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Étienne Davodeau, un Angevin Grand Boum de Blois

Par Patrice Gentilhomme le 2 novembre 2014                      Lien  
L'auteur des "Ignorants" sera particulièrement à l'honneur cette année lors de la 31e édition du festival BD Boum. Il faut dire que son travail cadre parfaitement avec le festival pédagogue et citoyen.

Non seulement, une grande exposition reviendra sur son itinéraire mais d’autres temps forts du festival seront l’occasion de découvrir les différentes facettes d’un auteur sincère et engagé.

Conformément à une tradition bien établie, l’invité d’honneur a la lourde tâche de réaliser l’affiche. Une affiche qui ne laisse pas indifférent puisque le dessinateur angevin a choisi de rompre avec son style habituel tout en répondant à la consigne : «  La réalisation d’une affiche est un travail différent, à rebours de ce que je fais en BD. Ce qui m’intéressait, c’était de chercher à accrocher l’œil, de capter l’attention, de proposer quelque chose susceptible de s’adapter aux différents supports et aux différents formats de promotion de BD Boum : affiches, flyers, marque-page etc... ».

Une intention qui, si elle peut en dérouter quelques-uns, correspond bien à la personnalité d’un auteur soucieux de ne pas se laisser enfermer dans un style graphique ou narratif. Depuis plus une vingtaine d’années, ce « dessinateur de terrain » trace un chemin à la fois singulier et personnel, en toute liberté, apportant toujours un témoignage sensible et original sur le monde qui l’entoure.

Étienne Davodeau, un Angevin Grand Boum de Blois
Comme ses prédecesseurs, Etienne Davodeau a accepté de réaliser l’affiche de BD Boum.

Issu d’un milieu modeste, bien « qu’il y ait eu peu de livres à la maison » le jeune Étienne, né en 1965, se met très vite à griffonner, à lire et surtout à relire les illustrés de l’époque tout en « cherchant à comprendre la façon dont c’est fait ». Après un passage aux Beaux-Arts, il s’oriente « naturellement vers la bande dessinée ». Ce sera l’occasion de rejoindre la « Génération Dargaud » (nom d’une collection chez cet éditeur) où il croisera d’autres « jeunes qui montent » comme Félix Meynet, Christian Cailleaux, ou Olivier Berlion avec qui il va très vite se lier. De son amitié avec Joub (Géronimo) ou David Prudhomme (La Tour des miracles, Delcourt) naîtront des albums comme Le Constat ou Les Amis de Saltiel, dont plusieurs planches seront exposées à Blois à l’exposition initiée par BD Boum, dont l’incontournable Patrick Gaumer assure le commissariat.

Une présentation dans laquelle on retrouvera les trois principales motivations de son travail : l’amitié et l’hommage aux copains (un choix fortement revendiqué par l’auteur !), un traitement social de chroniques sensibles et humaines et une approche originale réussie de “BD-journalisme”.

Le chien qui louche, un des derniers succès de l’auteur. Une chronique loufoque coproduite avec le Musée du Louvre.
© Illustrations Etienne Davodeau – Editions Futuropolis 2013

À la suite de cet « hommage aux copains », succède un espace consacré au style narratif caractéristique du dessinateur angevin. Du Réflexe de survie au Chien qui louche paru l’an dernier, Étienne Davodeau propose à travers ses récits de fiction « à échelle humaine », des chroniques sarcastiques des histoires qui racontent notre époque à travers le prisme d’une profonde empathie pour des personnages « ordinaires ».

