En Mer, c’est le genre de bande dessinée qu’on offre aux gens qu’on aime avec le regard entendu qui dit "lis ça, tu m’en diras des nouvelles". Le genre de livre qui n’est pas uniquement réservé aux amateurs avertis du 9ème art. Le genre d’ouvrage qui, par sa poésie, laisse le lecteur tout chose une fois la dernière page passée et ne demande qu’à être refeuilleté immédiatement pour garder en tête le parfum de cette aventure.
Ce petit format (13 x 17 cm) - la taille du volume est partie prenante de l’intrigue - est à mi-chemin entre la bande dessinée et le livre illustré. Chaque page ne comporte en effet qu’une seule image, mais certaines d’entre elles contiennent des bulles et la plupart s’articulent par petits groupes pour former une scène. On sent planer l’ombre des livres d’aventure du XIXème siècle illustrés de puissantes lithographies. En Mer est d’ailleurs entièrement en noir & blanc, renforçant l’effet de mimétisme. Le style graphique, rond, est tout à fait actuel, mais le travail des hachures confère à l’ensemble un cachet "à l’ancienne" troublant. Et l’on prend plaisir à détailler chaque case, à savourer un plan en plongée, à observer une composition, à s’arrêter sur l’encrage de Drew Weing.
L’histoire, quant à elle, déroule une sorte de récit initiatique maritime dont le héros n’est pas un enfant, ou presque. Le personnage principal, dont nous ne connaîtrons pas le nom, est en effet un jeune adulte à la carrure impressionnante mais à la candeur au-dessus de la moyenne. Il rêve de poésie et de grand large, mais ce n’est pas en trainant dans le pub de ce port (américain ?) qu’il pourra réaliser ses désirs. Ni en fixant la grande bleue, assis sur un ponton. Quoique. Car c’est à cet endroit que des rabatteurs d’équipage l’assomment pour l’enrôler de force sur le navire du capitaine Conrad Porter en route pour Honk-Kong. A son réveil, le colosse lunaire découvre avec effarement qu’il est enfin en mer. Toutefois, le travail sur le pont n’a pas grand chose à voir avec les vers qu’il écrivait dans son petit carnet. Pour le poète aux larges épaules, le voyage sera aussi intérieur.
(par Thierry Lemaire)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion