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Francfort 2014 (3/3) - Comment l’État français aide les petits éditeurs de BD à s’exporter.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 octobre 2014                      Lien  
Ces dernières années, on rencontre de plus en plus de petits éditeurs de bande dessinée dans les travées de Francfort. Ils essaient de vendre leur catalogue à l'étranger. Hébergés par le Bureau International de l’Édition Française (BIEF), ils ont souvent le soutien de structures régionales.
Francfort 2014 (3/3) - Comment l'État français aide les petits éditeurs de BD à s'exporter.
"Barnabé" de Philippe Coudray à la Boîte à Bulles, est édité aux États-Unis et en Chine. Comme quoi, les petits éditeurs...

Le MOTif est un organisme de la Région Ile-de-France mis en place pour renforcer le lien entre les professionnels et proposer des politiques publiques liées au livre. Chaque année, depuis 2010, cette structure donne un coup de main aux petits éditeurs de BD indépendants. En leur assurant par exemple une présence au Salon du Livre de Paris, mais aussi, à la Foire Internationale du Livre de Francfort.

"...Ce dispositif prévoit d’accompagner sur trois ans des éditeurs indépendants franciliens qui souhaitent développer le secteur des droits étrangers, dit un communiqué. Le MOTif facilite ainsi leur présence à Francfort et propose un certain nombre de services en amont de la Foire du livre. Par exemple : l’éditeur bénéficie d’un suivi personnalisé de la part d’un professionnel des droits étrangers. Ce suivi consiste également en un audit de son catalogue qui permettra d’identifier les titres ayant un fort potentiel à l’international. De plus des outils de prospection, eux aussi personnalisés : présentation en anglais de la maison d’édition et d’un titre du catalogue, contacts d’éditeurs étrangers sélectionnés au regard du catalogue. Cet accompagnement devrait ainsi offrir aux éditeurs des échanges fructueux à la Foire de Francfort. Le MOTif finance une formation, la présence sur le stand du BIEF et les badges d’entrée. En revanche, les frais de déplacement, d’hébergement ainsi que d’inscription au BIEF (443€, inscription obligatoire pour être présent sur son stand avec une table et une étagère de 40 livres. NDLR) restent à la charge des éditeurs. "

Cette année, trois éditeurs de BD émargent au MOTif : La Boîte à Bulles, Michel Lagarde et Le Buveur d’encre. "Nous avons rencontré une personne du MOTif qui nous a conseillé d’être présent sur un stand à Francfort, nous dit Michel Lagarde. Pour notre petite maison d’édition, c’est une première. Ayant depuis deux ou trois ans orienté notre catalogue vers des titres jeunesse, je me suis dis que cela pouvait intéresser des éditeurs internationaux. "

Michel Lagarde, devant sa production. Il est à Francfort grâce au MOTif.
"L’Ours, le chat et le lapin" de Maria Rostocka et de Michal Rostocki aux éditions Michel Lagarde.

Les éditions Michel Lagarde sont diffusées en France par le Pôle Image des Belles Lettres, son catalogue s’épaissit d’année en année : "La plupart des rendez-vous ont été pris bien à l’avance, poursuit Michel Lagarde, et c’est Colombine Depaire, ma collaboratrice, qui s’est chargée d’organiser notre venue. Le MOTif finance la table et les présentoirs [le coût est de l’ordre de 2330€. NDLR], l’inscription au BIEF et le voyage restant à notre charge. C’est un vrai pari ! Mais cela nous assure une présence et permet de nous faire connaître. L’idée, pour certains titres jeunesse, c’est de trouver des partenaires coproducteurs. Nous essayons de développer des "familles" avec d’autres éditeurs. C’est la première fois, c’est encore un peu tôt pour tirer une conclusion."

