retour dans le giron familial. Sur son chemin vers Kiev, il rencontre Ioulia. Enivrante, mystérieuse, la jeune femme hante les pensées du héros et accompagne, de manière subliminale, son retour de fils prodigue. Le récit ne décolle réellement qu’à ce moment d’ailleurs. Ivre d’amour, Dimitri Bogrov va percer l’épais voile de fumée qui cache l’engagement bolchevik de Ioulia, jusqu’à basculer vers une issue dramatique.
En s’inspirant de son histoire familiale, la néophyte Marion Festraëts a écrit une tragédie remarquablement construite. Pour un premier essai, c’est brillant. On attendra cette scénariste prometteuse au tournant sur un sujet original. Variation russe sous influence, Dimitri Bogrov est un bon album, ambitieux, qui souffre uniquement de quelques pêchés de jeunesse.
(par Morgan Di Salvia)
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