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FIBD d’Angoulême : Qui veut la peau de Franck Bondoux ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 mars 2016                      Lien  
Suite aux différents événements qui ont émaillé la dernière édition du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême, c'est un véritable front commun qui se mobilise contre 9eArt+ et son patron Franck Bondoux pour demander à la ministre de la culture fraîchement nommée, Audrey Azoulay, de se pencher sur le dossier angoumoisin et de le dépatouiller en nommant un médiateur.

Le rendez-vous a eu lieu mardi dernier suscitant des réactions diverses. Souvenons-nous : fin février, les plus gros éditeurs de bande dessinée,du Syndicat National de l’Édition comme les plus petits représentés par le Syndicat des Éditeurs Alternatifs (SEA), faisaient communiqué commun pour signaler qu’ils ne participeraient pas au prochain festival d’Angoulême "si une refonte radicale n’est pas mise en œuvre dans les meilleurs délais", avec un objectif précis, formulé par Guy Delcourt : "Le festival doit être repensé en profondeur, dans sa structure, sa gouvernance, sa stratégie, son projet, et ses ambitions." Pour ce faire, il était demandé au ministère de la culture de nommer "dans les plus brefs délais", un médiateur qui donnerait la marche à suivre.

L’histoire du FIBD ne manque pas de ces bouleversements dramatiques : en 1989, suite à la gestion calamiteuse du maire de l’époque, Jean-Michel Boucheron, le festival manque de disparaître, faute de moyens. Il sera sauvé notamment par Michel-Édouard Leclerc, patron de l’enseigne de distribution qui porte son nom. En 2006, à la suite de la mise en touche du directeur de l’époque, Jean-Marc Thévenet, Franck Bondoux et une société créée pour la circonstance, 9eArt+, prennent le contrôle de la manifestation. Jusqu’au désastreux festival 2016 qui provoqua une bronca à l’origine de l’initiative des éditeurs aujourd’hui.

Au cabinet de la ministre de la culture

Le ministère de la culture a donc reçu les éditeurs. La ministre n’est pas présente, mais Roland Husson, son directeur de cabinet-adjoint et Silvy Castel sa conseillère chargée du livre, de la lecture, de la musique et du jeu vidéo sont là, de même que Nicolas Georges, directeur-adjoint de la Direction générale des médias et des industries culturelles en charge du Service du livre et de la lecture. Ce qui est nouveau, c’est que, face à eux, les éditeurs, représentés par Guy Delcourt pour la section BD du SNE (Syndicat National de l’Edition) et par Juliette Salique (présidente) et Jean-Louis Gauthey (porte-parole) pour le SEA (Syndicat des Éditeurs Alternatifs) ne sont plus seuls, il y a aussi des auteurs : Jeanne Puchol pour le Collectif des Créatrices de Bande Dessinée contre le sexisme, Marc-Antoine Boidin pour le SNAC BD (Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs, antenne BD) et Denis Bajram pour les EGBD (États généraux de la Bande dessinée).

"Nous avons réitéré les uns et les autres notre position face à l’état du FIBD, le festival BD le plus connu au monde qui est dans une sorte de décrédibilisation internationale suite à la dernière, nous raconte Guy Delcourt. La problématique n’était pas de savoir si 9eArt+ donnait satisfaction, ce qui faisait partie des questions, mais quelque chose de beaucoup plus large en relation avec les fondations même du FIBD qui, aujourd’hui, nous apparaissent inadaptées eu égard à la taille de l’événement et de l’exigence de qualité que nous avons tous. J’ai été très satisfait de voir qu’auteurs et éditeurs faisaient front commun, ce qui ne veut pas dire que nous sommes tous d’accord sur ce que doit être un FIBD rénové, mais nous sommes tous d’accord sur le diagnostic actuel : si une réforme profonde, rapide, avec des résultats tangibles dans les semaines qui viennent, nous sommes tous prêts, auteurs et éditeurs, à ne pas participer à la prochaine édition. Cela a été dit avec la plus grande fermeté et visiblement entendu."

Mais que peut le ministère face à cette situation en réalité ? "Nous demandons un médiateur, nous dit Guy Delcourt, qui a une certaine envergure du fait de son parcours, une vraie affinité avec le monde de la culture, de l’édition et de la bande dessinée, qui ait une vraie force politique parce que le rôle des partenaires publics doit bien évidemment être pris en compte, pour faire véritablement ce travail de refonte."

FIBD d'Angoulême : Qui veut la peau de Franck Bondoux ?
Franck Bondoux, le délégué général du FIBD est un homme seul. Derrière lui, en janvier dernier, (de g. à dr.) le maire d’Angoulême, Xavier Bonnefont, Jean-François Dauré, le président de l’agglomération du "Grand Angoulême", pas vraiment ravis de la situation, et Patrick Ausou, le président de l’Association du FIBD perdu dans ses papiers. Photo : D. Pasamonik.

