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Jack Palmer - T13 : L’Affaire du voile - Par Pétillon - Albin Michel

Par Yves Alion le 28 février 2006                      Lien  
Jack Palmer, détective privé calamiteux mais plein de bonne volonté, est engagé par la mère d'une jeune fille pour retrouver cette dernière qui s'est convertie à l'Islam. Sur la piste de la fugueuse, notre homme va de surprise en surprise... Après « L'Enquête corse », les nouveaux exploits de l'inénarrable Jack Palmer.

Son feutre vissé sur la tête, saucissonné dans son éternel imper, Jack Palmer se rend incognito dans une boutique de vêtements pour femmes musulmanes. Il tend aux vendeuses la photo de la jeune fille sur les pas de laquelle il s’est lancé. Celles-ci reconnaissent sous les traits de cette dernière une cliente exigeante qu’elles avaient jadis dirigée vers une boutique concurrente, où la mode musulmane y est moins frivole. Palmer s’y rend derechef, mais fait chou blanc. De jeunes glandous qui traînent par là lui conseillent de rendre visite à un quincaillier turc du voisinage. La fugueuse a bien travaillé chez lui, mais elle n’y est plus...

Jack Palmer - T13 : L'Affaire du voile - Par Pétillon - Albin Michel

Palmer appelle sa cliente, la mère de la jeune convertie, pour lui faire part de l’avancement de l’enquête. Celle-ci prend la décision, à la nuit tombée, de rejoindre le détective. Tous deux se rendent de concert chez l’imam de la mosquée locale, qui les reçoit dans sa famille. C’est un homme ouvert, un modéré, qui peine à tenir ses enfants. Notamment son fils, qui en cachette fréquente la fille d’un religieux intégriste. L’imam lance Palmer sur une nouvelle piste, qui ne mène nulle part. Mais le détective ne se décourage pas et quadrille le quartier à la recherche de nouveaux indices. Tâche peu aisée car celui-ci est en ébullition, depuis qu’un imam intégriste, qui est par ailleurs le père de la petite amie du fils du précédent, occupe le saint lieu avec ses troupes. Des émissaires du gouvernement sont envoyés promptement pour rétablir un semblant d’harmonie, mais aucune des parties ne veut en démordre : les défenseurs de la vraie foi ne sauraient être les autres...

Jack Palmer a fait du chemin depuis « Une sacrée salade », qui marquait son irruption dans le monde de la bande dessinée. Le trait s’est simplifié, l’humour a peu à peu cessé de jouer la carte du non-sens, alors hommage non déguisé aux maîtres de « Mad », pour s’intéresser aux personnages et aux situations. L’intégration de Pétillon à l’équipe du « Canard enchaîné » a sans doute fait le reste : notre homme est partiellement retourné à ses premières amours, celles du dessin d’humour, adapté aux problèmes d’actualité.

Il est tentant de rapprocher cette autre casquette de la tentation nouvelle de Pétillon d’ancrer ses intrigues dans une actualité plus chaude que jadis. Bien lui en prend, puisque le succès public est au rendez-vous. Après le triomphe de « L’Enquête corse », qui a débouché sur une adaptation cinématographique plutôt bien troussée (à ceci près que le personnage de Palmer est par essence inadaptable et que c’est de bon droit que Christian Clavier, qui lui prête ses traits, le tire vers un registre moins dérisoire), voici « L’Affaire du voile » qui caracole en tête chez les libraires, toutes catégories confondues. Pétillon n’hésite pas à appuyer là où ça fait mal. Mais il le fait avec doigté, et nul doute que les musulmans ne lui en voudront pas - il n’avait d’ailleurs pas été fustigé par les insulaires de l’île de beauté. En ces temps où la caricature est devenue un sujet de société, le lieu géométrique de toutes les polémiques, il fallait que cela soit dit. Ce qui n’empêche pas le dessinateur de mettre quelques points sur les i, même si la maladresse palmérienne permet de faire passer en douceur bien des choses. Peu de cris ou de grincements, mais une ironie de bon ton qu’il n’est pas interdit de trouver mordante au détour de telle ou telle page, si l’on est soi-même un tantinet rétif au retour en force des religions. Il est vrai que chacun en prend pour son grade et que les bourgeois affolés qui tiennent lieu de parents à la fugueuse n’ont rien à envier aux Salafistes butés disputant la mosquée du quartier à l’imam bonasse qui les avait précédés. Et le vertige qui saisit les premiers devant le fossé des générations vaut les discussions pointues sur certaines sourates du Coran, discussions qui relèvent de la sodomie de lépidoptères. On ne sait pas ce qu’en penseraient les insectes en question. Mais nous nous régalons.

(par Yves Alion)

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1 Message :
  • Un régal que cet album ! Dès la 1ère bulle : "C’est un peu transparent" devant un vêtement qui devrait pourtant satisfaire l’intégiste le plus intransigeant.
    Il y a des dialogues cultes du type "Notre désaccord a porté sur un autre sujet : la lapidation des femmes adultères" "Un problème délicat qui doit être traité dans un esprit d’ouverture et de modération".
    Pétillon réussit à être très drôle avec un sujet pour le moins casse-gueule par les temps qui courent, et c’est un sacré exploit !

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