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François Walthéry : "J’aimerais que l’on retienne l’énergie de mes dessins"

Par Christian MISSIA DIO le 4 décembre 2012                      Lien  
50 ans de carrière, cela se fête ! Depuis le 9 octobre et jusqu'au 24 février 2013, le Centre Belge de la BD (CBBD) organise une grande exposition retraçant la carrière de François Walthéry. Une occasion unique de rencontrer le maître. Entre évocation du passé et projets d'avenir, le créateur de Natacha and Co se livre sans pudeur sur son demi-siècle consacré au neuvième art.
François Walthéry : "J'aimerais que l'on retienne l'énergie de mes dessins"
Natacha

Comment allez-vous ?

Ça va pas mal, comme on peut aller à 66 ans. Concernant l’expo qui m’est consacrée, celle-ci est fort bien faite et dois dire que j’ai été agréablement surpris !

Nous pouvons constater avec bonheur que vous êtes encore actif.

Oui, actuellement, je travaille sur une nouvelle histoire de Natacha qui paraîtra en deux volumes. D’ailleurs, vous pouvez voir quelques planches de ce nouvel album.

Cette année, vous fêtez vos 50 ans de carrière au service du 9ème art. Quel bilan faite vous de toutes ces année d’activité ?

Je me dis souvent que j’aurais pu faire mieux – en faisant plus d’albums – mais c’est comme cela et finalement, il n’y a pas de regrets à avoir ! C’est vrai que j’aurais pu approfondir le Vieux Bleu ou le P’tit Bout de Chique mais d’un autre côté Natacha a pris le dessus. Et puis, j’ai toujours soigné mon travail. On ne peut pas faire deux choses à la fois dans ce métier.

C’est comme Peyo avec ses Schtroumpfs qui ont « bouffé » Benoit Brisefer et Johan et Pirlouit. Idem avec Hergé dont Tintin à pris la place de Jo, Zette & Jocko et Quick & Flupke. C’est vrai que vu sous cet angle, il y a toujours un regret. Mais d’un autre côté, si on mène tout de front, on n’a plus de temps à soi. Il faut travailler mais il faut aussi respirer un peu.

Rubine

En parlant de vos créations, on peut citer aussi Rubine, un personnage que vous aviez créé mais que vous n’animiez pas. La série est aujourd’hui arrêtée. Avec le recul, quel regard portez-vous sur ce personnage ?

Je l’aime bien. Je lisais toujours les scénarios de Mythic et nous en parlions régulièrement. Je voyais aussi de temps en temps Dragan de Lazare, le premier animateur de la série, puis son successeur Bruno Di Sano, qui est un ami. Ça allait bien… Ce qui m’embête un peu c’est que l’on ne m’a jamais prévenu officiellement que la série était arrêtée. Pourtant, j’avais demandé des nouvelles aux éditions du Lombard mais on ne m’a jamais répondu clairement. Il faut dire qu’il y a eu une période ou il y avait constamment des changements dans la direction. Carin a eu le coup aussi avec sa série Victor Sackville… Ils arrêtent la série, mais pourquoi ? Est-ce que celle-ci va reprendre ou non ? Si c’est le cas, peut on la poursuivre chez un autre éditeur ? On n’a jamais osé me répondre. Mais je ne suis pas amer. On ira voir ailleurs.

Le P’tit bout d’Chique

Revenons si vous le voulez bien sur Natacha. Ce personnage, c’est un peu tout ce que vous n’étiez pas ?

Oui, mais c’est surtout un coup de chance ! Au départ, je ne devais faire qu’une ou deux histoires, avec l’aide de mon ami Gos. Puis, celui-ci est parti pour créer le Scrameustache - et ça a bien marché pour lui – pendant ce temps, Natacha a continué son chemin avec d’autres scénaristes. Avant de faire Natacha, je rêvais de faire du Spirou ou Tif & Tondu. Bref, des séries avec des garçons mais l’éditeur m’avait répondu que ce serait bien que je crée un personnage féminin parce qu’il n’y en avait pas dans le journal de Spirou,
hormis Sophie, le personnage de Jidéhem, mais ce n’était qu’une petite fille. Donc, je me suis dit que j’allais faire une hôtesse de l’air, parce qu’elle voyage. Que ce soit en Amérique, en Chine ou en Afrique, c’est toujours parti une hôtesse de l’air et c’est un bon prétexte à l’aventure. Et puis, c’est un métier et c’est important pour moi d’avoir un personnage qui travaille. Lorsque j’étais petit, le personnage de Tarzan me laissait perplexe car je me demandais toujours ce qu’il faisait dans la vie, à part se balader de liane en liane. Il est toujours bien rasé mais pourquoi ? C’est inouï (rire) ! Et puis, je ne voulais pas créer une super-femme. S’il lui arrive des tuiles et bien elle s’en sortira comme elle peut. Enfin, je voulais une jolie fille parce que j’aime bien… Et ça plaît à beaucoup de monde !

