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Griffo : « Chaque héros de "Golden Dogs" possède une face presque sympathique, mais également une part occulte »

Par Charles-Louis Detournay le 15 juillet 2014                      Lien  
Le dessinateur de "[Golden Dogs->art16673]"revient sur les quelques influences qui ont inspiré cette tétralogie qui sera publiée en un an : Fanny Hill et Led Zeppelin ! Outre les réflexions scénaristiques et graphiques qu'il nous livre à propos de cette série, le dessinateur flamand nous annonce son prochain projet avec Desberg : rien moins que la reprise de "SOS Bonheur" !

Lequel de vous deux a avoué à l’autre qu’il désirait poursuivre votre collaboration, déjà bien entamée avec Empire USA et Sherman ?

De part et d’autre, nous voulions continuer à travailler ensemble, quel que soit le projet. Et Stephen [Desberg] m’a gentiment demandé vers la fin de Sherman si j’avais une envie particulière... Je me suis donc dit que c’était le moment ou jamais pde travailler sur un projet que je trainais depuis des années. En effet, ma femme m’avait conseillé la lecture d’un ouvrage atypique d’une écrivaine féministe du début des années 1980, qui se basait sur le fameux Fanny Hill écrit au XVIIIe siècle. J’ai réellement été captivé par l’orientation féministe de ce classique et je me demandais comment réaliser un récit du même genre.

Qu’est-ce qui vous attirait spécifiquement dans se sujet, le personnage ou l’époque ?

Je désirais surtout rapporter un récit raconté par une femme. Dans le roman, l’héroïne conserve son intégrité, malgré le fait qu’elle soit une prostituée et que sa moralité soit mise à mal. Je voulais donc retrouver cette pluralité de facettes chez mon héroïne. Malheureusement, ce roman n’était pas traduit en français, mais comme Stephen est parfaitement bilingue, cela ne lui a heureusement posé aucun problème de s’immerger dans cet univers. Enthousiasmé par le projet, il m’a rappelé, et nous avons discuté pour convenir de ce que nous voulions garder : l’amitié partagée par de grands adolescents qui vont par la suite mener une vie dangereuse, et ce qu’il va rester de cette amitié après ces aventures et mésaventures partagées.

Griffo : « Chaque héros de "Golden Dogs" possède une face presque sympathique, mais également une part occulte »

Fanny Hill n’est qu’une de deux facettes historiques qui composent Golden Dogs ! Ce qui modifié son implantation initiale au XVIIIe siècle ?

Oui, Stephen a fait un parallèle avec une autre histoire qu’il apprécie beaucoup et qui colle parfaitement à cette thématique : la biographie des membres du groupe Led Zeppelin, le rapport de force entre Jimmy Page et le reste du groupe, les manipulations du premier, le clash des egos, etc. Nous avons donc voulu introduire ces éléments dans l’histoire de Fanny, ainsi que l’esprit Rock ‘n Roll. Cet esprit de groupe, et les tensions qui peuvent en découler, tout cela a dopé le récit de Fanny. Le XVIIIe siècle convenait moins à cet aspect Rock, j’ai donc préféré aller vers le XIXe, dont les tenues vestimentaires conviennent mieux aux styles des personnages. Comme ce n’est pas un récit historique, je me suis laissé inspirer afin que les vêtements, les bâtiments et les décors soient adaptés au propos plus qu’à l’époque. Je voulais développer l’aspect romantique et esthétique.

Le récit est avant tout porté par les personnages…

Oui, chaque héros possède une face sympathique, mais également une part sombre et occulte. Finalement, seule Fanny se laisse manipuler sans manipuler les autres. Sa pureté sert d’ailleurs de perspective pour entrer dans le récit, un point de vue conservé du roman initial.

Les relations entre les personnages régissent votre série : la trahison, puis l’amour et la haine… Une succession de sentiments forts !

La part Rock que possèdent les personnages les pousse effectivement à des actions fortes. D’ailleurs, c’est pour cela qu’ils veulent faire parler d’eux, plus que vraiment s’enrichir. Ce sont des personnages intelligents, mais aussi des escrocs qui aiment le jeu. Ils incarnent d’une certaine façon l’esprit des années 1960, lorsque le rock était l’expression d’une volonté de liberté. Mais il faut bien entendu faire attention aux excès de liberté, comme les drogues. Quant au traître du groupe, ne comptez pas sur moi pour vous le livrer !

Caramba, encore raté ! Quant à votre dessin, on ressent plus de dynamisme que dans Sherman, où il fallait transposer l’aspect guindé, Gentry, des atmosphères américaines ?

Oui, mon dessin dans Golden Dogs est plus souple que dans Sherman, mais cela n’est pas plus rapide ! À la fin de Sherman, Desberg me fit part d’une critique qui préférait mon dessin story-boardé au trait définitif. Effectivement, j’adore les esquisses, plus que le dessin lui-même. J’ai donc voulu sortir d’une raideur, et pour m’aider, j’ai commencé à travailler à la palette graphique afin de maintenir la vitesse d’exécution, lorsque l’outil touche le support. Après une phase de rodage d’une quinzaine de planches, j’ai pu transposer cet effet sur le papier. Je continue donc à réaliser mes esquisses au crayon bleu, que je reprends alors par la suite, sans gommer mes crayonnés. J’ai donc ainsi cassé mes habitudes...

Vous allez publier les quatre tomes sur une année. Comment réalisez-vous cet exploit ? Vous conservez une avance afin de tout lâcher au moment opportun ?

Oui, j’ai quasiment fini le quatrième et dernier tome de Golden Dogs, vu que cela fait trois ans que je travaille dessus. J’ai appliqué la même procédure que pour Sherman et comme le style de dessin est plus naturel pour moi, je me sens d’autant plus à l’aise pour tenir le rythme. L’expérience de Sherman a vraiment été concluante pour nous tous, éditeur comme auteurs. D’ailleurs, j’en profite pour annoncer qu’à la fin de l’année, Le Lombard publiera une intégrale, avec une bande-son musicale "années 1930", composée par Desberg himself !

Si vous avez déjà tellement d’avance, cela signifie que vous savez déjà ce que vous allez faire par la suite...

Nous sommes tous les deux très attachés aux personnages de Golden Dogs, même si l’un d’eux va mourir. Si les lecteurs accrochent à la série, nous serons donc heureux de leur en donner plus ! Et attendant le retour du public en ce qui la concerne, nous allons reprendre SOS Bonheur que j’avais réalisé avec Jean Van Hamme.

Nous voulons ré-aborder, trente années plus tard, l’évolution de cette anticipation réaliste que nous avions projetée, tant du niveau social que religieux, politique ou scientifique. C’est un réel challenge, mais je pense que Stephen est le scénariste idéal pour aborder ces réflexions.

Nous supposons que vous avez l’accord de Van Hamme ?

Bien sûr, Stephen et Jean se connaissent depuis longtemps. Jean est ravi de cette reprise. Il ne veut pas s’impliquer dans le projet, mais il reste intéressé par ce que nous allons réaliser, ce qui est d’ailleurs assez réconfortant.

La force de SOS Bonheur reposait sur des courts récits qui offraient des réalités aussi fortes que différentes. Comment allez-vous adapter cela trente ans plus tard ?

Nous allons maintenir exactement le même principe : deux albums d’histoires courtes et un troisième et dernier album qui boucle le tout. L’ensemble sera encore publié dans Spirou ! Cela doit donc rester lisible par le grand public, mais les lecteurs ont évolué. Ne comptez donc pas sur nous pour livrer une version aseptisée !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo : (C) CL Detournay

 
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