"Une mort rapide plutôt qu’une longue et douloureuse agonie"

L’état a-t-il vraiment un rôle à jouer dans un événement qui appartient à une association indépendante ? "C’est peut-être là qu’est le problème, dit Guy Delcourt, cette association qui est à l’origine du FIBD n’est pas une entreprise. Elle est composée d’amateurs, par nature, de passionnés. elle est certainement tout à fait pertinente dans les premiers temps du festival, mais elle n’est plus adaptée vu la dimension prise par l’événement. L’état est manifestement impliqué dans tout cela, soit au travers du CNL, soit au travers des collectivités. Nous ne voulons pas entrer dans cette cuisine, les histoires de contrat, etc. Nous faisons un constat d’insatisfaction profonde. C’est peut-être paradoxal, mais nous préférons prendre le risque de le mettre en péril plutôt que de le voir se dégrader année après année. Un auteur a dit dans la réunion que nous préférions une mort rapide plutôt qu’une longue et douloureuse agonie. Le but n’est évidemment pas la mort, mais au contraire une renaissance du Festival. Pour cela, il faut en passer par une profonde remise en question."

Une affaire nationale

De là à mettre la tête de Franck Bondoux et de 9eArt+ sur le billot ? "Le périmètre de la problématique est beaucoup plus large, objecte Guy Delcourt. Le fait que M. Bondoux ait le mandat de l’association, cela les regarde. Nous ne voulons pas entrer là-dedans. On peut penser qu’il y a une problématique sur la façon dont tout cela a été conduit et c’est bien pour cela qu’il faut faire table rase. Nous n’avons pas à nous sentir liés par ces accords qui, finalement, empêcheraient toute réforme. Il faut prendre le problème de plus haut et réformer avec l’autorité nécessaire, par exemple celle de l’état. Pourquoi l’état ? Jean-Louis Gauthey de Cornélius l’a bien dit : le Festival a une dimension nationale, voire internationale. Il ne faut pas traiter le problème seulement à l’échelon local. la réflexion doit avoir lieu au niveau national. Le musée d’Angoulême est un musée d’état."

Cette délégation aura-t-elle des résultats ? Ses participants ont senti une écoute bienveillante et même favorable de la part de leurs interlocuteurs. "Nous attendons confirmation de la nomination d’un médiateur et la proposition d’un ou de plusieurs noms. Nous réfléchirons collectivement, auteurs et éditeurs, de manière à ce que, le plus vite possible, cette personnalité soit à l’œuvre" résume Guy Delcourt à la suite de l’entretien.

Alors que cette initiative vise à réformer les bases-même du FIBD, à savoir la relation de 9eArt+ avec l’association de Loi 1901 du FIBD, le collectif des Indignés d’Angoulême vise directement le patron de 9eArt+ : M. Franck Bondoux.

"Pourquoi M. Bondoux doit partir ?" s’intitule leur communiqué [en PDF, ci-dessous], et de lister tous les griefs contre le bonhomme dont Joann Sfar déclarait à Sud-Ouest qu’il avait "pris le festival en otage".

Nous avons demandé une réaction à l’intéressé. Sans réponse. "Le silence est comme le vent : il attise les grands malentendus et n’éteint que les petits" disait Elsa Triolet. La leçon n’est semble-t-il pas retenue.

Le communiqué des indignés d’Angoulême

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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4 Messages :
  • Sauver Angoulême, pas sans les Angoumoisins !
    14 mars 2016 11:48, par Gilles

    Certes le problème n’est pas uniquement "local".

    Mais ne se tourner que vers l’Etat, qui finance si peu le festival (pas même un dixième des financements publics) et si moyennement la Cité de la BD et son musée (un quart des participations publiques), en contournant et même en méprisant les collectivités locales, c’est adopter un point de vue très parisien qui est insupportable pour le contribuable angoumoisin.

    Guy Delcourt se trompe en disant que le Musée de la Bande Dessinée est un musée « national » : c’est un Musée de France (comme beaucoup de musée municipaux et même privés), dont les collections appartiennent en totalité à la Ville d’Angoulême, dont le bâtiment est mis à disposition par le Pôle Image Magelis (émanation du Département de la Charente, avec l’appui de la ville, de l’agglomération et de la région) et dont le fonctionnement et les investissements sont partagés entre le Département de la Charente (39%), la Ville d’Angoulême (24,5%), la Région Poitou-Charentes (10%) et donc l’Etat (ministère de la Culture, 26,5%).

