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Ganges n°1 - Kevin Huizenga - Coconino Press/Vertige Graphic

Par François Peneaud le 20 février 2006                      Lien  
Entre rêves éveillés et maîtrise narrative, le talent de Kevin Huizenga s'étale au grand jour. Coconino Press continue à enchanter ses lecteurs.

Nous avons déjà eu l’occasion de vous dire tout le bien que l’on pouvait penser des albums de Coconino Press, et la parution d’un premier album consacré à Kevin Huizenga [1] ajoute une pierre au jardin de l’éditeur.
Huizenga est un jeune auteur originaire de Chicago, né en 1977. Après avoir auto-publié des mini-comics, il a maintenant sa propre série chez Drawn & Quarterly (Berlin, Louis Riel, Pyongyang en anglais) intitulée Or Else (« Ou Sinon »), qui reprend ses mini-comics, révisés et augmentés, et a publié dans plusieurs anthologies. Ganges est par contre constitué d’histoires inédites qui mettent en scène son personnage fétiche, Glenn Ganges, et sa femme Wendy.

Ganges n°1 - Kevin Huizenga - Coconino Press/Vertige Graphic

Ganges est un personnage enclin à l’introspection et aux "Et si..." qui l’embarquent dans des rêveries durant lesquelles l’auteur fait montre d’une intelligence dans la narration visuelle plutôt bluffante. En effet, si le dessin de Kevin Huizenga n’attire peut-être pas autant l’œil que celui d’Igort ou de Piero Macola, ce qui pourrait amener certains à le sous-estimer, il faut dire combien l’auteur travaille sa narration et sa mise en page pour obtenir des bandes qui sont sans conteste à la pointe de la modernité, tout en se revendiquant des influences plus que classiques [2]. Par exemple, dans la première histoire, Ganges, qui marche vers la bibliothèque, se revoit faisant les mêmes pas, les mêmes gestes, depuis plusieurs années. Narrativement, cela donne des répétitions accompagnées de légers changements, des cases qui se chevauchent, une même scène sur plusieurs années découpées en plusieurs cases qui se suivent, etc. Le passage du temps, que celui-ci soit linéaire ou circulaire, est manifestement un élément fondateur pour l’auteur.
Si, comme le disait Scott McCloud dans L’Art Invisible, la bande dessinée consiste à transformer le temps en espace (nous paraphrasons), alors Kevin Huizenga est un auteur qui travaille sur la substantifique moelle de ce moyen d’expression.

L’inventivité de Huizenga est certaine, mais ce qui, finalement, est le plus impressionnant, n’est pas ce travail formel, qu’il n’est bien sûr pas le seul à accomplir, mais bien sa capacité à combiner cette recherche avec des personnages touchants et très humains, aux préoccupations quotidiennes - la dernière histoire montre Glenn et Wendy la nuit dans leur lit, Glenn passant un long moment à penser à tous les couples comme eux (ou pas) à travers l’histoire, à leur souhaiter le bonheur, et à s’horrifier de tous les malheurs qui peuvent leur tomber dessus. Ce qui devient vite assez comique, l’auteur ne tombant jamais dans le mélo, bien au contraire : l’humour est très présent dans ces histoires, sous la forme d’un sens du ridicule développé, de petits dialogues décalés ou d’une chute qui sort le personnage principal de ses doux délires.

Kevin Huizenga fait donc partie de ces auteurs à l’œuvre attachante et intelligente. Gageons que son nom fera bientôt partie de ceux qui comptent des deux côtés de l’Atlantique.

(par François Peneaud)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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[1Déjà publié dans le troisième volume de l’anthologie Black, chez le même éditeur.

[2Comme dans cette interview en anglais initialement parue en avril 2004 dans le Comics Journal, où Huizenga cite George Herriman (Krazy Kat), E.C. Segar (Popeye), ou Frank King (Gasoline Alley).

 
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