Soulagement à Angoulême ! Le pire scénario a été évité : celui d’hériter en 2016 d’un président qui ne voulait pas du Grand Prix. Alan Moore comme Claire Wendling, pour des raisons très différentes, n’étaient pas désireux d’être récompensés.
Malgré tout, Hermann faisait la moue. Après avoir fait antichambre pendant des années (son nom ressortait régulièrement lors des réunions des Grand Prix sans remporter l’adhésion finale), il avait renoncé à ce prix... Et même déclaré qu’il n’en voudrait pas si on le lui attribuait !
Mais autour de lui, ça s’activait. En particulier, François Boucq militait ardemment pour que le dessinateur de Comanche, Jeremiah, Bernard Prince, Bois-Maury etc. reçoive le Grand Prix. Il priait le Belge d’accepter cet honneur, comme son entourage et ses éditeurs.
La cérémonie commença avec les habituelles allocutions de circonstance des politiques locaux, pour honorer le lieu (une médiathèque toute neuve nommée Alpha). Le maire d’Angoulême, Xavier Bonnefont, éventa rapidement un secret de polichinelle - le nom d’Hermann courait depuis lundi -, sans trop jouer le jeu de la cérémonie. C’est donc sans surprise que le dessinateur japonais Katsuhiro Otomo prononça, dans un simulacre de suspense, mais avec une bonne humeur évidente, le nom de son successeur.
Hermann : égal à lui-même
Hermann fut comme à son habitude, très... nature. Il expliqua brièvement qu’il était honoré, très content d’être là, et surtout rappela que la première fois qu’il était venu à Angoulême, c’était il y a... 44 ans, "pour Angoulême zéro", lorsqu’avec une poignée d’auteurs belges, il répondit à l’appel de Francis Groux, l’un des trois fondateurs du Festival (avec Jean Mardikian et Claude Moliterni). "C’est un type bien" dit-il. Quittant l’estrade, il évoqua de croustillants moments qui se seraient passés dans un couvent et qui semblaient prometteurs pour les micros prêts à recueillir la confidence, mais il arrêta net de s’épancher sur ces "moments qui relèvent de la vie privée"...
Le choix d’Hermann, on s’en souvient, était le nôtre depuis longtemps. Enfin, après une dizaine d’années de choix contrastés, glanant aussi bien dans la "nouvelle BD" (Trondheim, Blutch...) que dans la BD internationale (Muñoz, Spiegelman, Watterson, Otomo...), on en revient à un classique de chez classique, du franco-belge tout droit sorti des années 1970-1980, un auteur de séries (Comanche, Bernard Prince, Jeremiah, Les Tours du Bois-Maury,...), mais aussi de ce que l’on désigne sous le vocable de "romans graphiques" (Sarajevo-Tango, Lune de Guerre, sc. Van Hamme, ou récemment Sans pardon). Un auteur entier, sans concession, virtuose en ce qui concerne le dessin, devenu "auteur complet" après s’être affranchi de la tutelle de Greg, le scénariste qui lui mit le pied à l’étrier à ses débuts (Comanche, Bernard Prince).
C’est aussi une énorme référence pour les dessinateurs, ceux-là mêmes qui lui ont apporté leurs suffrages. "Que cela me vienne de collègues, cela me touche beaucoup" dit le nouveau récipiendaire. Il ne se voit pas, à priori, "jouer au président", mais il fera sans aucun doute un bon ambassadeur, à défaut, ce n’est pas son habitude, d’être un bon diplomate. Mais il vaut mieux un président avec lequel on ne s’ennuie pas qu’un président absent...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
(par Charles-Louis Detournay)
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En médaillon : Hermann, vainqueur du Grand Prix.
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