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Jean-Claude Götting : "Loustal a développé une manière très originale d’associer le texte et le dessin"

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 septembre 2012                      Lien  
Dessinateur talentueux et illustrateur apprécié, Jean-Claude Götting s'associe pour la première fois avec son ami Loustal, un dessinateur qui maîtrise dans ses BD aussi bien les couleurs, la lumière, que le temps. Travaillant généralement seul, Götting a conçu pour Loustal un scénario à sa mesure. Rencontre.
Jean-Claude Götting : "Loustal a développé une manière très originale d'associer le texte et le dessin"
Pigalle 62-27 - Par Loustal & Götting
Ed. casterman

Loustal et vous, vous vous connaissez depuis longtemps.

Oui, depuis mes débuts, en fait. Loustal est un des auteurs dont les livres m’ont beaucoup marqué lorsque j’ai commencé la bande dessinée, avec des titres comme New York Miami, Clichés d’amour ou Zenata Plage. C’était une nouvelle façon de raconter des histoires, très littéraire, et ça a sûrement influencé ma façon de concevoir la bande dessinée. Nous nous sommes rencontrés en 1986, je crois, car nous avions le même éditeur d’affiches. Ce dont j’étais très fier.

Pourquoi avoir choisi Pigalle , et le Pigalle des années cinquante comme lieu de cette histoire ?

Pigalle, c’est un peu notre quartier, puisque j’habite Montmartre, que Jacques avait un temps son atelier à Barbès et qu’il vit dans le 9e arrondissement de Paris. Je cherchais un univers graphique qui lui soit proche et familier à la fois. L’académie de billard de la place Clichy, le restaurant Les Oiseaux, où nous déjeunons parfois, sont des lieux que nous connaissons bien et que j’avais envie d’utiliser, même si Jacques les a un peu transformés.

Les années 1950 (ou la fin des années 1950), c’est un moyen d’utiliser mes plus lointains souvenirs de Paris, puisque je suis né en 1963, et puis, je n’avais pas envie d’une histoire trop contemporaine, avec des Kangoo et des Smart, où l’univers des truands est sûrement beaucoup moins pittoresque et beaucoup plus violent. Je pense que Jacques, qui a beaucoup de références cinématographiques dans le film policier des années 1950 est aussi plus à l’aise avec cette période quand il s’agit de rendre une atmosphère.

Pigalle 62-27 - Par Loustal & Götting
(c) Casterman

Il y a un côté "Simenon" dans cette description des mœurs parisiennes...

Sûrement, mais je ne suis pas un grand connaisseur de l’œuvre de Simenon. Je me suis en revanche beaucoup inspiré d’un vieux livre des années 1960, une sorte de dictionnaire des arnaques dont le côté désuet me plaisait beaucoup, parce qu’elles décrivent en creux une certaine façon de vivre à cette époque. Le langage utilisé aussi me sert beaucoup à restituer l’ambiance.

Pigalle 62-27 - Par Loustal & Götting
(c) Casterman

Le jeune homme venu de province découvrant Pigalle, c’est un peu vous ?

Non. Je suis né à Paris. Mais il y a sûrement un peu de moi, comme dans beaucoup de mes personnages. J’ai utilisé mes propres souvenirs d’enfant découvrant le métro, par exemple. C’est une constante : on me dit à chaque fois “ - Celui-là, c’est toi”, ça doit donc être vrai quelque part.

Loustal et vous, êtes des "dessinateurs-illustrateurs" (on vous connaît pour vos magnifiques couvertures pour la série française d’Harry Potter), est-ce que ce style de dessin induit une façon de raconter particulière ?

Je ne crois pas. je sépare bien ces deux métiers et je n’ai pas l’impression de faire des illustrations dans mes BD. Je fais de la BD comme tout un chacun, avec des tonnes de cases répétitives... J’ai d’ailleurs commencé ma carrière d’illustrateur après la BD.

Jacques, lui, a développé avec Paringaux une manière très originale d’associer le texte et le dessin. Souvent accompagnés de textes off, ses dessins sont parfois en décalage narratif et l’association des deux fait merveille. C’est peut-être ce qui rend ses dessins muets proches de son travail d’illustrateur. Pour Pigalle 62-27, j’ai laissé Jacques utiliser le script comme il voulait, en mêlant selon son envie, bulles et textes off, pour retrouver sa manière.

Extrait du scénario original de "Pigalle 62-27" qui devait s’intituler à l’origine "Les Oiseaux"
(C) J-C. Götting

Là, vous êtes passé dans la pratique du scénario. Vous avez des projets en solo, d’autres collaborations encore ?

Je suis plutôt habitué à travailler seul. Je n’avais écrit que deux histoires pour d’autres dessinateurs, auparavant. Le Chemin des 3 places pour Avril, et Le Pigeon pour Stanislas, dans les années 1980. Mais j’avais envie de voir ce que Jacques pouvait faire d’une de mes histoires. Alors, quand un jour, il m’a dit qu’il cherchait un scénario, j’ai sauté sur l’occasion. Je ne pense pas écrire pour d’autres pour le moment ; j’ai tellement de mal à écrire pour moi. Donc, le prochain sera un livre en solo, mais je n’ai encore qu’une vague idée du scénario.

Avec quelques dessinateurs, vous aviez créé avec François Avril, Ted Benoit et quelques autres l’association Le Crayon. Quel était son but ?

Le Crayon n’existe plus. À l’origine, c’était un prétexte pour se réunir régulièrement, car on ne se voyait plus que dans les vernissages. On voyait ça un peu comme un Club. Et puis il y avait aussi l’envie aussi de faire des projets en commun, comme les deux livres que nous avons publiés (Les Films du Crayon, Les Nus du Crayon). Malheureusement, chacun étant très indépendant, les projets avaient beaucoup de mal à se monter, et l’intérêt pour l’association était au final diversement partagé. Bref, le concept n’était pas au point. Mais je suis assez content des deux livres parus.

Vous êtes un pilier des Rencontres Chaland de Nérac où l’on retrouve cette année votre ami François Avril, que signifie cette manifestation pour vous ?

Au départ, il s’agissait de rendre hommage à Yves Chaland dans sa ville natale à l’occasion du 18e anniversaire de sa mort. Puis, ces Rencontres ont perduré avec chaque année un dessinateur invité, dont le style s’apparente à la Ligne claire. Je n’ai personnellement pas grand chose à voir avec la Ligne claire, mais en tant qu’ami d’Isabelle Beaumenay-Chaland, je participe à ces rencontres en alimentant le blog des Rencontres Chaland de photos, films et commentaires en temps réel. C’est l’occasion de passer chaque année un week-end très agréable dans la jolie ville de Nérac avec quelques confrères.

Pigalle 62-27 - Par Loustal & Götting
(c) Casterman

Quels sont vos projets ?

Je réfléchis à un nouveau récit dans l’esprit de Noir, paru cette année chez Barbier & Mathon. J’ai beaucoup aimé travailler sur ce type de format poche avec des planches plus petites qu’habituellement, et un trait plus enlevé. Peut-être un début de collection...

J’ai terminé un mini récit sur Frank Sinatra qui paraitra en octobre chez BDMusic, et je travaille actuellement à une série de toiles qui seront exposées l’an prochain à la BRAFA avec la galerie Petits Papiers de Bruxelles.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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