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Emmanuel Herzet ("Duelliste") : "Au départ, Masao n’était pas prévu au casting."

Par Christian MISSIA DIO le 23 novembre 2012                      Lien  
Étoile montante du scénario dans la nouvelle génération, Emmanuel Herzet revient au devant de la scène avec "Duelliste", une nouvelle série de cape et d'épée qui rafraîchit le genre.
Emmanuel Herzet ("Duelliste") : "Au départ, Masao n'était pas prévu au casting."
Duelliste T1 par Herzet & Coppola - le Lombard

Qu’est ce qui vous a motivé à écrire une histoire de cape et d’épée ?


D’abord, exhumer mes premières amours littéraires ! Ensuite, m’offrir une récréation en sortant un peu des polars/thrillers techno-contemporains dans lesquels j’évolue actuellement.

Entre Narcos, la Branche Lincoln, Centaures et Alpha-premières armes, Duelliste est un peu une bulle d’oxygène même si je n’y renie pas totalement les codes et les ficelles de l’espionnage et/ou des théories du complot qui m’ont mis le pied à l’étrier. On ne se refait pas.

Quelles ont été vos inspirations pour cette histoire ?


On peut parler d’un mélange d’influences assez diverses. Je citerais d’abord les classiques du roman d’aventures et de cape et d’épée : M. Zévaco, A. Dumas, P. Féval, W. Scott, R. Stevenson, S. Dalens… Il doit y en avoir beaucoup d’autres que j’oublie certainement. Pour l’anecdote, j’ai découvert pas mal de ces œuvres à travers les gros volumes publiés par Marabout qui trônaient à la maison à côté des Bob Morane et autres Doc Savage.

Il y a des films aussi : Les Sept Samouraïs, Le Dernier Samouraï, les James Bond, des films asiatiques de « cape et de sabre » qu’on regarderait d’un œil parfois amusé mais qui sont intéressants à plus d’un titre, notamment grâce à leur vrai souffle épique. J’ai dû voir la plupart des interprétations hollywoodiennes des grands classiques cités plus haut en noir et blanc ou en versions plus récentes…

On peut citer quelques BD aussi : l’immense Kogaratsu de Bosse et Michetz - que les kamis les protègent ! – De Cape et de crocs, rien que d’imaginer le travail réalisé autour des alexandrins, ça vous file le vertige et ça force le respect…

Je terminerais par les livres documentaires sur l’époque, sur Louis XIII et Louis XIV, sur le Japon médiéval et les samouraïs, sur la pierre philosophale et le Paris de la Cour des miracles… Toutes ces références qui ont chargé, alimenté la bête avant même d’écrire une seule ligne.

Duelliste T1 par Herzet & Coppola
(c) Le Lombard

Dans vos autres BD, vous semblez accorder beaucoup de place à la documentation. Qu’en est il pour Duelliste ?


La documentation est importante, essentielle pour ne pas raconter n’importe quoi aux lecteurs même si on leur propose une fiction pure. En gros, le concept de la série Duelliste est d’injecter une touche fantastique ou ésotérique dans un cadre historique le plus rigoureux possible. Se documenter peut sembler laborieux mais ça réserve aussi parfois de bonnes surprises : une anecdote qui ouvre une possibilité narrative à laquelle on n’avait pas forcément pensé en attaquant le synopsis, par exemple, des lieux porteurs, des événements historiques banals mais inespérés pour la trame générale… C’est une terre saine dans laquelle les ramifications de l’histoire peuvent s’enraciner solidement.

En combien de tomes avez vous prévu cette histoire ?

Un premier cycle « alchimie » de quatre tomes, entièrement écrit est signé. Un second cycle « spirite » est dans les tuyaux, si la série rencontre son public. Foncez tous chez votre libraire ! Une première version de synopsis de ce deuxième cycle mûrit gentiment en cave. Il n’y aura plus qu’à habiller le squelette.

Duelliste T1 par Herzet & Coppola - le Lombard

Masao semble bien s’acclimater à la vie parisienne. De plus, personne ne fait attention à ses origines alors que l’histoire se passe à une époque qui était beaucoup moins soumise au brassage des cultures. Comment expliquez vous cela ?


