L’une des expositions immanquables d’Angoulême 2016 est sans conteste l’exposition JCM -Jean Christophe Menu, l’enfant terrible de la bande dessinée alternative, cofondateur de L’Association, label mythique qui révéla la plupart des grands noms qui comptent dans la "Nouvelle Bande Dessinée" française des années 1990-2000, et surtout l’auteur d’une œuvre finalement méconnue, énervée et toujours de qualité. On la retrouve sur les murs de l’Hôtel Saint-Simon à Angoulême à l’occasion de la 43e édition du FIBD.
"Ce lieu est important pour moi, explique l’auteur qui a lui-même scénographié sa propre expo. C’est ici que j’ai vu à Angoulême les expositions qui m’ont fait le plus plaisir : Reiser, Willem, Alex Barbier... Qu’on me propose ce lieu, a été très important pour moi, plus que d’être simplement à Angoulême. J’ai essayé de faire une rétrospective. Stéphane Beaujean tenait à ce que toutes mes facettes soient présentes puisque j’ai été éditeur, graphiste, auteur de bande dessinée et puisque, pendant pas mal d’années, mon activité d’éditeur, notamment avec L’Association, a pas mal occulté mon travail d’auteur."
Plus que trente ans d’un travail insoupçonnable, dispersé dans les multiples publications de L’Association et ailleurs et que l’on voit ici en planches originales, magnifiées en grand format, alors que souvent elles étaient publiées réduites, quelquefois en pattes de mouche. "Il y a des choses très diverses et très variées qui ont été conçues pour l’exposition, pour le livre. Il y a beaucoup de vitrines avec des livres et des objets, beaucoup de périodes..."
Cela va d’une première planche appliquée, uen des premières qu’il ait réalisées, quasiment réaliste où figure son autoportrait, à cette fusion parodique entre Chaminou et le Khrompire de Macherot et Adieu Brindavoine de Tardi, un exercice quasiment "oubapien" qui fonctionne admirablement, contre toute attente. Plus loin, des hommages à Hergé ou au Don Bosco de Jijé... Macherot, Jijé, Hergé chez Menu ? Oui, ce grand admirateur de Chaland, trouve ses premières influences dans l’École Belge, mais il s’en écarte rapidement pour absorber celle de Crumb et de l’Underground qu’il remixe, comme s’il le ferait sur une platine, avec celles des Surréalistes, des Situationnistes et de bien d’autres encore.
Cela donne des passages étranges où la momie d’un moine du Mont-Vérité, accompagné d’une soundtarck envoûtante, mélange de chants liturgiques et de sons punk, voisine avec des images entêtantes, des interprétations de rêves ou des exercices d’écriture automatique, le premier étage étant plutôt dédié à la musique. Chaque œuvre fait l’objet d’un cartel dédié, dessiné par l’auteur, où il fait un commentaire décalé, superbement calligraphié, qui signe la scénographie.
On est ébloui par ce styliste foisonnant et foutraque dont le travail est innervé par l’enthousiasme. Et si souvent, dans ses attitudes et dans ses écrits, JC Menu a pu paraître péremptoire et autoritaire jusque dans l’invective, c’est, oui, par amour, des autres même s’il ne s’aime pas, et de l’art, ce 9e art qu’il porte haut et dont il a écrit, avec quelques autres, un chapitre de son histoire.
Pratt is back
Pratt faisait partie de ces "Prix de circonstance" qui ont échappé aux petits calculs des Grands Prix d’Angoulême, comme Bretécher, Morris, Uderzo, Sfar, Toriyama, et que l’on a attribué parce qu’on ne pouvait pas faire autrement, ces auteurs étant incontournables. Le dessinateur de Corto Maltese avait obtenu celui du 15e anniversaire en 1988.
L’exposition « Hugo Pratt, rencontres et passages » nous vient à Angoulême après avoir été vue au Musée Hergé à Louvain-La-Neuve en octobre dernier. "On retrouve dans cette exposition des aquarelles d’Hugo Pratt (certaines sont devenues mythiques, mais d’autres sont moins connues car plus rares), mais aussi une quantité de planches et de couvertures qui n’avaient sans doute jamais été réunies dans le même lieu, écrivait alors Charles-Louis Detournay. Corto Maltese est naturellement mis à l’honneur : on le suit de la première planche où il apparaît dans« La Ballade de la Mer salée », à l’ensemble de ses aventures. C’est l’occasion de remarquer le trait rapide pour des cases qui sont devenues des véritables images de référence pour le public, mais également de noter l’évolution dans le format des planches et la façon de les dessiner. Outre l’incroyable qualité de l’échantillon rassemblé (plus de 140 œuvres originales), le parcours des figures littéraires chères à Pratt ne manquera pas de séduire le passionné. Le visiteur pourra aussi s’intéresser à l’interview filmée ou aux documents présentant des récits moins connus."
Le parcours, rythmé par les présences mythiques d’écrivains comme Rudyard Kipling, Jorge Luis Borges, Fenimore Cooper, William Butler Yeats, Jack London, Hermann Hesse, R. L. Stevenson… se conclut par les planches de la version de Pellejero et Canalès, écrasées par l’ombre portée du maître. Un grand moment.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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JCM - Exposition Jean-Christophe Menu
Hôtel Saint-Simon
Du 28 janvier au 28 février 2016
Hugo Pratt, rencontres et passages
Espace Franquin, salle Iribe
Jusqu’au 21 janvier 2016
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