Les blessures de la Seconde Guerre mondiale disparaissent petit à petit des rues en ce mois de juillet 1949. Mais dans les tribunaux et dans les têtes, les jugements et les vengeances continuent de tourner. Joseph Joanovici comparaît devant la Cour de Justice de Paris pour acte de collaboration avec le régime honni. Après avoir fait fortune durant les années noires de la complicité vichyste, il tente de répondre à la condamnation populaire par les preuves de son appui à la Résistance.
Petit juif ferrailleur, il porte toutes les stigmates de son époque : riche industriel corrupteur et « collabo », finançant le Forces Françaises de l’Intérieur. Malgré l’optimisme de son avocat, les jurés obligeront cet homme plein de ressources a trouver refuge dans le nouvel État d’Israël. Mais la haine est un sentiment tenace et le petit juge de Melun suivra son ennemi intime pour faire triompher la justice, sa justice.
Le duo d’auteur primé clôt sa série en brossant un portrait peu reluisant de cette France de l’après-guerre. Entre règlements de comptes qui fleurent bon la trahison et vieillissement accentuant les sentiments de rancœur et de culpabilité, ils décrivent avec une grande justesse narrative les paradoxes de ce personnage plus qu’ambigu, loup dans la bergerie ou simple mouton essayant de sauver sa peau. Sans souffrir d’aucun déséquilibre, cet album nous raconte les quinze années qui salueront la chute de Monsieur Joseph. Un trajet humain construit sans manichéisme où la joie des temps nouveaux se condense dans les souvenirs de la grisaille des temps passés.
Bouclant la boucle de ces tragiques destinées, la scène finale, dénouement connu depuis le premier volume, acquiert une aura sublimée par ce dernier tome. Plein d’une ambivalence salutaire, le récit accentue perpétuellement les doutes qui planent sur ces personnages, évitant ainsi l’écueil d’idées simplificatrices et oblige son lecteur à plonger dans de troubles eaux. Parti d’un fait divers, ce récit se fait allégorie de l’Histoire.
Une série qui s’achève avec brio grâce à une trame narrative puissante, digne tableau d’une époque sombre et confuse. D’une ampleur formidable et porté par un dessin maîtrisé, ce récit restera comme un des plus aboutis sur ce passé proche.
Et maintenant, un film pour passer définitivement à la postérité ?
(par Vincent GAUTHIER)
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