Passé par l’Ecole des Beaux-Arts de Tournai, où il apprend le dessin académique et la technique de la peinture à l’huile, Philippe Delaby débute dans le Journal Tintin en 1987. Il réalise de nombreuses illustrations et histoires courtes (scénarisées par Yves Duval puis Jean-Luc Vernal) et déjà son penchant naturel pour la bande dessinée historique s’exprime. Il enchaîne les albums dans cette veine :« Arthur au royaume de l’impossible », « Richard Coeur de Lion », « Bran ». Malheureusement, Tintin est sur le déclin, et les éditions du Lombard sont en plein redéploiement. L’éditeur cherche à dépoussiérer son image et le catalogue n’a pas de visibilité très claire. C’est ainsi que sa première série d’envergure « L’étoile polaire », dont les scénarios sont signés par Luc Dellisse, ne connaît pas un succès foudroyant, malgré d’indéniables qualités graphiques. Pour autant, le trait de plus en plus affirmé de Delaby ne passe pas inaperçu. Une rencontre va infléchir son destin : celle de Jean Dufaux.
En 1997, Dufaux et Delaby imaginent, sous les auspices d’Yves Schlirf leur éditeur chez Dargaud, de redonner du lustre au péplum en bande dessinée, qui depuis de longues années ne (sur)vit que par « Alix » de Jacques Martin. Ce que les deux auteurs veulent c’est redonner du souffle à ce genre alors en désuétude. L’histoire leur donnera raison puisque quelques années plus tard, « Gladiator » (au cinéma) et « Rome » (à la télévision) suivront le chemin d’un renouveau du peplum.
Le succès de « Murena » est immédiat. Le dessin précis et vigoureux de Philippe Delaby et les tourments scénaristiques de Jean Dufaux installent la série parmi les nouveaux best-sellers. On n’avait jamais traité l’Antiquité romaine et la Rome de Néron de cette manière en bande dessinée. Les lecteurs plébiscitent ce traitement réaliste et âpre de cette période de l’histoire.
Preuve qu’il se sent bien dans la série, Philippe Delaby trouve un rythme de travail serein et dessine un album par an (une cadence inimaginable pour lui quelques années auparavant), sans mettre à mal son soucis du détail.
Le succès grandissant, Philippe Delaby accepte la proposition de dessiner le nouveau cycle de « Complainte des Landes Perdues », à la suite de Gregorz Rosinski, comme une respiration entre deux albums de « Murena ». Delaby travaillait sur un nouvel album de la Complainte quand une crise cardiaque l’a emporté.
Fidèle en amitié, Delaby n’imaginait pas travailler avec quelqu’un d’autre que Jean Dufaux, comme il nous le confiait en 2008 : « Il a été révélateur pour beaucoup de choses ! Rencontrer Jean n’a pas été qu’un tournant dans ma vie professionnelle, mais aussi dans ma vie affective. C’est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi. Nous vivons un tel partage, une telle amitié, que je n’ai pas envie de commettre une infidélité avec un autre scénariste... ». Sa disparition prématurée aura scellé cette promesse.
Grand admirateur d’Ingres, Philippe Delaby aura tout au long de sa carrière fait sienne cette pensée du grand peintre : « le dessin est la probité de l’art ».
(par Morgan Di Salvia)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Photos : (c) N. Anspach (médaillon) - D. Pasamonik (portrait)
Tous les dessins sont (c) Dargaud, sauf mention contraire.
A propos de Philippe Delaby, sur ActuaBD :
> « Avec La Complainte des landes perdues, nous explorons les tréfonds de l’âme humaine ! » (Entretien en novembre 2008)
Participez à la discussion