Ce qui nous surprend, c’est qu’entre elle et Walter, il ne se passe jamais RIEN, alors qu’ils sont toujours ensemble ! Dans La Ceinture de Cherchemidi, ils partageaient la même tente et …rien ! En plus, ils continuent de se vouvoyer après toutes les aventures qu’ils ont vécues ensemble !

C’est Peyo qui m’avait écrit le scénario de cette histoire et je me souviens que quand il avait vu les planches, il m’avait fait la même remarque avec un air décontenancé. Je lui avais simplement répondu qu’ils n’en avaient qu’une seule et que c’était comme ça. Il était très étonné en me disant : « Et quoi, et quoi ? » (Rire) ! Je lui ai répondu que ce n’était qu’une BD et que l’on pouvait faire faire à nos personnages ce que l’on voulait !

Natacha & Walter
Peinture murale située dans la rue Jan Bollen à Bruxelles

Pensez vous que Natacha a encore un impact sur le jeune public ?

Je pense que Natacha a encore un impact mais sur un public qui lui est déjà acquis. Il y a encore des fidèles qui suivent ses aventures et parfois, avec un peu de bol, ceux-ci arrivent à transmettre leur passion à leurs enfants. Je suis donc resté avec mon public mais actuellement, je remarque quand même que des enfants, surtout des petites filles, redécouvrent mon personnage.
Un jour lors d’une séance de signatures, Tibet m’a dit ce truc terrible : « Tu vois ces gens, ce sont nos lecteurs. Ils nous ont découvert lorsqu’ ils avaient 4 ans et aujourd’hui, ils en ont 45. Eux, sont toujours là mais plus les enfants... ». C’est aussi bête que ça.

Benoit Brisefer
François Walthéry a dessiné quatre albums du petit garçon à la force herculéenne.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la BD tout public ?

Je trouve que ça va dans tout les sens mais ce n’est pas plus mal parce qu’au moins, il y a du choix. Je ne lis pas certaines BD parce qu’elles me tombent des mains, surtout dans les BD réalistes, qui sont un peu trop près du roman-photo à mon goût. Et puis, je n’aime pas l’usage abusif qu’ils font des effets réalisés à l’ordinateur. Ce n’est pas du dessin ça ! Par contre, je lis encore beaucoup de BD humoristiques. Par exemple, j’aime bien Parker & Badger, parce qu’il y a de bons gags.

Mais de manière générale en lisant des scénarios, il y a des comportements que je n’aime pas trop chez certains personnages. Ils sont malhonnêtes les uns envers les autres. Je pense notamment aux Nombrils. Pourtant, je lis régulièrement cette BD, sinon, je n’en parlerais pas. C’est une BD amusante et qui a beaucoup de succès en plus. Pour autant, je préfère les BD de Raoul Cauvin. J’aime bien tout ce que fait Raoul : les Tuniques bleues, Cédric, les Psys, etc.

Le Vieux Bleu
Une BD scénarisée par Raoul Cauvin

En relisant les Natacha, on se rend compte à quel point votre dessin est dynamique. Cela m’a beaucoup marqué parce que lors de l’arrivée des mangas, il y a une vingtaine d’années maintenant, on vantait souvent leur dynamisme en opposition à la BD franco-belge.

Tout à fait et c’est ce que j’aimerais que l’on retienne de mon travail : l’énergie de mes dessins ! Natacha est une BD assez énergique, qui bouge beaucoup et on ne s’ennuie pas une seule seconde en la lisant ! C’est pareil avec les BD de Franquin, si vous relisez ses Spirou, c’est dynamique ! Il y a aussi les Gil Jourdan de Tillieux, les dessins de Jean Roba et les Lucky Luke. Pour moi, tout ces gars-là ont donné naissance au mouvement dans la BD de chez nous.

Propos recueillis par Christian Missia Dio

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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