"C’est le Centre Régional du Livre limousin qui nous aide, nous disent de leur côté Dominique Véret et Bruno Pham, les deux animateurs du label Akata. Ils nous ont soutenus sur les frais de productions de deux de nos livres. Ils nous aident à venir, autant sur les frais de déplacement, que d’hôtel, ainsi que notre présence sur le stand du BIEF. L’abonnement BIEF n’est pas si cher que cela, mais c’est le stand qui coûte. La DRAC nous a aidé en revanche pour être présent à Japan Expo cette année. Ils sont contents dans le Limousin d’avoir des acteurs comme nous qui avons une visibilité nationale. En l’espace d’un an, nous serons le plus gros éditeur du Limousin, c’est pourquoi ils nous aident. Ils mettent en contact tous les acteurs régionaux. Dans le Limousin, il y a de grosses entreprises qui font de la PLV, de l’impression numérique, etc. On peut travailler entièrement localement. C’est sur des choses comme celles-là qu’ils nous aident, ils nous mettent en réseau."

Bruno Pham et Dominique Véret d’Akata, aidé par le CRL du Limousin. Derrière eux, Vincent Henry de La Boîte à Bulles, aidé par le MOTif.
"Les Torches d’Akymon" de Michaël Almodovar chez Akata

"Avec l’Internet et le mobile, qu’est-ce qu’on a à faire à Paris pour inventer le futur ? Y compris éditorialement, c’est pertinent d’être en campagne", surenchérit, toujours disert, Dominique Véret. Il présente à Francfort son manga français "Les Torches d’Arkylon" de Michaël Almodovar dont le sujet est bien dans cette mouvance : "C’est une période de crise en Arkylon. L’Empereur ne se préoccupe plus de son peuple et ne joue plus son rôle de dirigeant… Résultat, les guildes de mercenaires se multiplient et font d’énormes bénéfices ! C’est dans ce contexte que Sombrelune, un elfe noir un peu dragueur et Arkaïs, un chevalier dragon végétarien, sont engagés pour retrouver un paladin disparu depuis peu…" Tout un programme qui devrait séduire les éditeurs étrangers !

"Nous aidons depuis une dizaine d’années déjà les éditeurs à sortir de leur département, nous dit Olivier Thuillas, chargé de mission pour l’économie du livre au Centre Régional du Livre en Limousin. Nous sommes une petite région et nous nous sommes rendus compte que des éditeurs devaient être soutenus pour aller au Salon du Livre de Paris, à celui de Bruxelles, et à Francfort pour les cessions de droit. Le Conseil Régional, qui est assez actif sur l’accompagnement des entreprises, nous a suivi pour que l’on amène les éditeurs ici et qu’on les aide, en l’occurrence Akata qui connaît très bien les lieux puisqu’auparavant, ils étaient avec Delcourt. Sur les premières années, on prend en charge 80% du stand, des frais de voyage et de transport et de l’ensemble des coûts, pour que ce ne soit pas le coût qui soit un frein pour les éditeurs. Le principe est que l’éditeur doit pouvoir voler de ses propres ailes et que l’intervention publique soit de plus en plus légère avec le temps. L’enjeu est de leur permettre de venir avec nous et puis qu’ensuite, ils se débrouillent seuls."

Également présents sur le stand du BIEF, les responsables de L’Associaton Matthias Rozes et Louis Lauliac.

Avec un état en crise, qui doit réduire à tout prix ses déficits, ce genre de politique est-elle encore envisageable ? Olivier Thuillas est catégorique : "Ce sont des sommes qui sont dérisoires par rapport à un imprimeur qui vient vous demander un million d’euros pour l’aider à acheter une machine. Aider les éditeurs, aider les libraires en région pour qu’ils puissent exister, développer la lecture, cela ne coûte rien du tout rapporté aux investissements publics ! L’économie nous demande aussi d’évaluer les choses. On va donc regarder si cela a fonctionné, si les ventes de droits marchent... Mais on sait bien que cela ne marche pas tout de suite, toute l’année. Si l’on a investi 10000€ et que les ventes sont de 25000€, c’est gagnant, même pour nous. Ce ne sont pas des sommes démentes, ce sont des petites économies. Nous nous employons à faire se rencontrer les acteurs du terrain : les auteurs, les libraires, les éditeurs, les bibliothécaires, la diffusion-distribution régionale, les prestataires numériques... Ils se rencontrent dans un lieu neutre qui ne leur demande rien et qui évite les seuls rapports de force" nous dit ce fonctionnaire public encore plein d’espoir.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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