Ippei Kuri, de son vrai nom Toyoharu Yoshida (né en 1940), débuta comme mangaka dans sa ville d’origine de Kyôto, en 1959. Autodidacte, comme ses frères, Tatsuo (1932-1977) et Kenji Yoshida (né en 1935), il est surtout connu avec ceux-ci en Occident pour leurs collaborations aux anime de Tatsunoko Production. Ils créèrent ensemble cette importante société de l’animation japonaise en 1962.
Suivant le modèle offert par Osamu Tezuka et sa première série pour la télévision tirée de Tetsuwan Atomu / Astro Boy (1963), elle s’est d’emblée orientée vers ce type de programmes et la volonté de les exporter à l’étranger. Après ses aînés, Ippei Kuri fut l’un des dirigeants de Tatsunoko Production, rachetée depuis par une firme nippone de jouets et produits dérivés.
Gatchaman (1972) et sa fameuse Force G, équipe de super-héros (Super sentai) mi-ninjas, mi-oiseaux, s’imposèrent cependant à l’international au prix d’un tour de passe-passe : sous le titre Battle of the Planets (1978), leurs aventures subirent des transformations destinées à les faire se rapprocher de la saga Star Wars, ce qui contribua à imposer les séries d’animation japonaises aux États-Unis. L’engouement provoqué à l’époque fut comparable à celui suscité par Le Cuirassé Yamato de Leiji Matsumoto, devenu Star Blazers outre-Atlantique.
Tel le Phénix, vaisseau des protagonistes de Gatchaman, il est d’ailleurs question de le faire renaître bientôt de ses cendres. À défaut d’un projet avorté de film avec des acteurs par Kevin Munroe en développement, on pourra patienter avec l’anime Gatchaman Crowds précisément produit par Tatsunoko Production (2013).
Si, en France, La Bataille des planètes rencontra l’intérêt du jeune public de la fin des années 1970 dans l’émission Les Visiteurs du Mercredi de TF1, ce fut face à Albator (Captain Harlock) de Leiji Matsumoto sur Antenne 2. Son Cuirassé Yamato demeure en effet moins populaire dans l’Hexagone, pour n’avoir pas eu l’heur d’y plaire aux programmateurs français d’alors.
D’autres grands succès sont à mettre au crédit des frères Yoshida et de Tatsunoko Production. Parmi eux figure notamment Speed Racer (Mach Go Go Go, 1966), adapté en film live par les frères Wachowski (2008).
Le récent label Isan Manga permet aujourd’hui de redécouvrir un autre classique de Yoshida : Kurenai Sanchirô / Judo Boy, une publication en français lancée à la Japan Expo. D’abord développé en manga (1961) par Ippei Kuri et son frère Tatsuo Yoshida, il devint également une série d’animation télévisée en 1969.
On y voit le jeune Sanchirô assisté au décès de son père, maître des arts martiaux, défait lors d’un combat. Il ignore l’identité de son vainqueur. Il sait seulement qu’il est borgne pour avoir retrouvé son œil de verre perdu lors du combat. Doté de ce maigre indice, il se lance sur ses traces de ce redoutable adversaire afin de se venger et rétablir la réputation familiale bafouée.
Au contraire de ce que suggère la version modernisée du titre, Judo Boy, les techniques de combat mises en scène relèvent davantage du plus ancien ju-jitsu que du judo actuel, qui en est cependant issu. Kurenai Sanchirô (Sanchirô le Rouge) fait allusion au dôgi (« kimono ») écarlate porté par le héros lors de ses affrontements. C’est également le nom du style martial qu’il pratique et dont il souhaite défendre l’honneur.
Ce classique japonais emblématique du manga et de l’anime méritait une traduction en langue française. Son éditeur au nom programmatique (il a choisi de s’appeler Isan [patrimoine, en japonais]) le rend ainsi accessible au public francophone dans une édition soignée et valorisante.
(par Florian Rubis)
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En médaillon : couverture de Kurenai Sanchirô / Judo Boy : © 2014 Ippei Kuri, Tatsuo Yoshida, Tasunoko Production & Isan Manga
Kurenai Sanchirô / Judo Boy – Par Ippei Kuri & Tatsuo Yoshida – Isan Manga – 376 pages, 29,90 €