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Isabel Kreitz : "En Allemagne, la bande dessinée est considérée comme un hobby."

Par Laurent Boileau le 15 février 2010                      Lien  
Récompensée déjà deux fois outre-Rhin (à Hambourg et à Erlangen), Isabel Kreitz connaît sa première publication francophone dans la collection Écritures chez Casterman. Dans L'Espion de Staline, l'auteure allemande raconte les derniers mois de Richard Sorge, journaliste allemand mais surtout agent de Staline à l'ambassade d'Allemagne à Tokyo dans les années 1940.

Quel a été votre parcours ?

Isabel Kreitz : J’ai étudié à l’École Supérieure d’Arts Graphiques à Hambourg puis je suis allé à New-York à la Parsons School of Design. J’ai fait alors un stage chez un dessinateur de Marvel où j’ai découvert le procédé de fabrication à l’américaine : une personne fait le scenario, une autre les esquisses, une autre le crayonné, une autre l’encrage… Lorsque je suis revenue en Allemagne, j’ai cherché cette manière de travailler que je trouvais intéressante et je me suis retrouvée à travailler dans un studio qui faisait des strips pour la presse. C’est là que j’ai appris la plupart des choses sur la bande dessinée et notamment de savoir concentrer en une, deux ou trois images toute une histoire, ce qui n’est pas évident. J’ai publié, depuis 1994, une quinzaine d’albums en Allemagne.

Cela vous permet d’en vivre ?

I.K : En Allemagne, la bande dessinée est considérée comme un hobby. Ça permet de se montrer, de se faire connaître et de décrocher des boulots de commande et ce sont ces boulots là qui permettent de vivre.

Quel a été le succès de L’Espion de Staline ? [1]

I.K : L’album est publié chez Carlsen depuis 2008 et le premier tirage de 5000 exemplaires s’est bien vendu. Le livre a déjà été réédité.

Isabel Kreitz : "En Allemagne, la bande dessinée est considérée comme un hobby."
Qu’est-ce qui vous a attiré dans l’histoire de cet espion, Richard Sorge ?

I.K : J’ai entendu parler de lui pour la première fois lors d’une exposition à Osaka en 2000 par un dessinateur de manga allemand qui a vécu longtemps au Japon. J’ai trouvé intéressant le côté historique et politique, voir la politique de Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale mais à l’autre bout du monde, dans le microcosme d’une ambassade. C’est aussi le métier et la personnalité de l’espion qui est toujours pris entre différents fronts que je trouvais passionnant. Dans le cas de Richard Sorge, la plupart des gens qui ont eu affaire à lui ont écrit leurs mémoires. Ils ont tous parlé de lui mais chacun à leur manière. Donc on approche le personnage de manière intime mais à travers sa fonction : comment fait un espion pour vivre ? Qu’est-ce qui se cache derrière cet espion ?

Comment décrire la personnalité de Sorge ?

I.K : Finalement, c’est un type qui, en plein régime nazi, se revendiquait communiste et qui croyait en cette idéologie. Sorge avait fait la Première Guerre mondiale où il avait été blessé. C’est là qu’il a rencontré un type dans un hôpital militaire qui était communiste et qui lui a fait découvrir ses idées alors que lui était issu d’un milieu bourgeois de droite. Il défendait sa patrie pendant la Première Guerre. Et puis, petit à petit, il a été conquis par cette idéologie. C’est une époque de radicalisation des positions politiques.

Quel travail de documentation avez-vous effectué ?

I.K : Au départ, je me suis basé sur une biographie de Sorge écrite par un américain dans laquelle il publiait ses sources. Ce sont ces sources qui m’ont particulièrement intéressée : les mémoires de l’ambassadeur, de la pianiste et de toutes les autres personnes qui avaient côtoyé Sorge et écrit quelque chose sur lui.

À plusieurs reprises, vous dessinez les différents protagonistes plus âgés, racontant leurs souvenirs. Pourquoi ce choix ?

I.K : Tout d’abord, cela me permettait de faire des ellipses au lieu de devoir tout raconter. Et puis pour les lecteurs, c’est plus clair : il s’agit de témoignages, de souvenirs... Il peut y avoir des points de vue différents, voire des contradictions, comme par exemple entre la pianiste et une personne de la Gestapo.

Comment avez-vous abordé graphiquement cette histoire ?

I.K : je trouvais mon graphisme habituel un peu kitch. J’ai donc changé de style. J’aime bien faire les décors, recréer les atmosphères. Comme ça se passe à Tokyo, c’est exotique pour moi, et j’ai donc fait beaucoup de recherches. Je trouve parfois que les décors sont plus importants que les personnages. Je me suis régalée !

C’est votre premier livre publiée en France. Cela vous surprend ?

I.K : C’est peut-être mon premier livre qui pouvait intéresser d’autres publics que le public allemand, contrairement à mes autres livres. Ce n’était pas un but en soi, mais je l’avais quand même un peu en tête !

(par Laurent Boileau)

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Photo © L. Boileau

Lire la chronique de l’album

[1titre original : Die Sache mit Sorge : Stalins Spion in Tokio

 
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