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Gaston à l’écran ? M’enfin, c’est pas si mal !

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 23 mars 2018                      Lien  
Un garçon de bureau aussi inadapté que notre héros sans emploi est-il adaptable à l’écran ? Certains en doutent et on peut les comprendre : le dessin de Franquin est le plus virtuose de sa génération et sa mécanique narrative l’une des plus parfaites qui soit, comment ne pas les trahir ?

Les contraintes du réalisateur sont nombreuses. Déjà, l’univers de Gaston n’est que pure convention : cette rédaction d’un « illustré pour la jeunesse » n’a rien de réaliste avec ses aventuriers, Spirou et Fantasio, qui la dirigent. Eux ne sont pas sans emploi, ils cumulent même les mandats… du moins jusqu’en 1968.

11 ans auparavant, le 28 février 1957, arrivait ce stagiaire longue durée, d’abord en pingouin puis en espadrilles, à qui aucune tâche précise n’est assignée. Quelques temps plus tard, surgissait son client buté amateur de contrats, puis une ménagerie griffante et ricanante…

On y décrit une vie de bureau où il n’y a ni ordinateur, ni téléphone portable, ni Internet, ni openspace… Juste des personnages parfaitement typés : un flemmard sympathique, des petits chefs énervés, une collègue énamourée, un homme d’affaire-bulldozer, un flic vétilleux et surtout une ménagerie plus sauvage que nature : un chat-dingue aussi dangereux que Wolverine et une mouette rieuse neurasthénique !

Gaston à l'écran ? M'enfin, c'est pas si mal !
Ayant joué dans "Les Tuches", Théo Fernandez, 19 ans, qui joue le rôle de Gaston dans le film, a déjà de nombreux fans qu’il a pu rencontrer dans l’exposition qui lui était consacrée lors de la dernière édition de Livre-Paris le week-end dernier.

Une start-up d’Internet

Ceux qui auront vu le trailer du film ont tout lieu de s’inquiéter. Gaston n’est plus dans une rédaction, mais dans une start-up de l’Internet nommée « Au Petit Coin », et dotée d’un slogan : « Rendre utile l’inutile ». Prunelle ne porte pas les lunettes en écran de TV de la bande originale et Monsieur de Mesmaeker –Horresco Referens  !- a tout ses cheveux !

Les plus âgés d’entre nous se souviennent de la précédente tentative faite par Paul Boujenah en 1981, Fais Gaffe à Lagaffe, avec Roger Mirmont, Marie-Anne Chazel et Daniel Prévost. Une comédie d’humour potache à la Jean Yanne, ce genre de nanar sans prétention comme on en faisait à l’époque. Suit-on le même chemin ? Comme dirait Prunelle, aïe, aïe, aïe !

Gaston-Théo Fernandez en action dans l’élaboration d’une cuisine d’horreur.

Par le réalisateur des Profs

En fait, non. Le film de Pierre-François Martin-Laval alias Pef est rapide, enlevé, et arrache à chaque instant un sourire voire un rire. Les mômes présents dans la salle rigolent franchement. C’est un film grand public, destiné aux gamins ? Voire.

L’adaptation est d’une grande subtilité et, après le changement de paramètre initial qui remet Gaston dans un cadre plus moderne, après que la mouette rieuse ait enlevé en piqué le complément capillaire de l’homme d’affaire, on constate que cette adaptation est d’une extrême fidélité. Jusque dans le détail, l’univers de Gaston est restitué, réinventé et parfois enrichi.

En ce qui concerne les inventions, l’inventivité est, dans le film, le fait des accessoiristes, spécialistes en effet spéciaux, la société Les Versaillais. Théo Fernandez (Gaston) et Alison Wheeler (Mam’zelle Jeanne) devant une machine à café raccordée au chauffage central, un authentique gag de Franquin.

Lui-même comédien, Pef a tout misé sur le jeu des acteurs. Sur le casting d’abord : chacun des personnages, à commencer par Théo Fernandez-Gaston, une espèce de grande asperge en latex, lymphatique et sympathique. Son nez n’est pas en forme de tubercule ? Ben, non, et on s’y fait très rapidement. Surtout, il joue juste, juste comme dans la BD d’André Franquin. C’est le réalisateur lui-même qui joue le rôle de Prunelle, en DG de start-up qui en réfère à un patron que, comme dans la BD, l’on ne voit jamais.

