Avec son ton comiquement grandiloquent, le communiqué de L’ACBD (L’Association des critiques et des journalistes de bande dessinée) qui réunit 78 journalistes et critiques de bande dessinée ont donné leur "Grand Prix", non pas automobile, mais de la critique au nouvel album d’Emmanuel Guibert, L’Enfance d’Alan, paru cet automne (Ed. L’Association), confirmant, dit le communiqué, "son rang de maître de la bande dessinée contemporaine."
Sans aller jusqu’à ces excès, force est de constater que le choix, opéré parmi les 4 062 nouveautés publiées dans l’espace francophone européen (France, Belgique, Suisse) entre novembre 2011 et fin octobre 2012 (un chiffre en hausse cette année encore) est un choix justifié. Comme l’écrivait Morgan di Salvia dans nos colonnes : " C’est toujours avec la même grâce, la même minutie discrète que Guibert met en images les voix de ses amis. Il l’avait fait avec le regretté Didier Lefèvre pour Le Photographe, avec Alain Keler pour Des Nouvelles d’Alain. Pour Alan, le processus est poussé à son paroxysme, puisque Guibert travaille à partir de bandes-son de ses conversations avec son ami [1]. Les décors sont tantôt épurés, tantôt suggérés, parfois ils lorgnent vers un photo-réalisme sépia. Les visages des personnages, composés avec une incroyable économie de moyen, sont pourtant extrêmement expressifs. Puis il y a le verbe essentiel d’Alan et la magnifique calligraphie de Guibert qui l’accompagne."
À 48 ans, Emmanuel Guibert n’a quasi jamais déçu. Avec La Fille du professeur (sc. Joann Sfar, éd. Dupuis), Les Olives noires (sc. Joann Sfar, éd. Dupuis) ou Le Capitaine écarlate (scénario de David B., éd. Dupuis), ce compagnon de route des fondateurs de L’Association figure en bonne place dans nos bibliothèques.
Mais c’est avec La Guerre d’Alan (éd. L’Association) et Le Photographe (avec Didier Lefèvre & Frédéric Lemercier, éd. Dupuis) qu’il s’est vraiment construit sa notoriété. Ses séries pour la jeunesse Ariol (dessin de Marc Boutavant, éd. Bayard Presse) et Sardine de l’espace (d’abord dessinées par Joann Sfar puis par Mathieu Sapin, éditées chez Bayard presse et Dargaud) sont également connues des jeunes lecteurs. Guibert a été en 2007 lauréat de la Villa Kujoyama, dont il tire l’album Japonais (éd. Futuropolis) et a obtenu le Grand Boum du Festival de Blois en 2009. L’Enfance d’Alan figure parmi les albums nominés dans la sélection d’Angoulême pour 2013.
Ce n’est donc pas un choix très risqué que nous fait là l’ACBD. Il est bien caractéristique de l’attitude frileuse de bien des observateurs face à la richesse de la production actuelle qui consiste à se réfugier dans les valeurs sûres. Mais toute régression n’est pas inutile, elle permet de se rassurer lorsque qu’une situation est confuse et lisible, comme c’est l cas aujourd’hui.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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À propos d’Emmanuel Guibert, sur ActuaBD :
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Les conversations d’un dessinateur et d’un photographe
Résidence Japonaise pour Emmanuel Guibert
« Dans notre récit, le vécu est le vecteur de compréhension » (entretien en février 2006)
Les Olives Noires T3
Le Photographe T1, T2, T3, édition intégrale
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
[1] Décédé en 2009. NDLR.
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