Comment les « peintres de la lumière » que sont les Impressionnistes ont-ils pu jeter une telle ombre sur l’un des leurs, parmi les plus talentueux ? Mort à 45 ans, Gustave Caillebotte a laissé bon nombre d’œuvres marquantes qui par leur composition hardie, la finesse de leurs couleurs et surtout par la « trivialité » de ses sujets s’inscrivait pleinement dans l’évolution de la peinture de son temps, de Courbet jusqu’au moderne précurseur qu’était Cézanne.
La modestie est une explication, lui qui mit sa fougue (et sa fortune) au service de ses amis peintres, aidant à les promouvoir et quelquefois même, comme cela a été le cas de Pissarro, en leur évitant les saisies et en leur offrant de quoi survivre.
Ses origines bourgeoises, la fortune de son père, est une autre explication qui a pu conférer à son travail le soupçon d’être celui d’un « parvenu » qui n’a pas dû se battre pour imposer son art. Moins sincère, sommes toutes. C’est oublier que Caillebotte acceptait les usages bourgeois tout en défendant des idées égalitaires et humanistes. Il suffit de voir ses tableaux pour constater que sa fortune le tenait justement éloigné des sujets « bourgeois » comme les portraits de famille de riches entrepreneurs et de mécènes infatués : scènes de rues, de gares, de canotages, d’ouvriers au travail, de soldats, de baigneurs…. Souvent montrés de dos : la condition plutôt que le sujet.
Cette instance pour que sa collection des peintres impressionnistes –comme collectionneur, il acheta les toiles les plus célèbres, comme Le Moulin de la galette de Renoir- donnée en legs à l’état rejoignent les musées nationaux, ce qui lui fur refusé à plusieurs reprises, à lui et à ses exécuteurs testamentaires… Aujourd’hui, le « Fonds Caillebotte » constitue l’ensemble le plus représentatif du mouvement impressionniste appartenant à l’État.
Comme dans sa biographie d’Hergé Georges et Tchang, une histoire d’amour au XXe siècle), Colonnier n’hésite pas à avancer l’hypothèse de l’homosexualité du peintre, ce qui peut-être une autre explication pour laquelle, en dépit de la notoriété croissante de ses confrères, il était resté dans l’ombre. Le résultat est que l’on découvre derrière une œuvre méconnue un personnage plus ignoré encore.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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