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Dufaux et Xavier, tandem de choc

Par Charles-Louis Detournay le 13 janvier 2014                      Lien  
Avec deux albums publiés en quelques semaines, le duo Dufaux - Xavier fait progresser les intrigues de "Croisade" et de "Conquistador" en parallèle. Une immersion dans des univers forts qui trouveront prochainement leur conclusion. Est-la fin d'une collaboration intense et remarquable entre ces deux auteurs?

Repéré par Jean Dufaux alors qu’il dessinait Paradis Perdu pour Soleil, Philippe Xavier avait accepté de collaborer avec le scénariste belge grâce à une alléchante histoire de templiers... Quelques mois plus tard, la série Croisade (Le Lombard) était née. Un récit mêlant magie orientale, combats entre empires religieux et passions humaines qui captiva rapidement bon nombre de lecteurs. La collaboration se concrétise par quatre albums en deux ans, remarquable par ses splash pages dépliantes, aussitôt suivis par un second cycle.

La rapidité d’exécution de Philippe Xavier, formé à l’école des comics, permit d’envisager de mener deux séries de front... et de diversifier les éditeurs puisque que le tandem signe une nouvelle série chez Glénat dans l’enfer vert du XVIe siècle au temps de la conquête espagnole de l’Amérique centrale : « Je suis demandeur d’autres univers graphiques nous expliquait alors Philippe Xavier et c’est pour cela que je suis arrivé chez Jean Dufaux avec cette demande. [...] Je pense [aux films] « Apocalypto », « 1492 », « Mission » mais surtout « La Fontaine » où un tiers du film se déroule au temps des Conquistadors, utilisant des scènes très sombres et un style fantastique. Alors, si j’ai la possibilité graphique de faire des parenthèses et d’explorer d’autres univers, je suis preneur ! Je voulais pouvoir me lancer dans cette aventure, sans pour autant mettre en péril l’investissement réalisé sur "Croisade". »

Dufaux et Xavier, tandem de choc

Après deux tomes du nouveau cycle de Croisade (entretemps désigné sous le titre de Nomade le temps d’un album, l’année 2012 vit les deux auteurs marquer une pause sur cette série (mis à part la publication d’une intégrale complétée par un très beau dossier graphique) pour lancer en avril et en novembre les deux premiers tomes de Conquistador.

Ce premier diptyque réalisé, on aurait pu croire que nos deux auteurs si complémentaires dans leurs univers allaient terminer Croisade, voire alterner les deux séries, mais c’est pourtant presque en même temps que paraissent les tomes suivants des deux séries parralèles.

Croisade : retour à Hierus Halem

Le tome 6 de Croisade avait relancé l’intérêt pour la série, alors que le lecteur se perdait en conjecture avec un tome 5 relativement creux. L’arrivée de la sœur du héros Gauthier dynamisait le récit, offrant des décors contrastés (Orient - Flandres). Après deux années d’attente, l’impatience des lecteurs était palpable : comment un frère et une sœur au tempérament aussi différents allaient-ils pouvoir cohabiter dans un récit déjà truffé de nombreux ennemis ?

Gauthier de Flandres n’a pas oublié la promesse faite à une jeune femme mourante : celle de retrouver sa sœur capturée par des fous de Dieu qui se nomment les Flagellants. Tandis que sa sœur Sybille intrigue pour attirer l’homme le plus laid du monde dans ses filets, Gauthier repart vers Hierus Halem, sans savoir qu’il y retrouvera une femme aimée : Syria.

Avec ce tome 7, Le Maître des sables, Jean Dufaux retrouve le souffle de son premier cycle, lequel était un peu retombé entretemps. Il nous livre un récit dense et passionnant avec, comme figure éminente, un homme aussi puissant que hideux (le maître des machines est remplacé par Lusignan) et une tentatrice à l’esprit pervers jouée par la sœur Sybille. Toutes la gamme des sentiments défile : la passion de Syria dont on salue le retour, l’amitié d’Ozarias et enfin les deux faces du pouvoir religieux, un sultan lumineux et un mystérieux fanatique catholique à la face de ténèbre. Et bien entendu, le vent des sables, le Simoun Dja, continue de souffler de ses maléfices sur enchevêtrement de ces intrigues.

