Quand la série décomplexée du label 619 en hommage aux comics d’horreur des années 1950 et au cinéma d’exploitation, croise le chemin d’une égérie de l’industrie pornographique, le constat est limpide : ces deux univers étaient faits pour se rencontrer, tant chaque milieu, via ses codes visuels et ses références, lorgne régulièrement vers son voisin.
Les lecteurs attentifs l’auront remarqué, le slogan "Suspense, frissons et horreur !!" habituel de la série laisse sa place à un "Sexe, vice & horreur !!" de circonstance. Le parallèle constant entre sexe et violence constitue ici le fil rouge de cet excellent exercice de style. Le corps de la vampire (ici appelée la sepulkre) et celui de l’actrice porno, ont plusieurs points communs, dont par exemple celui de devoir originellement être possédé par un tiers : au cours d’une morsure, ou d’une pénétration filmée.
Cet album est d’ailleurs ponctué par des textes écrits par Céline Tran elle-même, au cours desquels elle revient sur cette analogie. Mais même si ce tome 6 de DoggyBags revêt une couleur particulière, les amateurs retrouvent bien leurs trois segments, dessinés par trois artistes habitués.
Le segment First Blood dessiné par Gasparutto, raconte le massacre perpétré par une ange vengeresse pour défendre une actrice porno tombée dans un piège de vampires, dans la pure tradition des vendettas sanglantes du cinéma d’exploitation.
Dans Draw Blood, Florent Maudoux (sa première création en dehors de l’univers Freaks’ Squeele) met en scène son héroïne sexy à la merci de suceurs de sang au cours d’un cérémonial précipitant son passage d’humaine à vampire.
Le lecteur notera le parallèle entre le ballet de morsures multiples, et les scènes de pénétration à plusieurs parsemant les films pornographiques. Nous retrouvons ici tout le talent de Maudoux pour le fantastique et la nudité, magnifié par un découpage remarquable.
Enfin, dans Too rich for my blood, Guillaume Singelin (The Grocery) met en images un huis-clos glauque calqué sur une célèbre affaire de mœurs impliquant une puissante figure politique, récemment revisitée par le cinéaste Abel Ferrara dans Welcome to New York.
Le style hachuré, underground et suintant de Singelin, convient idéalement au caractère répugnant du prédateur dépeint, qui se révèle ironiquement collectionneur de sang de célèbres personnalités historiques en bouteilles.
Après le hors-série DoggyBags présente : South Central Stories dans lequel Neyef dessinait les trois segments, voici à présent une nouvelle fournée teintée par une invitée d’honneur co-scénarisant les trois histoires. Cette série montre ainsi un désir certain de renouvèlement, que nous encourageons avec le même enthousiasme qui nous avait vu défendre cet univers depuis ses tout-débuts.
Et pour finir, ne manquez surtout pas la très impressionnante bande-annonce réalisée par l’équipe d’Ankama avec Céline Tran et RUN (également co-réalisateur) devant la caméra, dans un délicieux esprit des années 1980, en version non censurée de plus de 6 minutes (!) et en version VHS (avec une surprise concernant les fans de Mutafukaz dans les dernières images).
La bande-annonce en version non censurée :
La bande-annonce en version VHS :
(par Thomas Berthelon)
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DoggyBags T6 : Heart Breaker - Collectif - Ankama Editions
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