Masao, c’est la touche exotique de la série. N’oublions pas qu’à cette époque, la France fait jeu égal en terme de colonies avec l’Espagne, le Portugal et l’Angleterre. Le commerce international n’en est plus à ses balbutiements. On ne parle sans doute pas encore d’un véritable brassage de cultures – quoique la question mériterait d’être creusée – mais « l’étranger » n’est plus une nouveauté, on n’en est plus à une rencontre du troisième type. Masao est une nature plutôt discrète, il accompagne Velayne partout. Mais pour la foule parisienne, il reste un valet anonyme. Que Masao soit étranger ou pas, cela ne change rien, je crois. Concernant Masao, l’essentiel se décline en deux temps. Un : le lecteur sait que l’ex-samouraï est le maître d’armes et le père spirituel de Velayne et, deux : ses ennemis l’apprennent souvent à leurs dépens. Comme illustré dans le tome 1, chercher des poux sur la tête de Masao, même à plusieurs, relève de l’inconscience pure.

Duelliste T1 par Herzet & Coppola - le Lombard

À la base, Masao n’était pas prévu au casting. Pour Duelliste, je tenais absolument à utiliser un des codes du genre : la botte secrète. Je voulais que Velayne ait la sienne. Ça m’obsédait vraiment et surtout ça m’énervait un peu. J’ai pratiqué l’escrime au collège et je sais qu’une botte secrète « à la Nevers », c’est une chimère. Au mieux, c’est une combinaison audacieuse d’opportunisme et de rapidité pour placer un geste technique standard qui devient mortel. Une explication technique d’escrime n’est pas très excitante et, si on explique une botte secrète, forcément elle ne l’est plus. Et faire dire à Velayne, à chaque fois qu’il tue un adversaire : « Imparable, ma botte secrète, hein ! » n’était pas acceptable non plus.

Évidemment, plus je m’entêtais, plus je bloquais. Impossible d’ignorer cette foutue botte secrète pour y revenir plus tard. Ce genre de blocage est pire que l’angoisse de la page blanche. Un jour, mon fils me raconte que dans un film qu’il a vu les personnages se battaient de façons différentes. Il aimait bien cette idée de pouvoir identifier immédiatement les personnages à travers leur technique de combat. C’est comme ça que Masao est né. LA botte secrète de Velayne, c’était lui : un mélange d’escrime occidentale et orientale. La rencontre de deux mondes de l’épée différents qui apportait à Velayne une technique suffisamment déstabilisante pour ses adversaires.

Duelliste T1 par Herzet & Coppola
(c) Le Lombard

Selon vous, qu’est ce qui caractérise Duelliste par rapport au Scorpion, la BD de Marini et Desberg ?


L’absence de complot clérical et le fait que le Scorpion soit plus âgé que Velayne ? En fait, je connais mal la série de Desberg et Marini mais d’après ce que j’ai pu en lire, je dirais que leur personnage est plus froid et cynique, plus tenté par le côté obscur, peut-être ?

Pourriez vous nous parlez d’Alessio Coppola ? Comment l’avez vous rencontré ? Qu’est ce qui vous a séduit dans son dessin ? 


Plusieurs essais au dessin n’avaient pas abouti et le script sommeillait dans les cartons depuis plusieurs années. C’est là qu’Alessio Coppola s’est présenté et Gauthier Van Meerbeeck [directeur éditorial au Lombard, NDLR] nous a associés. En découvrant l’identité d’Alessio et ses premiers dessins, je me suis dit que si son nom était aussi évocateur que son talent était prometteur, nous allions pouvoir offrir une belle série aux lecteurs. Alessio est bosseur, consciencieux et pointilleux. Il est toujours à l’écoute et, malgré un talent évident, remet constamment son travail et ses idées en question. Il aborde les autres et le travail avec une réelle humilité. Notre collaboration est très stimulante et constructive. C’est un garçon un peu philosophe aussi. J’ai vraiment beaucoup de chance de travailler avec quelqu’un comme lui.

