On vous l’a dit : Solliès-Ville est un festival un peu à part dans le petit monde de la bande dessinée. Ce petit village provençal, gorgé de lumière, accueille chaque année parmi les plus grandes signatures de la bande dessinée internationale.
Rares sont les manifestations où, en toute décontraction, on peut discuter avec les plus grands noms de la BD : de Gilbert Shelton, le compagnon de route de Crumb, grande figure de l’Underground et auteur des Fabulous Freak Brothers à Philippe Druillet, co-fondateur de Métal Hurlant et l’introducteur de la science-fiction dans Pilote, de l’Italien Lorenzo Mattotti, l’un des plus brillants graphistes contemporains, au Hollandais Joost Swarte, chef de file de la bande dessinée batave, du Pulitzer Prize Art Spiegelman au Français Hervé Baru, du Belge Hermann au Suisse Cosey, des Grands Prix d’Angoulême Margerin, JC Denis, Juillard, Boucq aux non moins primés Arleston, Dany, Le Gall, Lepage, Frank pé, Jouannigot, Barbucci, Loustal, Prugne, Lauffray, Meynet, Pinelli, Plessix, Sandoval... Sans compter une cohorte de jeunes talents parmi lesquels l’Allemand Thomas Von Kummant ou l’Italien De Longis...
Autour de quelques stands, tous signent, sans chichi. Et lorsque qu’un collectionneur se pointe devant Druillet avec cinquante vieux albums, celui-ci l’invite à acheter la nouveauté en lui faisant observer que le stand est tenu par un librairie "qui s’est mouillé"...
Ce genre de festival est aussi celui des confidences d’avant-rentrée ou des anecdotes amusantes. Gilbert Shelton s’apprête à sortir un nouveau Phacochère en octobre ; le Mexicain Tony Sandoval habite désormais Berlin ; Joost Swarte nous explique qu’il a dessiné lui-même ses lunettes et qu’il y a mis des guillemets, "car ce que nous voyons n’est qu’une citation du tout" ; Cosey revient de plusieurs jours de marche à pied dans les Cévennes ; Frank Pé travaille d’arrache-pied sur sa version de Spirou ; Arleston a quatre nouveautés à la rentrée dont un Lanfeust, mais il n’est plus en contact avec Didier Tarquin qui ne répond plus au téléphone depuis un mois ; Lepage revient d’une expédition dans l’Antarctique...
Au détour, on apprend que lors du débat sur le Grand Prix d’Angoulême en janvier qui a vu couronner Willem et Toriyama, Florence Cestac a claqué la porte, excédée par Lewis Trondheim et que Druillet regrettait de ne pas avoir été présent... Oui, c’est cela aussi, les festivals.
Enfin, pensum obligé, la remise des prix. Discours du maire -exercice champignacien en diable- qui souligne que, depuis 25 ans, le fondateur et directeur du festival, Pascal Orisini, travaille sans aucune rémunération ou salaire, complètement bénévolement. Ce sont les contribuables de la ville qui doivent être contents...
Le palmarès récompense Nolwenn Lebreton et Alessandro Barbucci, ce dernier étant à la ville l’époux de la coloriste. Ils pourront commencer un élevage de lièvres -mascotte du prix de Solliès-Ville sculpté par Bilal...
Recevant son Grand Prix, Druillet constate que son ami dessinateur n’a pas signé la statuette. Lorenzo Mattotti a été le premier surpris du Grand Prix qu’on lui a octroyé cette année. C’est incrédule qu’il est monté sur le podium sous les regards de sa famille hilare. Baru a été un peu étonné de recevoir son "Prix du Meilleur album", un polar, des mains d’un... gendarme, en charge de la sécurité du festival.
Tout cela était sympathique, convivial, dans la douceur d’une fin de journée d’été et sous le chant d’amour lancinant des grillons de Provence.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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