C’est l’une des excellentes idées des festivités de « l’Année Groom » qu’orchestrent les éditions Dupuis pour le jubilé de leur personnage fétiche : la réédition complète d’une série d’entretiens méconnus d’André Franquin, qui dessina les aventures de Spirou et Fantasio pendant vingt ans.
Méconnus ? Et pour cause, la plupart des entretiens compilés dans l’épais volume rouge fraîchement édité, parurent jadis dans des plaquettes aux tirages modestes ou confidentiels. Menées par des amateurs enthousiastes (ou semi-pro en devenir) ces interviews, données entre 1971 et 1993, ont pour elles un ton et une décontraction inconcevable dans la presse dite sérieuse. S’il l’on reconnaît volontiers que le phrasé fanzineux a parfois mal vieilli, ce qui saute aux yeux, c’est l’incroyable modernité de Franquin. Ses points de vue sur des sujets de société ou sur la pratique de la bande dessinée demeurent d’une étonnante acuité. Reste à souligner une fois encore sa légendaire modestie. Une modestie désarmante alors qu’il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands artistes du vingtième siècle.
Pour recontextualiser les entretiens, l’éditeur est parti à la rencontre des anciens animateurs de ces fanzines, qui détaillent, vingt, trente ou quarante ans plus tard, leurs souvenirs du jour de l’interview. Pour certains, l’interview était un baptême du feu, d’autres étaient coutumiers du fait, mais pour tous, c’était un moment privilégié en compagnie du maestro de l’école de Marcinelle. Pour l’anecdote, il est d’ailleurs amusant de constater que bon nombre des hommes-orchestres du fanzinat ont ensuite fait carrière dans la bande dessinée ou l’illustration...
Habillement conçu, notamment grâce à son éclairante introduction historique signée José-Louis Bocquet, « Franquin et les fanzines » est un missel passionnant, grâce à ces échanges sincères qui révèlent de larges pans de la personnalité de ce grand bonhomme.
(par Morgan Di Salvia)
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