Interviews

Frank Giroud : « Je n’ai aucune appréhension pour les séries qui copient le concept du Décalogue »

Par Nicolas Anspach le 8 novembre 2006                      Lien  
{{Frank Giroud}} est l'un des scénaristes qui comptent depuis plusieurs années. Cet habile artisan conteur a trouvé un nouveau public en créant un nouveau concept de narration. {Le Décalogue} fut l'un des best-sellers inattendus du début de cette décennie. Avec Didier Convard et son {Triangle Secret}, il a ouvert une voie dans laquelle d'autres se sont engouffrés.

Malgré cette reconnaissance et ce succès, Frank Giroud est resté le même : un homme affable, curieux, intelligent, passionné, et surtout simple. Il n’en perd pas tout autant l’envie d’entreprendre et d’innover. Notamment avec Quintett : une même histoire vue par des personnages différents et illustrée par des auteurs distincts.

Vous n’aviez pas de réel succès commercial avant de réaliser le Décalogue. Quel effet avez-vous ressenti en devenant un auteur « best-seller », courtisé par la plupart des maisons d’édition ?

Il est vrai que je n’ai jamais connu un succès tel que celui du Décalogue. Mais plusieurs de mes albums ont eu un excellent accueil du public et de la critique. Louis La Guigne bénéficiait de bonnes ventes [1] ! Les one-shot que j’ai signés avec Christian Lax dans la collection Aire Libre, ont également eu les faveurs du public.

Frank Giroud : « Je n'ai aucune appréhension pour les séries qui copient le concept du Décalogue »
Quintett, une série en cinq albums

Le succès du Décalogue aurait pu être déstabilisant s’il m’était tombé dessus au bout de deux ou trois ans d’activité dans ce métier. Or, cela fait plus de vingt ans que j’écris des histoires ! Je ne pense pas que mon caractère et ma personnalité aient changé suite à cela.

Par contre, l’excellent accueil de ce concept m’a donné un confort extraordinaire dans la pratique de mon métier. Par exemple, je ne dois plus ramer comme un galérien pour placer des scénarios. Aujourd’hui, ce sont les autres qui viennent à moi, que cela soit les éditeurs ou les dessinateurs. C’est un confort appréciable qui me permet de dégager énormément de temps et d’énergie pour la création pure.

Le Décalogue a entraîné un a priori favorable du public. Les gens retiennent aujourd’hui mon nom et ont envie de découvrir mes autres productions. Il est certain qu’une partie des lecteurs de cette série a acheté Quintett...

Enfin, cette expérience m’a permis de tester des techniques narratives que je n’aurais jamais osé tenter auparavant : Je pense à Quintett, à l’Expert et à deux autres projets qui ont été achetés par des éditeurs...

Avez-vous l’impression d’avoir fait évoluer votre métier ? Plusieurs éditeurs ont lancé des concepts inspirés du Décalogue ou du Triangle Secret...

Bien sûr. Et c’est plutôt plaisant ! Pendant des années, je me suis contenté d’utiliser un outil qui m’avait été légué par les anciens. J’ai commencé par les imiter, avant d’acquérir une maîtrise convenable de mon métier. L’expérience m’a permis d’évoluer et de tenter de nouveaux procédés narratifs. On assiste aujourd’hui à une sorte de transmission de savoir-faire, comme on pouvait l’envisager, à une certaine époque, dans l’univers du compagnonnage : un maître transmet son savoir à un apprenti. Cette idée me plaît ! Je n’ai aucune appréhension pour ces séries qui sont inspirées de mon travail ...

N’avez-vous pas envie de redevenir à nouveau un apprenti dans un domaine culturel différent. Vous avez un temps écrit des chansons pour Juliette ... [2]

Je travaille sur différents projets, tous plus excitants les uns que les autres. Avant d’entamer le Décalogue, je ressentais une lassitude par rapport à mon métier. Cette remise en question m’a apporté un nouveau souffle. Si je suis un jour confronté à nouveau à cette lassitude, je me consacrerai sans doute à autre chose !

Vous arrêtez des séries : Mandrill et Louis Ferchot !

Effectivement. Un dernier album de Mandrill devrait paraître bientôt. Il marquera également la fin d’un cycle. Par contre, nous avons décidé de faire une pause avec Louis Ferchot. Nous attendrons trois ou quatre ans avant de publier un nouvel album de cette série ! Du moins, si Didier Courtois, le dessinateur, souhaite la reprendre. Nous réaliserons alors deux ou trois tomes pour boucler la jeunesse de Louis, et enfin réaliser le lien entre la jeunesse et la série mère, Louis La Guigne !

