Une réception a été organisée, ce jeudi 29 mars, par la Fondation Jacobs dans le lieu chargé d’histoire qu’est devenue la Fondation Raymond Leblanc, nichée dans le Building Tintin. Philippe Biermé, le président de la Fondation Jacobs, a choisi cette date symbolique : « Edgar P. Jacobs est né un 30 mars, et il aurait eu aujourd’hui 103 ans, a-t-il dit lors de son discours. Des événements auront lieu à Lasne [1] le jour du centième anniversaire de sa naissance. Nous avons pensé que la « garde jacobsienne » devait sortir un ouvrage pour commémorer les vingt ans de son décès. Ce livre porte sur l’amitié des trois hommes. »
Le Maître de la ruelle Bois des Pauvres a rencontré Jacques Van Melkebeke en 1917, et ils ont rejoint ensemble l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Jacobs s’est inspiré de Van Melk’, comme l’appelaient ses proches, pour le physique de Mortimer. Jacques Van Melkebeke, le clandestin de la bande dessinée, ainsi que le surnomma Benoit Mouchart dans sa biographie, a souvent été un initiateur d’idées pour Hergé et Jacobs, et même parfois leur « co-scénariste » caché. Il fut le premier rédacteur en chef – clandestin, à nouveau - du journal de Tintin, et même son maquettiste, avant d’être écarté du journal par Raymond Leblanc. Les activités de Van Melk’ pendant la guerre dans la presse collaborationniste l’ont contraint à se fondre dans l’anonymat.
Van Melkebeke présenta le fils de Jean Laudy, l’un des portraitistes officiels de la famille royale belge, à Jacobs. Jacques Laudy prêta ses traits au très british Francis Blake. Cet artiste, méconnu du grand public, a été l’un des piliers du journal de Tintin. Il y a notamment signé, avec Jacques Van Melkebeke, la série Hassan et Kaddour. Nous vous en reparlerons prochainement.
« Edgard P. Jacobs et les deux Jacques », édité à 999 exemplaires, se veut un témoignage sur l’amitié entre ces trois hommes, mais aussi sur l’amour que Jacobs portait à sa première épouse, Léonie Bervelt, surnommée Ninie. On y retrouve de nombreuses photos des années 20 et 30, qui nous permettent de nous glisser dans l’intimité – ou du moins d’imaginer une partie du quotidien – du couple. Jacobs aimait dessiner sa muse, parfois nue comme en témoignent les deux dessins au crayon et à l’aquarelle contenus dans le livre.
La partie la plus intéressante de l’ouvrage est sans nul doute la reproduction des carnets de Jacques Van Melkebeke. Notamment les 28 réincarnations de son ami Jacobs, ou d’autres dessins qui prennent parfois un tour légèrement grivois.
Les dessins de Jacques Laudy publiés dans Jacobs et les deux Jacques sont déjà plus connus. Ils ont été publiés, en 1993 dans le Royaume d’Edgar J., aux éditions Loempia. Des illustrations qui représentent généralement les trois amis, ou Jacobs seul.
Si ce livre est à la hauteur de l’hommage que l’on peut rendre à l’ermite de Lasne, on est en revanche surpris par les honneurs trop discrets, voire ridicules, qui lui sont rendus par cette commune où E.P. Jacobs a vécu de très nombreuses années et où il est enterré [2]. La Bourgmestre Brigitte Defalque a décidé de donner le nom « Edgar Pierre Jacobs » à un banc du cimetière, ce qui est un peu léger, et paraît-il à une salle de la bibliothèque de la commune du centre sportif de Lasne, ce qui est la moindre des choses. Ceci, alors qu’Angoulême ou même Roquebrune-sur-Argens, mettent en avant le nom de créateurs de bande dessinée.
Dans un « Opéra de Papier », Jacobs reprenait avec ironie un proverbe arabe : « Allah envoie des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents ». La succession de Jacobs et la réussite des reprises de Blake & Mortimer prouvent à quel point notre vieil homme voyait clair.
Peut-être la série complète des Blake & Mortimer offerte par Philippe Biermé à la bibliothèque de la commune aidera-t-elle l’édile et ses échevins à mieux se souvenir d’un auteur qui a porté la notoriété de Lasne de l’autre côté de la planète.
(par Nicolas Anspach)
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