Car oui, le volume semble se contenter d’un tour d’horizon des protagonistes, la structure extrêmement dispersée de la narration se faisant encore plus sentir que d’accoutumée. Seule intrigue suivie, les premiers pas de Babylone dans le monde qu’il est appelé à anéantir. Pour le reste, il faudra se contenter d’allusions, d’ellipses ou de sommaires, comme avec la chute de la République du Texas, rayée de la carte par la Nation Infinie, affaire réglée quasiment hors-champ !
Il y a une forme d’audace à se focaliser sur les individus, sur quelques instants, pour reléguer les grandes manœuvres à l’arrière-plan. Choix de prime abord déroutant, car on laisse de côté un certain potentiel épique de l’histoire narrée, mais payant en ce qu’il permet de mettre en relief la part tragique du récit.
Et si cela semble stagner dans "À qui profite la guerre ?", il y a des choses tout à fait étonnantes dans ce volume. Il s’ouvre ainsi sur un Atlas du monde et des différentes puissances du continent américain, complétée par une chronologie concernant chacune d’elle. Une façon d’aborder cette grande fresque que constitue East of West qui rappelle les premiers travaux de Jonathan Hickman, comme Nightly News ou Pax Romana, parsemés de "données" enrichissant la compréhension de l’univers décrit.
Par ailleurs, la dimension d’apologue des aventures contées ressort comme rarement. Entre les considérations métaphysiques des Cavaliers, les réflexions existentielles amorcées par Ezra Orion, ou le merveilleux corrompu qui caractérise le voyage de Babylone, nous ne sommes pas loin de la fable ou du conte philosophique.
Enfin, on reste frappé par l’usage de la narration, terrible lorsqu’elle prophétise la suite des événements (on songe ici au destin des deux amants, Mort et Xiaolian), et par certaines trouvailles fascinantes. Comme cette sorte de parabole de l’éducation que l’on peut déceler dans le parcours de Babylone, l’enfant éduqué à travers le filtre du virtuel, forgé par les projections parentales et soumis à la perversion d’un devenir qu’on lui impose plus qu’on ne lui souhaite.
Manifestement East of West se donne le temps de déployer son propos, de creuser ses personnages et d’explorer les situations posées. Et même si la sorte de faux rythme qui s’installe peut surprendre, le résultat donne pleinement raison aux auteurs.
(par Aurélien Pigeat)
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East of West T4, "À qui profite la guerre ?". Par Jonathan Hickman (scénario), Nick Dragotta (dessin) et Frank Martin (couleur). Traduction Jérôme Wicky. Urban Comics, collection "Indies". Sortie le 21 août 2015. 168 pages. 15 euros.
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