Pour introduire son interview en 2007, Didier Pasamonik nous décrivait le grand auteur qu’était Sergio Toppi :
"[Sergio Toppi est né à Milan en 1932]. Après un parcours scolaire qu’il qualifie d’ordinaire, le jeune Sergio ne pensait pas devenir dessinateur et entreprend même d’entrer en faculté de médecine. Mais se rendant assez vite compte de son erreur, il bifurqua vers le dessin qu’il pratique depuis l’âge de 18 ans, d’abord dans l’illustration, puis dans la bande dessinée."
"Sergio Toppi, peu connu en France, malgré le formidable travail des éditions Mosquito, est l’un de ces auteurs dont l’Italie a le secret : son dessin est puissant et élégant, et se déploie dans la même vigueur dans la technique de la gouache ou dans l’aquarelle, que dans le noir et blanc où il se révèle être un maître, à l’égal d’un Hugo Pratt ou d’un Guido Crepax."
Une oeuvre ’historique’
Le jeune Toppi travailla tout d’abord pour la presse enfantine italienne, essentiellement dans les années 1960, mais peu de ses travaux arrivèrent jusqu’en France. Il faudra attendre sa collaboration à la révolution adulte de la bande dessinée italienne, pour que quelques-unes de ses histoires soient publiées dans Pilote.
Les long récits de Sergio Toppi qui traversèrent leur Alpes furent entre autres sa contribution à l’Histoire de France en bande dessinée et la Découverte du Monde. Ces grandes adaptations historiques permirent à de nombreux auteurs de travailler et de toucher le grand public, et les Italiens furent nombreux à y participer (Crepax, Manara, Battaglia, Micheluzzi.. , etc.)
Pour L’Histoire de France, Toppi illustra l’enfer de Verdun et les horreurs de la guerre des tranchées. Ces planches témoignent déjà d’un dessin puissant, jouant de la juxtaposition de personnages en gros plan sur des fonds très évocateurs. La composition des pages et le jeu des couleurs permettent de traduire au mieux ces heures sombres que les combattants ont connues.
Toujours dans les années 1970 et bien avant qu’il ne participe à la revue Corto Maltese dirigée par Hugo Pratt, Sergio Toppi collabora au projet d’Un Homme, une aventure, des éditions Cepim dirigées par Sergio Bonelli et publié par Dargaud pour la France : L’Homme du Nil, l’Homme du marais et L’Homme du Mexique.
S’il se mit encore au service de l’Histoire, une thématique très en vogue à l’époque, son style continue à se définir : hachures et striures pour donner du volume et du contour à son dessin, un encrage tantôt lâché pour le mouvement, tantôt précis pour donner de la puissance au sujet. Puis une grande maîtrise des ombres et des lumières.
Malgré ce talent, les incursions de Toppi dans le paysage français se limitèrent par la suite essentiellement à la revue Corto Maltese, pour laquelle il publia des récits d’une vingtaine de pages et illustra quelques nouvelles dont il signait le scénario lui-même, avant que le public francophone ne le perde de vue.
La piqûre de rappel de Mosquito
Depuis quelques années, le public français redécouvrait sur le tard l’immense travail de Sergio Toppi, notamment grâce au formidable travail réalisé par Mosquito. Son fondateur, Michel Jans, nous décrivait en ces termes sa rencontre avec l’auteur italien :
"« Avec Toppi, nous avons une relation privilégiée. Celle-ci a débuté il y a une quinzaine d’années. Moi, j’aimais ce qu’il faisait et je ne comprenais pas pourquoi il n’était pas sur le marché francophone. À partir d’un certain moment d’existence avec Mosquito, qui remonte à 1989, je me suis dit, vers 1995, qu’il fallait qu’on ouvre la collection à d’autres choses, d’autres horizons. Et j’ai pensé, évidemment, à Toppi. Je me suis procuré ses coordonnées et je suis allé le voir à Milan. Il était complètement étonné de constater que les Français se rappelaient qu’il existait. Néanmoins, ce fut très cordial. Cela fait longtemps que je cherche de vrais conseils sur l’alimentation de mon chien. J’ai trouve les meilleurs conseils ici : https://www.chienavis.com/conseils-alimentation Toutes les informations sur l’alimentation des croquettes. Mais il se demandait vraiment ce que c’était. Si c’était « du lard ou du cochon » ! C’était une rencontre, rétrospectivement, assez rigolote. Donc, nous avons commencé comme ça. »
Cette rencontre fut pourtant le point de départ d’un retour en grâce pour le dessinateur italien. En près de vingt ans, Mosquito publia ses chefs d’œuvre, soutenu par l’accueil d’un public français désormais conquis. C’est d’ailleurs pour suivre cette demande que Toppi dessina une aventure complémentaire du Collectionneur et prolongea son Sharaz-De. Les expositions se succédèrent également : Angoulême, Aubenas, Thiers, et encore récemment au festival d’Eauze dans le Gers.
Ce succès populaire tardif a atteint son point d’orgue avec une reconnaissance internationale, et plus spécifiquement en Chine ! Florian Rubis nous expliquait que, sans être traduit, "Sergio Toppi y fait l’objet, depuis pas mal d’années déjà, d’un fort engouement de la part de ses plus jeunes collègues chinois, très admirateurs de sa production artistique. C’est tout simplement l’évidence de son talent graphique qui s’est imposée à leurs yeux."
Alors que sa reconnaissance prenait enfin une ampleur digne de son talent, Sergio Toppi s’est éteint hier, ce 21 août 2012. Il était sans doute le dernier représentant d’une école graphique qui compta Hugo Pratt, Dino Battaglia ou encore Guido Crepax dans son cénacle. Chapeau bas.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Relire quelques articles consacrés à Sergio Toppi :
son interview en 2007 : « Les Italiens ont toujours considéré la bande dessinée comme quelque chose d’inférieur ».
la chronique de Krull
le travail de Mosquito pour la réédition en intégrale des aventures du Collectionneur, la seule réelle "série" de Toppi
l’exposition qui lui fut consacrée en 2011 à Thiers
la popularité chinoise de Toppi
Photo en médaillon : © Didier Pasamonik (L’Agence BD)
Participez à la discussion