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Israël : Colombes et faucons de bande dessinée

Par Dorith Dalioth le 17 février 2009                      Lien  
Par dessinateurs de bande dessinée interposés, alors que le président Shimon Pérès s’apprête à désigner un nouveau chef de gouvernement, la société israélienne continue d’être divisée à la suite de Gaza.
Israël : Colombes et faucons de bande dessinée
Uri Fink
Photo DR

Shay Charka et Uri Fink sont deux artistes de bande dessinée israéliens très connus dans leur pays. Leurs idées et le style de vie sont tout à fait opposés ; Fink, marié et père de famille, vit à Ramat Hasharon près de Tel Aviv, une vie d’Israélien laïc avec des idées de gauche quant à la politique israélienne. Charka, marié et père de famille lui aussi, vit dans une colonie et est « Dati », religieux. Ces deux compères tout à fait opposés sont des amis proches dans la vie.

Ils ont décidé tous deux de consacrer leurs derniers albums à expliquer à l’aide de plumes, pinceaux et couleurs leurs positions politiques quant à Israël et au conflit du Moyen Orient. Les deux albums décrivent des faits et expériences vécus par chacun d’eux et basés sur des évènements politiques survenus en Israël.

Deux auteurs qui reflètent les déchirements de la société israélienne

Le nouveau Musée de la Caricature et de la Bande Dessinée qui vient d’ouvrir ses portes en Israël a été l’occasion d’une joute entre ces deux artistes au moment du lancement de leurs albums respectifs mais aux points de vue opposés parus chez le même éditeur, Modan. Une estrade leur était réservée lors d’une soirée intitulée « Les canons tonnent et les muses gribouillent… »

Shay Charka
Photo : DR

La biographie de ces deux artistes est riche. Fink a publié jusqu’à présent près de 40 albums, a vu ses bandes reproduites dans de nombreux quotidiens, dont un même à caractère religieux !

Shay Charka bénéficie également d’une belle carrière : il a publié 9 albums, il participe en tant que caricaturiste à des émissions télévisées, il est aussi créateur de personnages publicitaires. Il a également révisé la traduction des trois derniers albums d’Astérix et Obélix parus chez Modan.

Uri Fink et Shay Charka pensent tous deux que la bande dessinée en Israël ne jouit pas encore du statut qu’elle mériterait. Les albums sont toujours enfouis dans les rayons enfants ou jeunesse.

Bataille de dessins

Shay Charka vient de publier son dernier album « Meever la Kav » (« Au-delà de la ligne  » en traduction libre, encore inédit en France) où il décrit dans un style satirique le point de vue d’un homme de la droite israélienne et la vie de son personnage Charter, un caricaturiste qui habite l’une des colonies de Samarie.

Uri et Fink débattent en public, crayons à la main
Photo DR

« Au-delà de la ligne » révèle en BD tous les conflits intérieurs de l’israélienneté de Charka. Il avoue que cet album est le reflet de ses opinions mais ne parle pas vraiment de lui afin de ne pas exposer sa famille. L’usage d’un héros lui permet en outre de prendre un certain recul. « Je ne cache pas mes opinions ou mon identité politique. Je suis à l’aise avec moi-même, mais je sens le besoin de réagir. La BD me permet de parler franchement, de dire ma vérité. Tout ce qu’il me faut, c’est du papier et un stylo. »

La version israélienne de "Israël-Palestine : Entre guerre et paix" de Uri Fink (Ed. Berg)

Le livre autobiographique d’Uri Fink qui a déjà paru en français aux éditions Berg décrit d’un point de vue gauchiste israélien, les évènements survenus lors des 40 dernières années de cette jeune nation qui vient de dépasser la soixantaine… Fink est ferme sur ses positions qui prônent le dialogue et la ligne du mouvement israélien « La Paix Maintenant. » Il a été l’un de ceux qui ont soutenu le désengagement des colonies, ce même désengagement qui a été traumatisant aux yeux de Charka.

Toutes ces questions sont au cœur de leurs albums : ils proposent au lecteur une remise en question de leurs convictions avec, pour chacun, talent et humour.