Philippe Xavier est égal à lui-même, d’une force constante, mais c’est dans les contrastes qu’il est le plus habile : la fougue de l’homme face à la détermination de la femme ; l’idéal du héros face à une politique religieuse implacable...

Mise en lumière par les splendides couleurs de Jean-Jacques Chagnaud (qui signe également celles de Conquistadors, Croisade mérite pleinement l’attention du lecteur, car ce second cycle revient largement au niveau du premier, quand il ne le dépasse pas.

Conquistador, l’éloge de la folie

Le tome 3 est paru en version normale et dans une version limitée en noire et blanche et augmentée d’un cahier graphique

Même auteurs, même fougue, mais constat différent pour leur autre série qui se déroule donc durant la prise de contrôle par Cortès de l’empire de Moctezuma. Rappelez-vous : le premier diptyque présentait, avec une efficacité très cinématographique, un commando envoyé par Cortès pour s’emparer d’une montagne d’or. Le cadrage était au plus près de l’action et des personnages, et c’est sans temps mort que l’on a pu suivre des combats épiques, jusqu’à l’inéluctable conclusion de cette mission périlleuse aux prises avec la magie aztèque.

Alors que le premier diptyque se basait sur les souvenirs épars du héros, transformé lentement en monstre par le fantastique amérindien, le second cycle conduisait les personnages survivants dans la course aux folies : folie du pouvoir, folie de l’or, folie de la religion, et finalement la folie produite par un continent sur des hommes qui se sont coupés volontairement de leurs racines européennes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le monstre qu’affrontaient les Espagnols s’enracinait dans une jungle inextricable.

Cupidité, intolérance religieuse (un thème récurrent chez Jean Dufaux), luttes intestines entre factions rivales chez les Espagnols, sont autant de thèmes mêlés aux cultures locales, dans un climat de tension et d’opposition, de lascivité et de combats. Par l’emploi d’une voix off envoûtante, Dufaux continue de captiver en arpentant les abîmes de l’âme humaine. Ses nouveaux personnages sont aussi bestiaux que fascinants.

Côté graphisme, Philippe Xavier a pris de la distance de champ dans ses cadrages. L’influence cinématographique reste prégnante, mais la narration gagne en profondeur : son talent était un peu gâché lorsqu’un visage mobilisait les deux tiers d’une page sans que le récit ne l’impose vraiment. Ce troisième tome gagne donc en dynamisme et en fluidité, en dépit d’un ressort scénaristique qui, ici, perd légèrement de son punch.

2014 devrait apporter une conclusion à ces deux séries, avec deux seconds cycles de respectivement quatre et deux albums. Si l’habilité de Jean Dufaux n’a pas eu de mal à se trouver confirmée, le public aura néanmoins découvert en Philippe Xavier un grand dessinateur, rapide, réactif et puissant .

(par Charles-Louis Detournay)

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En parallèle de cet article, lire notre interview de Philippe Xavier : « 92 planches par an est un bon rythme de travail ».

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- le lancement de la série : Dufaux, le conquérant
- l’interview de Philippe Xavier : « J’ai besoin des surprises scénaristiques de Jean Dufaux pour doper mon dessin »

Sur ActuaBD, Croisade, ce sont également :
- Le lancement du sixième tome de Croisade : Sybille
- le lancement du cycle Nomade
- les chroniques des tomes 2 et 3
- des interviews de Philippe Xavier : "J’ai toujours été captivé par l’orientalisme" (décembre 2007) et « Jean Dufaux est mon scénariste idéal »

Lire également la dernière interview de Jean Dufaux : « Mes lignes scénaristiques ne sont pas droites, elles sont souvent fracturées. »

Enfin, visiter le blog de Philippe Xavier

 
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