Surpris alors qu’il est en train de vendre les droits étrangers de ses publications à la célèbre Foire du Livre de Bologne, Jacques Glénat se voit désigné par le très sérieux quotidien Le Monde comme l’un des bénéficiaires d’un compte aux îles Vierges, célèbre paradis fiscal : "Selon les "Panama papers", le propriétaire de la maison d’édition de bande dessinée Jacques Glénat a ainsi possédé une société domiciliée aux Seychelles, pour acheter notamment des œuvres d’art. Il a préféré la fermer quand les îles Vierges britanniques ont obligé en 2014 les sociétés à renseigner les noms de leurs actionnaires" écrivent-ils.
La nouvelle est aussitôt reprise par l’hebdomadaire professionnel Livres Hebdo et tourne en boucle dans les réseaux sociaux. "À tous les auteurs Glénat : demandez une augmentation !" écrit un auteur qui poste plus vite que son ombre. "Mes droits, voilà où ils étaient !", écrit un autre. Et notre éditeur grenoblois de se trouver mêlé à un groupe de personnalités où l’on retrouve aussi bien des "démocrates" comme Bachar El Assad ou Poutine, des politiques à scandale comme Patrick Balkany, Jérôme Cahuzac ou Jean-Marie Le Pen, des personnalités des médias comme Platini ou le Premier Ministre d’Islande. Un honneur dont il se serait bien passé...
"Je pense qu’il y a un amalgame absolument scandaleux, comme l’a dit le président de la Société Générale, entre des affaires d’hommes d’état, de grands industriels, de sportifs etc. et une simple donation qui a été faite à mes enfants de manière tout à fait légale puisqu’elle a été faite en plus par un huissier en France et tout à fait normalement, explique Jacques Glénat à un journaliste de France Télévisions. Ce n’est le fruit d’aucun schéma d’inégalité. [...] C’est un don modeste reçu par mes enfants et on les mélange avec l’argent sale de la drogue, alors que cela n’a rien à voir. "
Devant les questions pressantes du journaliste pour savoir si M. Glénat était le propriétaire de cette société, ce qui semble ressortir de l’article du Monde, sinon pourquoi irait-elle faire un don aux enfants de l’éditeur ?, celui-ci répond qu’il n’en est pas le propriétaire sans donner plus d’explications.
Que Jacques Glénat fasse partie des éditeurs les plus fortunés de France, ce n’est pas nouveau. Déjà, en 2012, il était réputé se trouver à la cinquième place, ex-aequo avec Hervé de la Martinière, avec une fortune alors estimée à 60 millions d’euros. Une fortune, soit dit en passant, qui n’est pas seulement le fruit de son activité éditoriale, elle est aussi familiale.
Qu’il optimise comme il le peut, si ces informations sont exactes, son assiette fiscale, ce n’est pas surprenant. Chacun, nous semble-t-il, le fait à son niveau. Que Jacques Glénat, né le 21 mai 1952 à Grenoble et donc âgé de 64 ans, organise sa succession, voilà qui est bien normal également. Ses enfants participent déjà à la gestion de l’entreprise. Et même si l’on est surpris que les actifs donnés comprennent des toiles de maîtres flamands, force est de constater que c’est plutôt de bon goût.
Ce qui est étonnant, c’est que cette fortune relativement modeste, comparée à certains géants français de la distribution, du luxe ou de la finance domiciliés en Belgique où n’existe ni ISF, ni impôts sur les plus-value et dont la fortune se calcule en milliards, soit ainsi mise en avant dans un grand quotidien comme Le Monde, davantage que, par exemple, un Tycoon des médias comme Patrick Drahi, propriétaire de L’Express et co-propriétaire de Libération.
Est-ce parce que la bande dessinée est rigolote et a beaucoup de succès ou parce que le monde (Le Monde, en l’occurrence) tourne bizarrement ? À vous de nous le dire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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