Adaptée au cinéma par Solveigh Anspach, Lulu, femme nue reste emblématique de cette approche. Intéressé par ces expériences cinématographiques (un travail à partir de Chute de Vélo sera présentée à Blois), Davodeau n’éprouve pas l’envie d’aller vers la réalisation comme Rabaté, Sfar ou Sattouf. Devant le succès rencontré par Lulu incarnée par Karin Viard, il garde la tête froide et confie n’avoir aucune lassitude : « Face aux contraintes du cinéma et ses lourdeurs, ses difficultés, en BD, l’argent n’a rien à voir. Aux contraintes techniques ne s’ajoutent pas de contraintes économiques. L’argent n’est pas un frein pour créer. »

Etienne Davodeau n’est pas non plus, l’homme d’une série ou d’un héros. Son traitement de la fiction s’appuie sur un réalisme documenté et pointu, nourri d’une immersion dans le réel et une capacité à parler de la vraie vie avec des moyens simples et pertinents.

Les Ignorants. Tout l’univers de l’auteur est concentré dans ce récit d’initiation croisée : ruralité, rencontre, reportage et "goût des gens".
© Illustrations Etienne Davodeau – Editions Futuropolis 2012

Prolongement naturel de cette conception, l’auteur pratique une BD de reportage avec succès. Qu’il s’agisse d’évoquer l’engagement militant de ses parents (Les Mauvaises Gens ou Rural chez Delcourt) ou de la mort d’un syndicaliste dans un Homme est mort (Futuropolis), Davodeau met ses reportages au service de ses personnages, transmettant son « goût des autres ». Influencé par des gens comme Joe Sacco (Gaza, Futuropolis) (un déclencheur, affirme-t-il), et d’autres figures du BD journalisme, Davodeau vient de franchir une nouvelle étape en collaborant avec Benoît Collombat autour de la Mort d’un juge.

Fruit d’une longue enquête menée avec le journaliste de France Inter, ce voyage au cœur « des eaux troubles de la Ve république » pré-publié par l’excellente Revue Dessinée doit faire l’objet d’un album-événement à paraître chez Futuropolis.

Davodeau témoigne à sa façon : « Je dessine parfois des reportages ou des documentaires et parfois des livres de « fiction ». Mais je ne fais pas de réelle différence entre les deux genres. Ils procèdent de la même démarche : observer, écouter, puis raconter ce qui se passe autour de moi. »

Publié sur le site Lemonde.fr, puis dans "La Revue Dessinée", "La Mort d’un juge" se présente comme une enquête très documentée où la BD rencontre le journalisme d’investigation.
© Illustrations Etienne Davodeau – Editions Futuropolis 2014

Alors, Davodeau, un auteur, engagé ? Oui, mais loin d’un discours normalisé et militant, d’une façon beaucoup plus proche d’une démarche humaniste et citoyenne. Rien d’étonnant donc à ce que le dessinateur angevin se sente comme un poisson dans l’eau à Blois, « un festival auquel on ne dit pas non, quand on est invité ! » dit-il. Venu en voisin l’an dernier, l’auteur des Ignorants confie même avoir « loupé un avion » pour s’être trop attardé dans la cité des bords de Loire !

Flatté, se sentant « très valorisé », il se prépare donc à savourer pleinement un festival différent, citoyen et pédagogique, autant de valeurs et d’idées dont cet auteur humble et sympathique se fait le porte-parole depuis une vingtaine d’années.

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Davodeau à Blois

- Espace Expo 41 du 21 au 23 novembre de 9h à 18h. Visite commentée par Patrick Gaumer, le dimanche 23 à 11 heures.

- Conférence « Les Mauvaises Gens », avec Étienne Davodeau jeudi 20 novembre

- Café Historique : « Les coulisses sanglantes de la Ve République dans les années 1970 », Samedi 22 novembre en compagnie de Kris de la Revue Dessinée et Benoît Collombat, reporter à France Inter.

- BD concert à partir d’ "Un Homme est mort", vendredi 21 novembre 2014.

- Projection du court métrage "La gagne" et du long "Lulu, femme nue " au cinéma Les Lobis.

Programme complet sur le site de BD Boum

Des infos sur La Revue Dessinée qui publie le dernier opus de Davodeau.

Pour en savoir plus sur Étienne Davodeau, il y a son site.

En médaillon, Étienne Davodeau et Jean-Pierre Baron, président de BD Boum. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD).

 
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