Cette trépidante comédie profite, comme dans les albums de Franquin, d’une double lecture : celle d’un récit qui se tient grâce à un fil narratif très malin qui plaira à un public familial de lecteurs non connaisseurs, et un autre qui fignole le détail et qui réinvestit chacune des inventions de Gaston en piochant dans les albums.

Certains gags sont des transpositions exactes de l’album, à quelques aménagements près...

Le numérique a permis cela et certes, on pourra toujours faire la fine bouche, mais franchement, le procès en sorcellerie que pourraient faire certains puristes, nous semble injustifié. Allez voir Gaston Lagaffe en ces jours de grève car c’est une des meilleures réflexions sur la finalité du travail, réflexion utile face à l’avenir que nous prépare l’intelligence artificielle. Une start-up qui rend utile l’inutile ? Qui rendrait utile l’humain rendu inutile par la robotique ? Le sujet n’est pas aussi léger qu’il en a l’air...

Merci Pierre-François Martin-Laval d’avoir fait entrer Gaston dans le XXIe siècle !

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Gaston Lagaffe de Pierre-François Martin-Laval, avec Théo Fernandez, Pierre-François Martin-Laval, Arnaud Ducret, Jérôme Commandeur, Alison Wheeler… En salle le 4 avril 2018.

Dessins d’André Franquin © Dupuis, 2018
Photos : Arnaud Borrel © 2017 - Les Films Du Premier – Les Films du 24 – Tf1 Films Production – Belvision Avec la participation de TF1 et OCS. Tous droits de reproduction réservés

 
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9 Messages :
  • Bonjour, me permettez-vous de poster votre bel article sur la Fanpage Actu consacrée à Pef ?

    Merci.

    Répondre à ce message

  • « Pas si mal », le film, peut-être.
    Mais ce que laisse entrevoir la bande-annonce est consternant d’approximation et de bricolage. Y compris dans le jeu des comédiens.
    Pas grave. Ce qui restera, ce sont les livres de l’immense André Franquin.

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  • "Une comédie d’humour potache à la Jean Yanne"...

    Euh ??? Vous avez vu un jour les films de Jean Yanne ? C’était d’humour, certes, mais aussi politiques, militants et engagés...

    Incroyable de lire une telle phrase ! Revoyez : "Moi y’en a vouloir des sous", "Les Chinois à Paris", "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" ou "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette" et vous verrez que ce ne sont pas du tout des "nanars" à la française.

    Avant d’écrire un article de cinéma, il faut au moins avoir un minimum de culture cinématographique !

    Quel film est plus anticapitaliste que "Moi y’en a vouloir des sous".

    Il ne faut pas résumer un film à son titre...

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 27 mars 2018 à  23:58 :

      L’humour poche n’est pas incompatible avec la politique. Bien sûr que j’ai vu les films de Jean Yanne. Je ne le savais pas victime d’une telle bigoterie !

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      • Répondu par Julien le 31 mars 2018 à  10:05 :

        Il y a un effet "politique", un effet "Mondialisation", un effet "dictature" imposé par Prunelle aux employés de la petite start-up .. et les propositions de prix d’achat par De Mesmeker au fil du film, l’amende de Longtarin qui ne cesse de s’allonger.
        Il manque juste la religion au tableau, Franquin aimé à se moquer des curés, de la religion catholique.
        GASTON mérite une franchise ! PEF a le talent d’un Sam Raimi sur Spider-Man, en terme de réalisation, post-production , l’étalonnage, rendu couleurs , et big up à MacGuff pour les VFX !

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    • Répondu par Julien le 31 mars 2018 à  09:55 :

      Il y a de l’engagement dans ce film. Détrompez vous.
      Il y a des sujets abordés sur la condition de travail de plus en plus intense au fil du film ,la fameuse "rapidité" avec de nombreuses interdictions imposés par Prunelle aux salariés. Heureusement Gaston est là pour adoucir cette folie "capitaliste". Et la présence de De Mesmeker est une image de la "mondialisation", qui fait mal à la petite start-up, ça va se voir dans les propositions de prix de rachat de la petite entreprise.
      Le côté "Jean Yann" est présent.
      Allez donc voir ce film , m’enfin !

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