Malgré leur inclination au rapprochement franco-chinois, les Éditions Fei ne pouvaient faire l’impasse sur l’évocation des deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860) et du sac du Palais d’été (1860). Opium de Laure Garancher développe sa trame autour de ces épisodes cruciaux de l’histoire de la Chine.
Mon Fiancé chinois (Steinkis, 2013) traitait de mariages arrangés entre Chinois et Vietnamiens. Ici, le destin de deux sœurs chinoises aimant le même homme permet de parler de la résistance de l’empire du Milieu à la pénétration colonialiste des puissances occidentales durant le XIXe siècle.
L’ouvrage rappelle une vérité historique : celle des excès prédateurs de Britanniques et de Français qui ont joué aux fers de lance en ce domaine. Leur désir d’ouvrir de force la Chine aux influences extérieures les incita à se transformer en trafiquants de drogue à l’échelle internationale pour assujettir son peuple.
Pas sûr que les chères têtes blondes à qui leurs parents paient des cours de chinois dans l’espoir que cette langue soit porteuse d’un avenir assuré pour leur progéniture se remettent toutes du choc de cette découverte. Mais, si par ignorance ou volontairement, la mémoire fait souvent défaut en Occident sur ces questions, en revanche les Chinois n’en ont rien oublié.
Vous en doutez ? Relisez donc, par exemple, la partie sur son voyage en Chine des mémoires de Jacques Diament (Fluide Glacial, Gotlib … et moi, L’Harmattan, 2010). Il y rapporte une signifiante anecdote, survenue durant la visite d’un segment peu fréquenté par les touristes de la Grande Muraille. Un montagnard chinois, quand il apprend que l’ex-directeur de publication du magazine d’humour est un Français, lui remémore avec reproche le pillage par ses compatriotes des trésors nationaux de son pays lors du sac du Palais d’été…
Néanmoins, si le récit de Laure Garancher est plutôt bien mené, son dessin continue à pécher par des insuffisances techniques. Il est cependant tout à l’honneur des Éditions Fei d’avoir permis à son projet de voir le jour. Celles-ci se livrent là à un travail d’accompagnement d’auteurs en devenir.
Si elle comporte aussi un retour en arrière sur le fléau de l’opium, l’action de Pilleurs de tombes de Yao Fei-la, dessinateur chinois déjà publié par Casterman (La Rêveuse, 2007) ou Kana (80°C, 2008), s’inscrit dans la période ultérieure de la Révolution culturelle (1966-1976).
De jeunes citadins instruits obligés d’aller se rééduquer à la campagne s’y ennuient à préserver les champs des paysans des bêtes sauvages. Ils s’accoquinent avec un trafiquant local qui tentait pourtant d’y faire oublier ses activités passées. Tous s’en vont explorer une tombe impériale renfermée par une montagne des environs, désireux d’y trouver des richesses.
Sans vraiment innover, les aventures de ces émules chinois d’Indiana Jones procurent toutefois un bon divertissement. Il mélange réalisme historique et fantastique, tandis que la narration se trouve rehaussée par le plaisant argot dispensé par la traduction en français.
Puisqu’il est question de fraicheur juvénile, rappelons la sortie voici quelques mois de San Mao, le petit vagabond dont nous avons déjà parlé, un « classique » chinois de Zhang Leping des années 1930 qui a conservé toute la sienne, de fraîcheur.
Il figure comme de juste parmi les cinq titres en compétition pour le prix Asie de la Critique ACBD 2014, désigné par les votes des membres de l’Association des Critiques et Journalistes de Bande Dessinée et qui sera décerné ce samedi 5 juillet prochain lors de la 15e édition de Japan Expo.
En l’absence cette année, comme en 2013, des Awards attachés auparavant à cette manifestation, cette récompense sera la seule remise et recevra de ce fait encore plus de soutien de la part de ses organisateurs.
Le jour de la désignation du gagnant se tiendra en effet au préalable une rencontre-débat, sur la scène des « 15 ans » de Japan Expo, à 16h30. Doivent y participer des représentants des cinq éditeurs concernés. Nous ne manquerons pas de revenir sur la proclamation du vainqueur le moment venu.
(par Florian Rubis)
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En médaillon : couverture d’Opium / © 2014 Laure Garancher & Les Éditions Fei
Les Éditions Fei viennent d’ouvrir une librairie et galerie au 1, rue Frédéric Sauton 75005 Paris
Opium – Par Laure Garancher – Les Éditions Fei – 144 pages, 21 €
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Pilleurs de tombes – Par Yao Fei-la – Les Éditions Fei – 200 pages, 17 €
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San Mao, le petit vagabond – Par Zhang Leping – Les Éditions Fei – 418 pages, 33 €