Nous vous apportions il y a peu, des explications sur le nouveau système de procédure de vote mis en place par le FIBD pour l’élection du Grand Prix de la Ville d’Angoulême qui désigne le président de l’année suivante.
Avant, c’était l’Académie des Grands Prix qui désignait celui qui rejoindrait le club très fermé des Académiciens. Parmi eux, quelques-uns des plus grands noms de l’histoire de la BD francophone : Wolinski, Tardi, Druillet, Bilal, Schuiten, Juillard, Margerin, Zep... Un conclave solennel qui offrait à un auteur une sorte de consécration. Mais cela, c’était avant.
L’année dernière, dans une de ces réformes absconses dont il a le secret, le FIBD avait décidé de faire voter les dessinateurs accrédités sur le festival. Son organisation était à ce point défaillante et ses tâtonnements tellement ridicules que l’élection, pourtant légitime de Willem, avait fait scandale.
Cette année, nouveau changement : Ce sont cette fois tous les auteurs (y compris étrangers) publiés en France qui sont électeurs. Mais en réalité, pas tous, en fait, comme nous vous l’expliquions : seul l’auteur dont le mail aura été fourni par son éditeur à l’organisation du FIBD, selon un choix discrétionnaire, aura droit à être électeur.
Le résultat de ce vote devait être mixé avec celui de l’Académie des Grands Prix, puis aurait fait l’objet d’un 2e tour : "C’est une décision qui a été prise pour éviter l’élection d’un grand prix avec une majorité trop faible, nous dit Stéphane Beaujean, du comité de programmation du FIBD, dans le Forum d’ActuaBD. En effet, avec 20 à 30 nommés, en un tour, le gagnant aurait pu arriver en tête avec 3,34 à 5,1 % des voix. Ce qui faisait trop peu. Nous voulions un plébiscite massif. D’où le second tour..."
La procédure tombe, car on l’apprend par Livres-Hebdo, la plupart des membres de l’Académie des Grands Prix a décidé tout simplement de ne pas voter cette année : "Comme apparemment le vote de l’académie n’est plus décisionnaire quant à l’élection du futur grand prix on a décidé que cette année, on voterait simplement en tant qu’auteurs, et non plus comme " Académiciens "..., nous dit l’un d’eux. Je ne pense pas que cela changera grand chose, le prochain " Président " ne fera sans doute pas l’unanimité mais au moins on ne pourra rien nous reprocher cette fois !" Tandis que Martin Veyron dénonce un vote "hybride", Florence Cestac parle d’une "foire commerciale", d’ "une usine à gaz à laquelle on ne comprend plus rien", soulignant que l’Académie des Grands Prix n’a pas été consultée pour cette réforme.
16 d’entre-eux ont publié un communiqué pour annoncer cette défection : Willem, Philippe Druillet, José Muñoz, Enki Bilal, François Schuiten, Florence Cestac, René Pétillon, André Juillard, Daniel Goossens, Frank Margerin, Philippe Vuillemin, Martin Veyron, Jean-Claude Denis, Baru, François Boucq, Philippe Dupuy. Il est probable que cette liste ne s’arrête pas là : on connaît l’hostilité de certains jeunes membres du jury un peu trop prompts pour traiter leurs collègues de "vieux machins" qui ne lisent plus de bande dessinée... Et certains éditeurs, de jouer de ces antagonismes pour mieux placer leurs poulains.
Avec d’un côté une Académie-croupion que l’on ridiculise en stérilisant son vote ; de l’autre une armée mexicaine d’auteurs dont la représentativité sera plus que probablement contestable, même si le FIBD annonce 1300 auteurs votants déjà, le Grand Prix 2014 est déjà plombé.
C’est le symptôme d’un Festival qui se sclérose, de l’usure de pouvoir de ses dirigeants : Frank Bondoux, son directeur général, qui avait été engagé par Jean-Marc Thévenet pour recruter des sponsors il y a près de dix ans et qui a fini par prendre sa place et Marie-Noëlle Bas, la directrice de la communication, également présente depuis plus d’une décennie. Face à ce duo, une association du FIBD de près de 70 membres à jour de cotisation, pour la plupart d’aimables collectionneurs largués, sans projet concret pour le Festival, complètement noyautée par l’actuelle direction qui lui a imposé un contrat de 10 ans sans appel d’offre, une association qui s’arque-boute, par velléité d’indépendance, contre les institutions publiques angoumoisines (en particulier La Cité de la BD qui comprend le Musée et la Maison des auteurs) dans lesquelles les autorités nationales et régionales ont investi des dizaines de millions de fonds publics, sans compter ceux alloués au Festival.
Quand arrêtera-t-on cette gabegie ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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