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Dominique Véret au coeur d’une vive polémique

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 28 septembre 2003                      Lien  
Dans son récent éditorial sur [{{BDZoom.com}}->http://www.bdzoom.com], Laurent Turpin s'attaque à la revue « {{Dossiers de la BD}} » (alias DBD), cette publication trimestrielle qui couple un album consacré à un auteur avec une revue d'information plutôt bien faite. Une polémique rare dans le monde de la BD.

En cause, une interview accordée à la revue par Dominique Véret, l’éditeur de la collection Manga « Akata » chez Delcourt et dans laquelle une note de la rédaction rectifie les propos de l’interviewé dans un sens dénoncé comme "tendancieux" par BDZoom.

Cette polémique ne serait pas aussi vive si, dans le milieu du manga, Dominique Véret n’était pas en quelque sorte une « star ». Fondateur des éditions Tonkam qu’il a quittées récemment au profit de l’association Akata qui dirige actuellement les collections mangas des éditions Delcourt, il a pour ainsi dire créé le mouvement d’intérêt pour la culture des mangas en France, sa démarche éditoriale allant au-delà de la simple publication des séries d’animation japonaises passant sur les télés françaises. On lui doit la traduction de la plupart des grands auteurs japonais importants, en particulier les œuvres majeures d’Osamu Tezuka comme « La Vie de Bouddha » et « L’Histoire des 3 Adolf » publiées chez Tonkam. Les éditeurs japonais ont pour cet éditeur de la considération, voire même dans certains cas, une profonde amitié qui n’est pas feinte. Un cas unique en France.

Une préface controversée

C’est ce symbole que les journalistes de DBD mettent sur le grill en l’interrogeant en substance sur la curieuse préface de « Coq de Combat » (Delcourt) dans laquelle notre éditeur semble se poser sinon en apologue de la violence, en tout cas en parangon de l’autodéfense. Rappelant que dans les banlieues la « baston » est la règle quotidienne, il remet en cause auprès de ses interlocuteurs la vision de la justice en France : « Je ne considère donc qu’il n’y a pas de justice, dit Dominique Véret, mais un commerce de justice. Dans ce cas, je la ferai moi-même avec patience et quand le temps me sera favorable. Pas obligé d’être violent, un peu corse suffit  ». Les journalistes de DBD Christian Marmonnier et Stéphane Beaujean sont interloqués. Ils font remarquer que cette façon de penser est peu démocratique. Véret répond : «  Je ne suis pas un démocrate de marché. (…] Je me situe à un niveau plus élevé  ». Nos journalistes en remettent une couche : « Ce sont pourtant les bases du fascisme ». Véret réplique en étayant sa réponse qu’il ne voit pas en quoi un discours qui dérange puisse être fasciste. Le fil des questions revient ensuite sur le contenu du manga controversé.

Dominique Véret au coeur d'une vive polémique
DBD N° 19
Au coeur d’une vive polémique

Une « NDLR » maladroite

Or, à ce moment de l’interview, la rédaction, en réalité l’éditeur sans même l’avis des journalistes qui ont réalisé l’interview, introduit la NDLR (note de la rédaction) suivante : « Pourtant dire qu’il n’existe plus de valeurs morales et pronez [sic] l’utilisation de justice privé [re-sic] est un discours que l’on ne trouve que dans des thèses fascistes ».
«  L’homme a son franc parler, prévient Laurent Turpin de BDZoom.com, dénonçant « un dérapage » de DBD. Provocateur, le politiquement correct n’est pas sa tasse de thé. (…)L’affaire aurait pu, et du, en rester là, chacun en tirant ses propres conclusions. Mais la direction rédactionnelle DBD a cru bon, sous couverture d’une fameuse « ndlr » (note de la rédaction), préciser, selon elle, en quoi les propos tenus par Dominique Véret étaient fascistes (…) Un appendice apposé selon un principe que nous jugeons « limite » (…) » Et d’ajouter que Dominique Véret n’est pas connu pour être «  un fasciste, ni même d’un extrémiste » !

Quand la critique devient invective

Ici, la polémique ressemble à un règlement de compte. Que la NDLR soit maladroite, voire injustifiée et même totalement inacceptable vis-à-vis des journalistes qui n’ont pas été prévenus de l’addition de cette notule, c’est un fait. Lors d’une réunion de rédaction, l’éditeur Frédéric Bosser s’en est publiquement excusé et a promis que Dominique Véret aurait un droit de réponse dans le numéro suivant.

Mais il nous semble que les protagonistes de la critique dérapent à leur tour dans cette partie du débat.

Il y a d’abord, dès le début, cet abus de langage qui consiste à appliquer le mot « fascisme », ancré dans l’histoire européenne, à un récit dont les repères sont principalement asiatiques. Ce contrôle du langage est également inexistant dans le chef de Dominique Véret lequel, véhiculant une logorrhée new-age enrichie par son expérience personnelle d’écorché de la vie, a un peu tendance à interpréter sans nuance, et au profit d’une pensée à géométrie variable, la complexité de la culture asiatique.

Enfin, Laurent Turpin fait lui aussi un abus de langage quand il laisse entendre que Dominique Véret a été traité de "fasciste". Ce n’est pas le cas, comme nous le montre l’’extrait cité plus haut. L’intervention de Patrick Bosser s’est limitée à considérer que ces théories font traditionnellement le nid du fascisme, ce qui n’est pas faux.

En fait, si toutes les parties de la polémique font dans la surenchère dans ces joutes verbales, on n’est pas sorti de l’auberge. Ces excès évacuent le vrai rôle nécessaire à la critique de la bande dessinée. Elle consiste, il nous semble : 1) à parler en connaissance de cause ; 2) à donner au lecteur, quand elle en vaut la peine, l’envie de lire l’œuvre dans toute sa complexité, tout en en signalant les limites. Pour anecdotique qu’elle soit, cette polémique pourrait bien être un cas d’école.

Photo : Dominique Véret, directeur de la collection Akata aux éditions Delcourt. © D. Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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