"Je, François Villon" de Luigi Critone lauréat du Prix Cases d’Histoire 2016

Le Prix Cases d’Histoire, remis depuis l’an passé par l’équipe du site Internet éponyme, consacre cette année le troisième tome de la biographie romancée du poète François Villon dessinée par Luigi Critone. Adapté du roman de Jean Teulé, ce triptyque intitulé Je, François Villon raconte de façon chronologique la vie du poète maudit en plein XVème siècle.

Couverture du tome 1 © Luigi Critone - Delcourt 2011

Débutée en 2011 chez Delcourt, la publication du travail de Luigi Critone mérite amplement cette récompense. Son adaptation est à la fois fidèle au roman et personnelle. La narration est efficace, comporte sa part de rebondissements, de moments d’anthologie mais aussi d’aspects psychologiques.

Il fallait le savoir-faire d’un bon scénariste pour parvenir à nous faire suivre le personnage de François Villon, poète brillant et d’une modernité étonnante, coutumier des excès en tout genre, diablement ambigu mais profondément humain – y compris dans ses débordements outranciers et même criminels.

Couverture du tome 2 © Luigi Critone - Delcourt 2014

L’exercice biographique était pourtant périlleux. Les informations sûres sont en effet rares sur ce poète qui a pourtant marqué l’histoire des lettres françaises. Né dans les années 1430 vers Paris, Villon a connu une trajectoire fulgurante, côtoyant aussi bien les puissants que les pires crapules de son époque. Etudiant doué mais indiscipliné, voleur, querelleur et violent jusqu’au meurtre, il finit par être condamné à la pendaison. Sa peine est cassée mais il est banni de la capitale pour dix ans. Il disparaît alors – du moins perdons-nous sa trace – âgé d’à peine trente ans, après avoir commis beaucoup d’excès et composé des vers immémoriaux. Le personnage est donc fascinant, mais difficilement accessible. Sa poésie, d’une obscure beauté, n’aide guère le profane à le comprendre.

Jean Teulé puis Luigi Critone à sa suite avaient donc tout le loisir de combler les manques, d’ajouter leurs interprétations et de rendre à François Villon une vivacité et même une véracité assez peu commune. Le trait de Luigi Critone, léger, donne un visage expressif à l’homme, mais jamais caricatural.

Page 4 du tome 3 © Luigi Critone - Delcourt 2016

Son dessin, parfois un peu flou, vague sans être imprécis, apporte la part de mystère indispensable à un tel personnage. Les couleurs, surtout, magnifient son histoire. Alternant des couleurs froides voire ternes et des couleurs vives et chaudes, il nous fait ressentir autant les émois de Villon que l’ambiance déliquescente du royaume de France en cette fin de Moyen Age.

La reconstitution historique est elle aussi d’une grande qualité. Sans lourdeur ni didactisme pointilleux, il faire revivre un royaume dans un triste état, aux portes de la Renaissance mais encore englué dans des pratiques inhumaines. La description de Paris et de son milieu étudiant est particulièrement saisissante.

Luigi Critone, qui travaille à Paris après avoir étudié à Rome et Florence, reçoit donc là un prix tout à fait mérité. Son œuvre sur François Villon montre une belle maîtrise narrative et une aisance graphique indéniable. Il a su faire du roman de Jean Teulé une véritable fresque historique en même temps qu’une biographie psychologique parfois déstabilisante mais toujours passionnante.

Couverture du tome 3 © Luigi Critone - Delcourt 2016