La BD à St-Ouen, cela commence avec une médiathèque dédiée à Marjane Satrapi.
Oui, même s’il y avait une forte tradition de lecture publique pour la bande dessinée. Nous faisons très attention à ce que ce soit un art qui ne soit pas ignoré dans nos rayonnages et dans la prise en compte de cette révolution qu’est la bande dessinée indépendante en réalité. Pour une ville aussi engagée que la nôtre, la volonté de sortir des formes, d’abolir les formats classiques, nous a beaucoup interpelé. Cette bande dessinée a également un message politique qui a trait à l’émancipation et a comme auteure une femme (le maire de Saint-Ouen est une femme, de même que son adjoint à la culture) : Marjane Satrapi porte aussi un message universel du féminin. La volonté de sortir de l’oppression par la culture est un message qu’une ville comme la nôtre a envie de soutenir.
D’où le nom de Persepolis donné à votre médiathèque.
Oui, car nous passions en plus à une autre aventure qui part d’une œuvre graphique et narrative imprimée pour aller jusqu’au film d’animation. Nous avions là quelque chose qui correspondait à ce que le multimédia a envie d’offrir aujourd’hui, non seulement en termes de support, mais aussi, et c’est essentiel pour nous, en termes de qualité de production, de ce qui est dit et porté. Marjane l’a accueilli avec d’autant plus de fierté que c’est son œuvre qui a été mise en avant – la médiathèque ne se nomme pas Marjane Satrapi mais Persepolis. Elle nous a fait le plaisir de venir à son inauguration où des milliers d’Audoniens [habitants de Saint-Ouen. NDLR] l’ont accueillie. Nous avions fait ensemble une conférence sur le fait culturel aujourd’hui qui était passionnante. C’est elle qui m’a présenté Raphaël Barban de l’Association Ferraille, qui a enclenché le travail que nous vous présentons ici.
Qu’est ce qui vous a décidé à lancer cette première ?
Depuis longtemps, cette ville a fait de la question de la démocratisation de la politique culturelle un pôle central. On avait déjà une forte richesse culturelle avec des plasticiens du cru, on travaille beaucoup sur l’art contemporain. Le 9e art, grâce à cette révolution qui l’a fait sortir du sous-genre du divertissement, nous intéressait particulièrement : on parle ici de lecture mais aussi d’exposition. C’est un croisement interdisciplinaire, sur un registre populaire, pour nous très intéressant.
Cela induit un choix un peu élitiste ?
Non, bien au contraire. C’est un choix extrêmement qualitatif que nous souhaitons offrir au plus grand nombre. C’est le contraire de l’élitisme : c’est l’accès pour tous à ce qui se fait de mieux. Cette semaine, vous allez avoir aussi bien la conférence avec Jens Harder que des ateliers avec les tout-petits et les grands de section maternelle. C’est un peu plus d’un millier d’enfants qui vont être concernés par du dessin, du scénario, du court métrage… Si ça, c’est élitiste !
La BD, c’était une culture naturelle pour vous ?
C’était une de mes cultures. J’ai été étudiante en littérature. Je n’ai pas de mérite : dans cette discipline, on va sur toutes les formes. J’ai eu de la chance de faire ces études dans les années 1990, c’est-à-dire au moment où tout cela bouillonnait. C’est un projet en co-construction. Il y a un idéal de politique culturelle puis, en face de cela, il y a des spécialistes, des amoureux. Nous les faisons travailler ensemble en tenant compte de l’expertise artistique de l’un et de la volonté politique de l’autre. L’Association Ferraille a entièrement pris en charge la direction artistique et travaille étroitement avec les services de l’action culturelle.
Quel en est le budget ?
On commence modestement en allant chercher des partenaires institutionnels. Il y a beaucoup de manifestations de bande dessinée dans la région. Nous avons pensé que la bande dessinée d’auteur avait le droit d’avoir son évènement aux portes de Paris. C’était pour nous un enjeu évident pour lequel nous avons investi, dans ce premier évènement, un peu moins de 100 000 euro.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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