Pas facile de se moquer de soi-même sans être taxé de complaisance, surtout si l’on appartient à une catégorie privilégiée de la société. Avec Boboland, Dupuy et Berberian sont toujours sur le fil du rasoir. Le ton n’est pas à la dénonciation ou à la critique acerbe mais à la moquerie bon enfant ou à l’observation sociologique. Lorsque les deux auteurs s’éloignent un peu de leur sujet pour s’en prendre au bling-bling ou à la haute finance, le propos est plus percutant même si le cynisme des personnes visées et la situation économique actuelle font plutôt rire jaune. Quoiqu’il en soit, Dupuy et Berberian usent de tous les ressorts de l’humour pour nous faire rire : comique de mœurs, de situation, de répétition. Et pour peu que l’on soit sensible à cette veine d’humour intello chère à Woody Allen, Global Boboland fait mouche.
Ce deuxième volume est d’ailleurs plus construit que le premier. Les différentes histoires courtes, conçues pour se lire indépendamment, forment en effet un tout cohérent, une sorte de visite guidée de la mondialisation qui fait tourner la tête. Sortis d’un inventaire à la Prévert, des bobos parisiens, des enfants du Chiroubistan, un hamster social-traître, un chevreuil du Bénin, un Premier ministre de la France, un pdg de Fofal Tina, Alban Ninque, Franz-Olivier Lombard (toute ressemblance avec la plus grosse société française, un célèbre conseiller politique et économique et un non moins célèbre journaliste serait pure coïncidence) se donnent la main dans une ronde du fric et des apparences où « l’autre » n’a qu’une réalité très incertaine.
A travers les pérégrinations de quelques bobos globe-trotters, ce sont les événements financiers des derniers mois et les attitudes des hommes de pouvoir qui sont passés à la moulinette. Le résultat, une vision lucide et désabusée des pratiques économiques actuelles, possède la force d’évocation d’un pamphlet politique.
(par Thierry Lemaire)
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