Et si Napoléon, au lieu de fuir l’Égypte, était resté à la tête de son armée et s’était lancé à la conquête des Indes ? Il aurait pu y bâtir un gigantesque empire français. Voilà en tout cas, le point de départ de la nouvelle uchronie de Jean-Pierre Pécau. Dans ce genre littéraire, cet auteur n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il réalise déjà la série L’Histoire Secrète aux éditions Delcourt ou plus récemment La Loge Thulé, une uchronie sur la Deuxième Guerre mondiale.
Dans Le Général Fantôme, le tout premier tome de la série, on y fait connaissance avec le Capitaine Saint-Elme, un militaire pragmatique et sérieux, et avec Charles Nodier, un scientifique aux théories fantasques pétries d’ésotérisme. Un “duo de choc“ envoyé par les services secrets français pour enquêter sur un mystérieux général anglais, seul être ou créature à avoir été capable de défaire les puissantes armées françaises.
Alors que l’armée française subit à nouveau une écrasante défaite et voit sa flotte totalement détruite, Saint-Elme et Nodier ont pris l’identité d’espions anglais et tentent de parvenir à s’infiltrer au sein du commandement de sa Majesté. Le deuxième tome Lady Shelley tourne autour de cette mystérieuse, mais charmante anglaise. Nos deux aventuriers découvrent d’ailleurs que c’est bien elle l’inventeur de cette géniale machine, seule capable de déjouer les stratégies militaires de Napoléon et que les Français ont appelé Général Fantôme.
L’Opération Suzerain clôt le premier cycle de la série. Nodier et Saint-Elme ont découvert que le commandement anglais, à l’aide du Général Fantôme, a mis au point une stratégie qui devrait définitivement mettre un terme à l’empire français des Indes. Il leur faut donc aller faire leur rapport au plus vite au général Savary, chef des services secrets. Malheureusement, après avoir fui les Anglais, ils sont capturés par les Russes, un autre concurrent lorgnant sur les richesses des Indes. Arriveront-ils à prévenir à temps l’armée française ?
Jean-Pierre Pécau aime monter des scénarios aux histoires qui progressent rapidement, sans aucun temps mort. Une marque de fabrique que l’on retrouve dans Empire. Il y met aussi en scène un duo de héros aux idées et au caractère totalement opposés, ce qui rajoute au scénario une intelligente touche d’humour. Certaines conversations entre Nodier et Saint-Elme, par exemple, sont des plus amusantes. Mais Jean-Pierre Pécau prend surtout toujours autant de plaisir à réécrire l’histoire. Il n’hésite pas à ressusciter des officiers de Napoléon morts en Égypte ou à faire allusion à des romans et personnages de l’époque (Livre de la Jungle de Rudyard Kipling, Le Tour du Monde en 80 Jours de Jules Verne, Frankenstein de Mary Shelley ou encore Le Vampire du même Charles Nodier…). On s’y perd d’ailleurs parfois dans la lecture des trois tomes, malgré les nombreuses et parfois fastidieuses notes de bas de page. Heureusement Jean-Pierre Pécau a eu la bonne idée de rajouter à la fin des albums un appareil critique qui s’avèrent bien utiles pour distinguer le vrai du faux et savoir ce qui c’est réellement passé.
Avec une nouveauté qui sort après l’autre (pour L’Histoire secrète et Empire), Igor Kordey arbore un rythme de parution absolument phénoménal. À se demander presque, s’il ne cache pas dans sa cave quelques dessinateurs qui l’aideraient à tenir le coup. Plaisanterie mise à part, on y reconnaît très clairement son style dévoilé dans L’Histoire Secrète. Toutefois, dans le dernier tome principalement, certains plans éloignés de personnages rendent compte d’un travail qui, dans l’empressement, a parfois été un peu bâclé. Mais bon, avec son inégalable cadence de production, on passe sur ces détails et finalement on le remercie de ne pas trop nous avoir fait attendre pour la clôture de ce premier cycle.
À noter la parution d’un coffret regroupant les trois premiers tomes.Et autre bonne nouvelle : l’arrivée prochaine d’un second cycle.
(par Olivier Wurlod)
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