Le dernier album de cette dernière série, Le Déserteur, est pourtant très orignal ...

Il m’a démontré qu’il m’était encore possible de m’amuser avec une série classique. Nous avons utilisé la technique de la caméra subjective. Ce procédé original d’écriture a rarement été exploré en bande dessinée. J’ai été obligé d’avancer dans un terrain totalement inconnu. Et j’y ai pris beaucoup de plaisir !

Vous pourriez céder cette série à un autre scénariste, non ?

Non. Vous ne le savez peut-être pas, mais j’ai imaginé la vie de mes personnages avant leur arrivée dans mes bandes dessinées. En les créant, je réalise une notice complète reprenant leur parcours et leurs personnalités. Bien que cela soit l’une des faces cachées de mon travail, c’est très excitant d’inventer un passé à mes héros. Cela leur donne un vécu ! C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne pourrais pas reprendre une série existante...

Je ne supporterais donc pas de voir ces enfants de papier, ces parties de moi-même, livrés à d’autres scénaristes, aussi talentueux soient-ils ! J’aurais beaucoup de mal. Mais, qui sait ? Cette position évoluera peut-être un jour...

Mais pour la première fois, vous co-scénarisez une histoire, l’Ecorché, avec Florent Germaine ...

Il y a fort longtemps, j’ai eu une expérience avec Guy Delcourt. Nous avions mis au point le synopsis ensemble, puis j’ai réalisé en solo -ou presque- le découpage [3].
L’Ecorché est un véritable travail de collaboration avec Florent Germaine. J’ai également écrit Noce Rouge, un récit qui prendra place dans les Secrets avec ma compagne, Virginie Greiner. Il s’agira d’un drame chabrolien et provençal... Mais ce sont des expériences isolées.

Le premier album du Légataire n’est-il pas une mise en place des prochains ?

Effectivement, nous mettons en place la quête qui se déroulera dans les quatre prochains albums. Mais l’histoire est plus complexe et est articulée autour de l’un des élément-clés du Décalogue : le tueur de la Clyde. Le lecteur connaît déjà ce personnage. Il ne s’agit donc pas d’une découverte. Même si on ne sait pas exactement comment va se terminer la confrontation entre Gwen et le tueur puisque le premier tome du Légataire se termine par cette scène...

Il s’agit également d’une quête initiatique pour Merwan...

Lors de son exil en Espagne, il découvre que le livre « La Marque du Prophète », écrit par Simon Broemecke (le personnage principal du premier tome du Décalogue) est la traduction de Nahik. Etant donné le doute existentiel dans lequel il est plongé, Merwan se précipite à Glasgow pour éclaircir les liens entre les deux livres.
Gwen, l’ancienne petite amie de Simon, est elle-même taraudée par le doute. Il était donc logique que ces deux âmes fragiles se rencontrent et s’épaulent mutuellement. Le Légataire est la suite logique des deux premiers albums du Décalogue. Tandis que les Fleury-Nadal sont constitués d’histoires indépendantes s’intercalant entre les albums de la série mère.

Quels seront les prochains portraits que vous dresserez dans les Fleury-Nadal ?

Le prochain récit s’appelle Benjamin et sera traité en deux tomes. Daniel Hulet a pratiquement achevé le premier album qui paraîtra en mai 2007. Le second sortira huit mois plus tard. Ensuite suivront Anahide dessiné par Didier Courtois, Missak par Rocco, puis je m’attarderai ensuite le passé de Hector, Eugène et Iris. Les dessinateurs ne sont pas encore choisis.

Quels seront les prochains « Secrets » ?

Le premier tome d’un dyptique réalisé avec Michel Faure, Samsara, paraîtra en même temps que le deuxième album de L’Ecorché. Noce Rouge, dont je vous parlais tout à l’heure sera dessiné par Marianne Duvivier dans un style qui surprendra ses lecteurs. Virginie Greiner et moi-même réfléchissons à un autre titre pour ce récit, car Chabrol l’a déjà donné à l’un de ses films. J’ai également deux autres Secrets en préparation qui sortiront fin 2009 !

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Photo de F. Giroud © Laurent Mélikian - Reproduction Interdite.

[1Les ventes du tome 1, en version française standard, sont proches des 70.000 exemplaires. Sans compter l’édition poche et celle de France Loisirs.

[2Ces chansons sont disponibles sur l’album « Assassins Sans Couteaux » de Juliette

[3« Détroit » a été dessinée par Lesueur. L’histoire est parue dans le magazine « Nitro »

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Nicolas Anspach  
A LIRE AUSSI  
Interviews  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD