"Le football est populaire parce que la stupidité est populaire" aurait écrit Jorge Luis Borges qui avait du mal à apprécier le spectacle, il faut bien en convenir...
Pour certains, au contraire, le foot est précisément intelligence parce que la force physique n’est pas le seul élément déterminant pour marquer des buts : il y a la stratégie, la tactique, l’habileté dans le combat, la gestion d’une certaine fraîcheur physique... mais aussi la part aléatoire de la chance. Peut-être Borgès trouvait-il le foot "stupide" parce que sa finalité semble vaine (tant d’efforts et d’argent pour remporter une coupe absolument laide !...), parce qu’il n’est qu’une "distraction" de la vie quotidienne, et donc l’occasion pour des gouvernements d’aliéner le peuple en l’éloignant quelques temps de ses vraies préoccupations. Large débat...
C’est néanmoins un événement régulier et puissant que les médias ne rateraient pour rien au monde. Il nourrit leur chronique quotidienne, dans le jeu et hors du jeu, avec ses exaltations, ses tragédies et ses farces. Sous son influence, le moindre joueur de foot peut passer du statut de dieu vivant à celui de salaud et de traître ; l’entraîneur peut, en l’espace d’un seul match, devenir un héros ou un criminel à abattre !
On comprend que nos auteurs de BD s’intéressent à ces excès : c’est l’humanité toute entière qui transparaît dans cette discipline et elle est déclinable sur tous les registres.
Réaliste d’abord, bien que cet aspect ait disparu ces derniers temps des rayonnages. On se souvient des vétérans Vincent Larcher dans l’équipe belge de Tintin et Éric Castel dans l’équipe allemande de Super-As par l’indépassable Raymond Reding dont on retrouve avec plaisir le souvenir sur sa page Facebook.
Il y a l’international IR$ Team par Stephen Desberg & Marc Bourgne (Le Lombard), qui s’intéresse aux dessous du foot, et notamment à la corruption dans le cadre de l’obtention d’une Coupe du monde auprès de la FIFA avec, à la clé, des membres dument soudoyés... Un scénario qui ressemble beaucoup à une certaine actualité... Ce côté obscur du foot est aussi l’objet d’une enquête humoristique, façon "Face kärchée", dans Carton Rouge par Aré chez Vent d’Ouest.
Le registre de l’humour, justement, avec sa suite inépuisable de farces rebondissantes ne semble pas tarir non plus. Le modèle incontournable est encore Foot Furieux du talentueux international belgo-turc Gurcan Gürcel (Ed. Joker) qui parvient à aligner 16 tomes sans jamais ennuyer. Il y a aussi Droit au but de Thierry Agnello, Zampano, Jean-Luc Garrera & Eric Skiav chez Hugo BD qui opère dans le même registre.
On n’omettra pas la série Foot Maniacs de Jenfèvre, Sulpice & Cazenove, habilement mise en images par Olivier Saive, qui en est au tome 12 (opportunément paru en mai 2014) et qui accompagne l’équipe de France jusqu’au Brésil. La maison Bamboo organise un concours entre le 12 juin au 13 juillet 2014 dans lequel il s’engage de rembourser 25% de l’achat de l’album (10,60 €) si votre équipe préférée passe en demi-finale, 50% si elle passe en finale et 100% si elle gagne la finale !
Pour les Belges, sélectionnés à ce Mundial, André Lebrun & Philippe Bercovici ont concocté un album du même genre pour les Éditions Joker. Joker gagnant pour les Belges ? Pour l’éditeur en tout cas qui édite aussi l’album en flamand, sous le titre Rode Duivels.
L’esprit sportif touche jusqu’à la maison Gallimard qui publie ces jours-ci une série de dessins d’humour signés Pénélope Bagieu, Charles Berberian, Bouzard & Jul, intitulé Tatane et qui suggère de nouvelles règles pour "un football durable et joyeux".
Il n’est pas jusqu’au Petit Nicolas qui ne tape le ballon rond ! Associé au quotidien L’Équipe, l’éditeur d’IMAV, Aymar du Châtenet, nous livre cette semaine un "Le Petit Nicolas fait du sport", recueil thématique des récits illustrés par Sempé, où est rappelée cette réflexion de René Goscinny : "Chaque fois que j’ai essayé de faire du sport, je me suis fait très mal et je pense que pour une jeunesse saine, il vaudrait mieux supprimer les stades..." C’est peut-être ce manque d’exercice qui lui valut, hélas, de décéder prématurément d’une crise cardiaque en 1977, à l’âge de 51 ans.
Dans les aventures du Petit Nicolas, c’est Agnan qui est l’arbitre : "Agnan, c’est le premier de la classe, on ne l’aime pas trop, mais comme il porte des lunettes on ne peut pas lui taper dessus, ce qui, pour un arbitre est une bonne combine..."
Enfin, à quelques jours de la Japan Expo, on ne peut éviter le grand classique de manga de foot Captain Tsubasa, alias Olive et Tom, de Yôichi Takahashi (éditions Glénat) dont les 24 volumes sont un modèle d’initiation au foot.
Voilà, il ne vous reste plus qu’à vous caler dans un fauteuil et à lire des BD entre les matchs...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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