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Gilles Mezzomo ("Mexicana") : « J’ai besoin de vivre le scénario pour mettre de l’émotion dans mes dessins. »

Par Charles-Louis Detournay le 21 octobre 2013                      Lien  
Après Luka et Ethan Ringler chez Dupuis, Gilles Mezzomo a enchaîné un Destins, puis trois Nouveau Monde et deux Fleury-Nadal chez Glénat. Ce passionné de western et de grands espaces est ravi de travailler maintenant sur la nouvelle trilogie de Matz : Mexicana

Vous semblez fasciné par le continent nord-américain, car vous ne cessez de le parcourir au travers de vos albums, à différentes époques…

Oui, Cela a d’abord été le cas avec Ethan Ringler, alors que je commençais à me lasser quelque peu de Luka. Je désirais réaliser un western. En effet, ce genre m’a toujours passionné, que cela soit en bande dessinée, en roman, au cinéma ou à la télévision. J’ai effectivement la passion des grands espaces, et des chevaux que je dessine depuis que je suis enfant. D’ailleurs, on dit souvent que les chevaux sont compliqués à dessiner, mais pour moi, ce sont les cavaliers qui représentent le challenge, car il faut trouver la posture selon l’animal, le type de selle et de monte choisis.

Gilles Mezzomo ("Mexicana") : « J'ai besoin de vivre le scénario pour mettre de l'émotion dans mes dessins. »
Ethan Ringler – T4 : L’Homme qui est mort deux fois – Filippi & Mezzomo – Dupuis

Et cette passion des States s’arrête-elle à la grande aventure, ainsi que vous l’avez mise en scène dans Nouveau Monde ?

Non, cela peut se dérouler également dans un milieu urbain et être plus contemporain. J’ai été aussi imprégné des ambiances des films des années 1970, comme Les Trois Jours du Condor ou Marathon Man, voire de films plus musclés comme Magnum Force. Cela a déteint sur mes propres cadrages, car j’ai beaucoup appris à la vision des films de cette époque.

Comme s’est déroulée la transition entre vos séries chez Dupuis (Luka, Ethan Ringler) et Glénat, chez qui vous avez publié Nouveau Monde et un diptyque sur Les Fleury-Nadal avec Frank Giroud ?

Dupuis a arrêté nos deux séries brusquement, cela a été assez dur. Nous avions l’impression qu’ils réalisaient un grand ménage dans leur catalogue. Heureusement, mon scénariste Denis-Pierre Filippi avait des contacts chez Glénat afin de rebondir avec Nouveau Monde. Pour ma part, j’avais également déjà eu des contacts avec Frank Giroud mais je n’avais pas pu travailler sur une de ses séries Secrets que j’appréciais pourtant beaucoup, je ne me sentais pas au niveau. Puis, j’ai fini par aller le trouver, et c’est ainsi qu’il m’a confié un tome de Destins. Après Nouveau Monde, nous avons décidé de remettre le couvert et il m’a sorti de ses tiroirs un triptyque qu’il a dû remanier en deux volumes à la demande de l’éditeur. C’est comme cela qu’il m’a proposé de réaliser cette mini-série à l’époque d’Il était une fois en Amérique de Sergio Leone.

Vous en aviez réalisé une très belle évocation dans ce diptyque des Fleury-Nadal. Comment vous êtes-vous documenté sur cette époque ?

C’est une période qui me parlait, les émigrants qui débarquaient dans ce pays encore à construire, ce mélange de population… Les photos de l’époque prouvent la très grande population qui séjournait dans ces villes de l’Est. On construit des nouvelles habitations sur de l’ancien, les immeubles montent jour après jour au point qu’on ne reconnaît plus le paysage quelques temps plus tard. Puis ces routes qui sont toujours bondées, c’était une preuve de l’effervescence qui y régnait.

Comment se déroulent vos collaborations avec Giroud ou Matz ?

Giroud est un maître, et cela se sent grâce à la qualité de ses scénarios. Et c’est du même calibre avec Matz, mais bien entendu plus contemporain, car cela se passe de part et d’autre de la frontière américano-mexicaine.

Il s’agit réellement d’un western moderne !

Oui, on y retrouve les chapeaux de cow-boys, le désert, le cactus, mais aussi les grosses voitures et des décors époustouflants. Mais je ne me limite pas à ces extérieurs, car je trouve intéressant de personnifier mon héros en voyant l’intérieur de la maison, les objets auxquels il tient.

Mexicana repose sur des personnages forts, principalement le tandem créé par le fils voyou, et ce père flic qui franchit la ligne rouge pour tenter de protéger son rejeton. Comment mettez-vous en scène les moments intenses vécus par vos personnages ?

En lisant le scénario de Matz, je tente de le vivre le plus profondément possible. Je me suis moi-même convaincu que le gangster qui devait être exécuté méritait son châtiment. Avant de me faire moi-même prendre par les ressorts de l’intrigue, et d’en savoir assez pour comprendre le piège dans lequel il était tombé. J’ai beaucoup apprécié de m’être fait avoir, et donc j’ai mis l’accent sur les expressions du policier abasourdi. Heureusement qu’il est assis, sinon il tomberait à terre.

Cette prise de conscience apparaît très clairement dans vos dessins ?

Je voulais que le lecteur puisse s’identifier aux sentiments qu’il ressent, la mouise dans laquelle il s’est fourré. C’est d’ailleurs un des points forts du scénario de Matz : les surprises en continu qui boostent le récit. J’ai besoin de vivre le scénario pour mettre de l’émotion dans mes dessins. J’avais le même type de ressenti lorsque je dessinais Le Roi vert chez Dupuis, lorsque que le héros perdait sa femme dans un cancer.

Mexicana T1 - Par Mezzomo, Matz & Mars - Glénat

Vous donnez l’impression de réaliser vos albums plus rapidement qu’auparavant ?

C’est possible… Cela dépend déjà de la qualité du scénario. S’il est efficace et limpide, comme avec Giroud et Matz, il n’y a qu’à se mettre à le dessiner, et les planches défilent. C’est vrai que j’ai peut-être acquis une certaine maîtrise, mais j’ai également identifié quelques astuces qui me permettent parfois de gagner un peu de temps avec mon dessin. Je peux globalement réaliser deux albums par an.

Cela signifie que le lecteur pourra compter sur une suite de Mexicana dans quelques mois ?

C’est à confirmer avec l’éditeur, mais je termine actuellement le tome deux, qui devrait sortir en mars-avril 2014. Il y aura une grosse confrontation entre Angel, le chef de cartel, et Emmet le policier. Les pages seront aussi rythmées par des bagarres et quelques tueries. Les dialogues sont ciselés à la virgule près, il ne faut rien changer et je fais très attention à ce que les phrases se coupent bien dans les bulles pour que le lecteur ne perde pas le fil. Donc, avec Mexicana, je bois du petit lait ! Puis, je vais sûrement tenter de signer à nouveau quelque chose avec Giroud. Ensuite, je réaliserai une autre série avec Matz, en pleine Asie. Je vais encore changer d’univers !

Mexicana T1 - Par Mezzomo, Matz & Mars - Glénat

(par Charles-Louis Detournay)

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Photo de Gilles Mezzomo en médaillon au Skull (Chaussée de Waterloo à 1060 Bruxelles) : © CL Detournay

 
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