Dans son dessin, Alessio privilégie beaucoup les émotions et les sentiments des personnages. On s’immerge dans la planche et on s’identifie immédiatement aux personnages. Son découpage est très dynamique. Il varie les cadrages, pose aussi bien des « gaufrés » sages et standards que des cadres aux formes géométriques plus osées. Rien n’est gratuit dans sa construction des planches. Tout y sert l’action et les personnages aussi bien dans la profondeur du champ que directement en avant-plan. Les planches d’Alessio regorgent de choses à découvrir.

Alpha Premères armes par Emmanuel Herzet & Eric Loutte
Ed. Le Lombard

Que deviennent Alpha, Premières Armes et votre participation aux Mondes de Thorgal ?


Le tome 2 d’Alpha, Premières armes, intitulé Solo, est en cours de réalisation. Aucun planning officiel n’est arrêté. À la fin de ce diptyque, on abandonne Tyler en proie à un sentiment d’impuissance et d’injustice. Il a été manipulé et la mort de son ami n’a pas été vengée.

Le second diptyque traitera de la montée en puissance du héros décidé à se venger. Son acharnement finira par jeter Tyler dans les bras de la CIA. Une des cibles du héros est « protégée » par l’Agence. En gros, on pourrait résumer les prochains diptyques par l’accroche suivante : la raison d’état opposée au prix du sang. Les paris sont ouverts… Nous allons livrer une suite plus sombre avec un Tyler en souffrance, torturé, mais qui n’hésitera pas à franchir les frontières de la moralité pour atteindre ses objectifs, un traitement plus proche d’une série TV comme The Shield.

En ce qui concerne ma participation aux Mondes de Thorgal, j’ai été sollicité début 2010 pour travailler sur les aventures de Jolan. Les avis étaient partagés et le premier triptyque que je proposais n’a finalement pas été retenu. Essai non-transformé. Mais je ne renonce pas à décliner le projet sous la forme d’une autre série BD ou d’un roman.

Je serais bien tenté par l’aventure du roman pour dégager de l’espace et développer une médieval-fantasy personnelle mettant en scène une féodalité cohérente avec une mythologie propre, aux dieux actifs au cœur des hommes. J’ai déjà le titre, j’ai changé les noms des personnages et j’ai expurgé ce qui était déjà écrit de toutes références thorgaliennes, c’est un bon début.

Votre carrière de scénariste semble être dans une pente ascendante. Pensez-vous pour autant être à l’abri en vous consacrant entièrement au scénario ou au contraire, devez-vous encore devoir poursuivre votre métier d’enseignant ?

Une pente ascendante qui ne me permet pas de me sentir à l’abri pour le moment. À moins de publier demain un best-seller traduit en douze langues et adapté au cinéma par une major américaine, je n’envisage pas de lâcher mon métier d’enseignant dans l’immédiat. Je préfère continuer mon chemin progressivement plutôt que me désintégrer en plein vol au cours d’une ascension fulgurante

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo en médaillon : Photo : Ch. Robin. DR. (c) Le Lombard

 
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3 Messages :
  • Ça veut dire quoi une carrière sur une pente ascendante si l’auteur n’a pas de best-seller ?
    Sa nouvelle série Duelliste est signée depuis des années si j’ai bien compris. Ou est la courbe ascendante ?
    À ce propos, les planches donnent envie et le truc de l’épéiste étranger pour mixer les techniques et ainsi avoir une botte secrète est très malin. Novateur. Malhreureusement la couverture de l’album n’indique absolument pas les qualités de l’album. Trop sombre, trop classique. Impersonnelle.

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    • Répondu par Gill le 24 novembre 2012 à  13:21 :

      Je trouve au contraire cette couverture dynamique et attractive, avec cet éclair blanc dirigé sur moi. Elle me met à la place de l’opposant, avec ce malaise de savoir que je vais perdre, j’ai envie de forcer sur mon épée, de la lever, d’écarter le danger. Le fond médiéval m’informe sur la caractéristique historique de cette BD, tout en insistant un peu plus sur l’escrime (titre, couv) que d’habitude... Que vous faut-il de plus ???

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      • Répondu par Gérald le 24 novembre 2012 à  23:58 :

        On pourrait prendre cette couverture et la mettre sur n’importe quel autre album de cape et d’épée.
        Voilà ce que je lui reproche. Ne pas présenter le contenu mais un genre.

        Répondre à ce message

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