La rencontre en soi et le lancement de la parution des deux albums en parallèle a été un évènement de grand attrait pour le public et les médias en Israël. Les deux artistes ont commencé par présenter leurs œuvres, leurs sources d’inspiration et des anecdotes survenues au cours de leur travail. Ce débat a duré deux heures est s’est terminé par « un duel aux pinceaux » des deux artistes qui ont présenté leurs opinions en dessinant.

Uri Fink et Shay Charka sont très amis dans la vie de tous les jours et Uri dit qu’il adore discuter avec Shay et qu’il est toujours à la recherche sur Internet de cafés ou restaurants casher où ils peuvent se rencontrer.
Ces deux là discutent énormément mais ne se disputent jamais !
Quand on leur demande ce qui caractérise un auteur de bande dessinée, Charka répond que c’est le désir de raconter de manière visuelle ce qui se passe dans son imagination. Fink dit que c’est sa manière d’être ronchon…

Uri Fink et Shay Charka. Seul le dessin les réconcilie.
(C) Uri Fink et Shay Charka

(par Dorith Dalioth)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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10 Messages :
  • Pourquoi la colonisation française en Afrique du nord ou en Indochine est-elle unanimement condamnée en France (sauf par l’extrême-droite) alors que la colonisation israélienne en Palestine ne fait que "diviser" la société en Israël ?

    Serait-il moins grave de coloniser en Palestine qu’ailleurs ? Les colons israéliens sont-ils meilleurs que les anciens colons français ? Les Palestiniens sont-ils moins capables que les Alériens ou les Vietnamiens de se diriger eux-mêmes ?

    Ne pourrait-on pas arrêter une bonne fois pour toute de considérer Israel comme un pays normal et lui appliquer le même traitement que celui que l’on appliquait à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid ? Et pourrait-on arrêter de lui autoriser son colonialisme et ses crimes de guerre sous prétexte que c’est "la seule démocratie de la région" ? La France était une démocratie à l’époque où Bigeard pratiquait la torture à Alger, les USA étaient une démocratie lorsqu’ils faisaient la guerre au Viêt-Nam, la Russie était une démocratie quand elle a écrasé la Tchétchénie : en quoi cela les excuse-t-il ?

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    • Répondu par LO le 17 février 2009 à  16:22 :

      Pendant la guerre d’Algérie, je ne pense pas que les anticolonialistes français pouvaient jouir de la même liberté de parole que celle dont jouissent les "anticolonialistes" israëliens aujourd’hui. N’ayant pas connu l’époque et ne vivant pas en Israël, je me trompe peut-être.
      Ce que je sais c’est qu’aujourd’hui encore la Guerre d’Algérie reste un sujet largement évité en BD, au cinéma, en littérature, etc... C’est même étonnant de constater qu’en BD on traite plus facilement de la Guerre du Vietnam que de la Guerre d’Algérie. Ah la bonne conscience française...

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      • Répondu le 18 février 2009 à  00:13 :

        LO écrivez là, LA BD qui manque sur la guerre d’Algérie ! Ainsi, vous découvrirez très vite les erreurs simplistes de votre commentaire...

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        • Répondu par LO le 18 février 2009 à  11:14 :

          Monsieur l’anonyme,
          Au regard de l’importance de la Guerre d’Algérie, ce n’est pas une BD qui manque sur le sujet, ce sont des BD.
          Je reste toujours stupéfait de constater que de nombreux auteurs français ont choisi de traiter de la guerre du Vietnam -période américaine- alors qu’ils ont grandi avec le spectre de l’Algérie, voire même qu’ils ont vécu ce traumatisme. Comme s’il semblait préférable de regarder ailleurs. Cela pointe un tabou que notre pays n’a pas encore su abolir.
          Fort heureusement quelques auteurs courageux comme Frank Giroud, Farid Boudjellal, Lax, Guy Vidal, Cabu,... l’ont abordé. Laurent Galandon également prépare une histoire sur ce thème. Mais cet ensemble reste encore bien faible par rapport au poids que représente la Guerre d’Algérie -et les autres conflits résultant de la colonialisation- sur la société française.
          Quant à y ajouter ma voix, pourquoi pas, si un jour je deviens auteur.
          Bonjour chez vous et ailleurs...

