"Inculte Futur" : un condensé de l’Art pute de Moolinex

Inculte Futur © Moolinex / Les Requins Marteaux 2018

Moolinex - Jean-Philippe Simonnet pour l’état civil - n’est pas du genre à s’imposer des barrières, ni à en mettre entre les arts. Autodidacte puisant son inspiration dans la culture populaire, il se l’approprie sans la renier. S’il emploie parfois des supports ou des techniques plus classiques, il doit d’abord les "salir" pour oser les transformer. Et finit ainsi toujours par proposer une vision peu reluisante de notre monde, dans une forme qui n’appartient qu’à lui.

Cet "Art pute", comme il l’appelle lui-même, est visible tout l’été à Monflanquin, dans le Lot-et-Garonne, et est présenté dans une monographie éditée en mai dernier par Les Requins Marteaux, Inculte Futur. Impossible d’être exhaustif en moins de 200 pages, mais il y a de quoi avoir un excellent aperçu de l’œuvre de Moolinex. L’artiste se conçoit d’abord comme dessinateur, mais son ouvrage montre qu’il est également à l’aise avec la peinture, le canevas ou l’installation. Avec cependant toujours la même exigence : travailler au point de faire croire à la spontanéité.

Inculte Futur © Moolinex / Les Requins Marteaux 2018

Inculte Futur, qui était déjà le nom de l’exposition de Moolinex à la Galerie Arts Factory l’hiver dernier, permet à la fois d’apprécier les œuvres de l’artiste, grâce à la qualité des reproductions, et de mieux les comprendre, par la lecture de quelques textes. Jimmy Pantera et Winshluss lui rendent hommage, chacun à leur manière. Le premier raconte leur rencontre pendant que le second, qui a un dessin de Moolinex tatoué sur le bras, explique que son art n’est pas explicable. Tout au plus peut-on le comparer à « un blob affamé en mouvement perpétuel » ou à « la colère qui roule une pelle à la mélancolie. » Peu importe, finalement, car Winshluss rappelle que « l’art n’est pas sympa » et que, oui, « l’art est difficile » !

Les pages de Benoît Decron et surtout l’entretien de Moolinex avec Julien Kedryna nous permettent d’aborder, au moins succinctement, le processus créatif de l’artiste. S’il n’y a pas de « méthode Moolinex » et évidemment pas de démarche systématique, nous retiendrons que l’apparente facilité d’exécution, les formes brutes et les couleurs vives voire criardes sont en fait le fruit d’un travail constant, approfondi, fait de remises en cause, d’essais multiples. Ce sont comme des couches superposées d’inspirations, d’influences et d’inventions. Moolinex souligne notamment l’importance de ses carnets dans sa création et le besoin, la nécessité même, qu’il a d’accumuler les traces, les marques et les matériaux afin de parvenir à une œuvre personnelle.

L’Art pute de Moolinex est assurément inclassable. Brutal, ironique, mouvant et foutraque, il peut mettre mal à l’aise ou faire rire. C’est l’opposé exact d’une autre forme d’art-pute - nous changeons sciemment l’orthographe - vendu par un Jeff Koons par exemple : jamais lisse et en dehors des modes, l’art de Moolinex cherche à tuer le Veau d’or.

Inculte Futur © Moolinex / Les Requins Marteaux 2018