    Bref, tout comme les 2M€ de subventions versées chaque année au festival, tout comme les nombreux espaces publics et les personnels mis à disposition du festival, il s’agit là d’une très forte contribution des citoyens d’Angoulême et de la Charente à cette manifestation, laquelle semble importante pour les affaires des éditeurs parisiens qui ont raison de souhaiter qu’elle se ressaisisse.

    Mais les forces vives d’Angoulême (la Cité de la BD en premier lieu, qui a tant été piétinée, insultée, méprisée par Franck Bondoux, mais aussi les écoles du Campus de l’image, les auteur.e.s installé.e.s en Charente et leurs collectifs dynamiques, les entreprises de l’image du territoire) doivent être enfin associées à cette refondation, elles qui tiraient depuis longtemps la sonnette d’alarme mais se heurtaient à la surdité très sélective des éditeurs qui ne voyaient pas encore la menace pour leurs affaires et des politiques qui cherchaient à éviter les conflits. Aujourd’hui que tous les acteurs, unanimement, semblent prendre la mesure de l’ampleur du désastre, les Indignés de la bande dessinée d’Angoulême, qui s’expriment précisément au nom de ces forces vives, devraient être entendus, car ils posent de bonnes questions.

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  • Bonjour Gilles,

    Ce qui est surtout « insupportable pour le contribuable angoumoisin », c’est de constater que les collectivités locales sont impuissantes à régler le problème, malgré la bonne volonté évidente de certains.
    C’est de voir bondir le prix du Pass, d’assister années après années aux psychodrames et autres querelles d’ego et de pouvoir... le tout sur fond de rivalités politiques, ce qui est la spécialité locale et ce, dans tous les domaines.

    C’est aussi de n’avoir aucune transparence sur les comptes du FIBD ou conditions dans lesquelles certains accèdent et se maintiennent à la tête de ce festival.

    Quant aux « forces vives d’Angoulême » du Pôle Image sont-elles à ce point incapable de se faire entendre sur le plan local qu’il faille attendre que les éditeurs se mobilisent pour que la situation se débloque enfin ?

    Et sur le plan national – alors qu’elles sont directement concernées et qu’elles auraient beaucoup à perdre de la disparition du Festival - n’ont elles d’autres ressources que de s’exprimer sur ActuaBD, quelle que puisse être la qualité de ce média ?

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    • Répondu par Gilles le 18 mars 2016 à  16:37 :

      Tout cela, combiné, additionné, empilé, est en effet insupportable pour le contribuable. C’est bien le sens (en grande partie) du communiqué des Indignés. C’est pourquoi je ne revenais pas dessus et pointais juste cette posture très parisienne qui consiste à décider du sort de la manifestation que financent les Angoumoisins, entre éditeurs, auteurs et ministre, dans les salons parisiens de la rue de Valois, comme si tous ceux que j’énumérais (des citoyens de la cité des Valois aux collectivités, en passant par la Cité de la BD, le campus de l’Image et les entreprises du Pôle Image) n’existaient pas ou n’étaient pas concernés.

      Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi vous reprochez aux « forces vives d’Angoulême » de s’exprimer sur ActuaBD : d’une part parce qu’elles ne l’ont pas fait (le site a seulement publié leur communiqué de presse largement diffusé), d’autre part parce qu’elles devraient bien le faire, puisque tout se passe et s’étale dans les médias.

      Aujourd’hui, dans Charente Libre, le président du groupe BD du SNE, Guy Delcourt, revient longuement sur cette affaire en adaptant légèrement son discours (sans doute parce qu’il était interrogé par le quotidien local...). Il dit d’ailleurs des choses très sensées et intéressantes. A lire avec attention, donc. Sans doute Didier Pasamonik en fera-t-il un résumé...

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      • Répondu par Jenny le 21 mars 2016 à  17:18 :

        Bonjour,

        Effectivement ActuaBD relaie le communiqué des Indignés. Comme l’on fait Actualitte et ToutenBD. Ainsi que des quotidiens locaux : Charente Libre et Sud Ouest.
        Autrement dit : sa diffusion ne sort pas du "local", ni du "milieu" de la BD. Dommage, alors que le Festival est international et qu’il concerne plus largement tout le domaine de l’image.

        D’autre part, le collectif des Indignés, ne communique pas le nom de ses membres, hormis quelques "anciens", comme MM. Mardikian ou Poinot. Qui sont les autres ? Un peu de transparence ne ferait pas de mal au mouvement.

        Aujourd’hui dans Sud Ouest (article repris dans ToutenBD) Franck Bondoux affirme que "la refonte a déjà commencé" et "Le dernier CA de l’association du festival a entériné la reconduction, pour dix ans, du contrat de concession avec 9eArt+.". Ce qui est surprenant quand on se rappelle des précédentes déclarations de Delphine Groux (responsable com’ de l’association) et Patrick Ausou (président) à ce sujet.

        Silence radio du côté de l’association.

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