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          • Répondu le 18 février 2009 à  13:06 :

            LO, c’est presque un nom d’anonyme, ça.
            Ce que vous dites sur le rapport que les français ont avec la guerre d’Algérie est convenu. Ceci est un indice qui me permet de deviner que vous ne serez jamais un auteur.

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          • Répondu par Sergio Salma le 18 février 2009 à  16:56 :

            On peut être étonné quand les lecteurs et amateurs de bandes dessinées se plaignent (gentiment, distraitement) d’une carence. Pourquoi n’y-a-t-il pas plus de bandes dessinées qui traitent de tel ou tel sujet ? Partant du livre sur le conflit Palestine-Israël (conflit éminemment complexe et fondamentalement unique qui n’a rien à voir avec un quelconque autre ) voilà qu’un autre sujet, un autre monde sont évoqués.

            Ben oui, c’est vrai ça, pourquoi pas plus de bédés sur la guerre d’Algérie !? C’est tabou ? C’est enfoui ? On peut pas ?! ça fait peur ? Et pourquoi rien non plus sur la guerre de Corée et plein sur le Vietnam ? Et puis pas beaucoup de choses non plus sur la guerre d’Espagne et sur la Tchétchénie ,nada. Le Darfour connais pas. L’Afghanistan, le Pakistan, le Sri Lanka où c’est ça ? comme dirait Chédid père. Et puis l’Indochine alors, on va faire des jaloux. Malheureusement on peut écrire "et caetera et caetera" parce que les guerres ça manque pas.

            L’étincelle qui fait naître un projet , qui fait germer des envies dans le cerveau des auteurs est une chose bien mystérieuse. Et c’est pas aux acheteurs et lecteurs potentiels de venir annoncer leur attente. En accusant en plus très maladroitement tous les couards qui ne bougent pas la pointe de leurs pinceaux ou qui racontent des choses bien futiles genre le marsupilami en voyage ou de la baston médiévale. Tss. Alors que d’autres auteurs ,eux, affrontent le tabou à mains nues.

            A ce compte-là, pourquoi ne pas suggérer au monde de l’édition qu’il serait bon, peut-être, que ces auteurs tête-en -l’air se penchent un peu sur une kyrielle de sujets très intéressants ?Tant qu’on y est.( Envoyez vos désideratas)

            Est-ce une question de génération ? Les auteurs qui ont vécu de près les événements n’ont peut-être pas eu les opportunités éditoriales et ceux qui ont aujourd’hui l’occasion de traiter mille et un sujets de société , ben, ils n’ont peut-être pas ressenti le traumatisme d’assez violente manière pour bousculer leurs envies et y consacrer plusieurs années de leur vie.

            Dans les auteurs de bandes dessinées, vous oubliez l’oeuvre la plus importante. Jacques Ferrandez qui travaille depuis de nombreuses années sur la série" les carnets d’Orient" traite le sujet en n’omettant aucun aspect géo-politique. Et en suivant de plus une chronologie des événements qui explique d’ailleurs intelligemment comment on en est arrivé au traumatisme .

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  • Il est inadmissible que vous fassiez de la pub à Charka, un chantre des colonies israéliennes !

    Le colonialisme est condamnable moralement comme politiquement, un point c’est tout. Et je suis assez choqué que Fink ne se "dispute jamais" avec son "ami" colonaliste.

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  • Israël : Colombes et faucons de bande dessinée
    17 février 2009 14:08, par Avi

    ce qui est écrit ci-dessus est tellement stupide qu’on peut juste proposer aux auteurs desdites lignes de se renseigner, de lire quelques faits avant de ressortir un discours très limite inspiré par des années de bourrage de crane. La BD peut-elle rester en dehors des commentaires archi rebattus des guevarras en pantoufles qui peuplent nos campagnes ? Ce serait cool. Comparer ce qui n’est pas comparable n’a jamais rien fait avancer, les gars. Cela dit dans l’intéret même de la partie que vous défendez si mal.

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    • Répondu le 21 février 2009 à  14:09 :

      Très bon reportage dans Charlie Hebdo cette semaine pour mieux comprendre les enjeux actuels de la politique israélienne.

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  • Un très bon reportage dessiné sur Gaza par le reporter dessinateur suisse Chappatte, c’est ici
    http://www.globecartoon.com/bd/BDGaza.html

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