En 1870, il y avait encore des fermes dans le Bronx. Elles étaient alors tenues par de vieilles familles hollandaises. Et puis, les anglais sont arrivés, rendant le quartier plus chic, suivis des nouveaux riches irlandais, eux-mêmes suivis par des Allemands, puis par des Juifs, des Afro-Américains, des Portoricains. Vous l’aurez compris, dans cette avenue Dropsie, c’est la construction de l’identité culturelle américaine qui défile sous nos yeux.
Nourri de ses propres souvenirs, Will Eisner décrit, avec la sensibilité qu’on lui connaît, un paysage social en constante évolution. Les vagues successives d’émigrants apportent leur lot de destins tragiques et donnent à ce roman graphique une vérité historique saisissante. Parfaitement maîtrisé, le temps passe au fil des planches et le quartier se transforme au gré des allées et venues des habitants. Après le combat existentiel de Jacob le Cafard, Eisner donne pleinement vie au Bronx, dépassant ainsi le statut de simple décor.
Dans cet ouvrage publié pour la première fois aux États-Unis en 1995 par Kitchen Sink [1], l’auteur récemment disparu s’émancipe une fois de plus des cases formatées et nous épate par la lisibilité de son découpage. Magistral.
Delcourt nous annonce la parution d’ici 2008 d’un nouvel opus de Will Eisner : New York City.
(par Laurent Boileau)
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[1] Publié une première fois en France la même année par Editions USA.