De Légende et réalité de Casque d’or (Glénat, 1976), à La Demoiselle de la Légion d’Honneur (Dargaud, 1980), de Félina (Glénat, 1982-1986) à L’Agence Hardy (Dargaud, 2001-2012) jusqu’à Jeune Fille en Dior (Dargaud, 2014), c’est une grande dame discrète à la production remarquable qui vient de disparaître. Elle se signale par un parcours impeccable, se trouvant souvent accompagnée des meilleurs scénaristes de sa génération : Victor Mora, Pierre Christin et Rodolphe.
Elle avait appris le métier dans la classe de Georges Pichard. C’est Jacques Lob qui l’a faite entrer à Pilote, elle qui devint membre du jury du "Prix du scénario" décerné chaque année à Blois.
En publiant son premier album chez Glénat, Légende et réalité de Casque d’or dans Circus, en 1975, elle fait une entrée en fanfare dans le monde de la bande dessinée en raflant deux prix à Angoulême cette année-là. Circus, L’Écho des savanes, Fluide glacial… l’accueillent régulièrement.
Mais c’est Félina, sur un scénario du grand scénariste espagnol Victor Mora (El Capitán Trueno) qui constitue son premier succès. Une relation qui va au-delà d’une simple collaboration puisque la dessinatrice vit à ce moment-là entre Paris et Barcelone. Elle consacra d’ailleurs un ouvrage à la capitale catalane sur un texte de Montserrat Roig.
Elle travaille bientôt avec un autre scénariste de renom : Pierre Christin, avec qui elle signe pas moins d’une quinzaine d’albums dont sept "Portraits souvenirs", parmi lesquels la célèbre Demoiselle de la Légion d’honneur et sept titres de la série L’Agence Hardy, chez Dargaud.
Une complicité qui se joignait à un certain nombre de convictions politiques et sociales bien ancrées chez l’une comme chez l’autre, visibles notamment dans L’Avenir perdu, avec Jon S. Jonsson et Andreas Knigge, aux Humanoïdes Associés (1992), une des premières bandes dessinées traitant avec empathie de la question du SIDA.
Ces dernières années, c’est encore le destin des femmes qui dictait son inspiration avec les biographies de Marie-Antoinette (avec Rodolphe, chez Dargaud), du couturier Dior vu à travers les yeux d’une femme (Jeune fille en Dior (Dargaud) et de la femme de lettres Colette (Les Apprentissages de Colette, Dargaud 2017). Elle assura le scénario de ces deux derniers titres.
Le dessin d’Annie Goetzinger était raffiné, élégant, d’une grande sensibilité. Sa gamme chromatique, toute en subtils camaïeux, était immédiatement reconnaissable.
Elle fut la première femme à recevoir le "Grand Boum" du festival de BD de Blois qui lui consacra en 2015 une grande rétrospective. Ces dernières années, elle souffrait de ce que l’on appelle pudiquement "une longue maladie". Elle l’assumait avec autorité et dignité. Elle va beaucoup nous manquer.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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