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Jean-Claude Götting ("Watertown") : « Je veux accrocher le lecteur dès la première page ! »

Par Charles-Louis Detournay le 18 janvier 2016                      Lien  
Peintre, illustrateur, dessinateur, raconteur d’histoire, Götting continue de tourner autour de ses thématiques fétiches, pour mieux nous surprendre. Avec "Watertown", il propose une très intéressante variation autour du roman noir…

Jean-Claude Götting ("Watertown") : « Je veux accrocher le lecteur dès la première page ! »Pour situer le lecteur, rappelons tout d’abord que votre récit tourne exclusivement autour d’un personnage narrateur, un quidam qui se révèle au contact d’un troublant mystère !?

Oui, mon personnage n’a pas de réelle vie dans son cabinet d’assurances. Un jour, il se rend compte qu’il peut exister au travers de cette enquête qu’il réalise, en montrant qu’il a découvert des éléments troublants que tout le monde a laissés passer. J’ai également voulu jouer avec l’aspect subjectif du récit : tout est raconté par le narrateur. Excepté son frère, on ne voit jamais les interlocuteurs à qui il téléphone. À un moment, il explique qu’il boit une bière, alors qu’on peut en voir trois sur la table… La vision qu’il donne au lecteur n’est donc pas nécessairement la vérité !

D’entrée de jeu, aviez-vous pour but de jouer avec le lecteur, de multiplier les vérités ?

Non, mon point de départ a été cette phrase « Demain, je ne serai plus là », qui est d’ailleurs devenue le titre du premier chapitre. Je savais que cette femme allait disparaître de cette ville (que j’ai nommée Watertown par la suite), avant de réapparaitre ailleurs sous une autre identité. Tout comme dans Happy Living, je veux accrocher le lecteur dès la première page ! J’ai alors construit l’histoire sans savoir si j’allais produire un réel récit de meurtre ou une névrose du narrateur.

Est-ce que vous adaptez votre écriture à votre traitement graphique assez spécifique, plutôt illustratif ?

Les images me viennent lorsque j’écris, mais le rendu illustratif est dicté par la voix off. Je ne peux pas découper un texte de quatre lignes en cinq cases. Je préfère un dessin d’ambiance qui résume l’état d’esprit du narrateur plutôt que de dessiner l’envol d’une mouette. Quant au cadre, j’aurais pu placer ce récit à un autre endroit, pourquoi pas en France ? Mais les États-Unis sont un pays qui me fascine, surtout avec les références du roman noir que je connais. Puis j’aime représenter cette époque du début des années 1960 : les voitures, bâtiments et costumes possédaient une ligne qui convient particulièrement à mon style graphique.

L’album-photo que vous utilisez comme fil rouge du récit a-t-il été la seconde fondation du récit après cette première phrase énigmatique ?

Oui, j’avais acheté cet album photo uniquement comme une éventuelle base documentaire dans un premier temps. Mais je me suis rendu compte qu’on pouvait y trouver des éléments parfois étranges, qui servaient mon récit. Pour ma part, je n’ai pourtant pas cherché à retracer l’histoire de cette famille : je n’ai pas décollé toutes les photos pour les inspecter sous tous leurs profils ! (rires)

Pas toutes, mais bien une partie, ce qui vous a donné l’idée de l’indice de Watertown ?!

J’ai dû en décoller l’une ou l’autre pour les scanner : j’ai effectivement trouvé au dos un tampon qui montrait que cette famille venait du Nebraska. Mais dans mon récit, je suis resté centré autour de mon personnage, plutôt que sur l’album photo.

Vous avez légèrement modifié votre façon de travailler, notamment sur la couleur ?

Je réalise toujours chaque planche de bout en bout, du crayonné à la couleur. Concernant cette dernière partie, je passe le fond à l’aide d’un petit rouleau de 5 cm : je joue avec des caches, ou en passant plusieurs couches afin d’accentuer certains effets. La gouache blanche appliquée au pinceau modèle le gris via des hachures pour apporter de la lumière. En effet, pour cette fois-ci, j’ai fait des essais avec des apports électroniques de couleurs afin de me rendre compte de ce que cela pouvait donner.

Qu’est-ce qui a motivé ce changement de style ?

Je venais de voir le travail de Miles Hyman sur Le Dahlia noir : alors qu’il travaille également en noir et blanc, j’étais intrigué par sa technique de mise en couleurs, qui apportait un magnifique rendu. Je me suis donc dit que je devrais essayer à l’occasion. Lorsque mon éditeur m’a demandé si l’album serait en noir et blanc ou en couleurs, j’ai tenté différentes approches avant de fixer mon choix avec mon lui sur des apports de jaune et de bleu.

Allez-vous maintenir cette méthode ?

J’ai réalisé un court récit pour le nouveau magazine qui sort chez Casterman au mois de mars, Pandora. J’y place entre autre en scène une poursuite de voitures. Comme la couleur permettait de distinguer plus facilement les deux véhicules, j’ai donc décidé de l’utiliser à nouveau. Pour la suite, je verrais en fonction des projets.

Sur quel album avez-vous d’ailleurs décidé de collaborer à nouveau avec Jacques de Loustal ?

Il s’agit d’une adaptation d’un de mes précédents albums Noir. L’ambiance lui avait beaucoup plu : une piscine, la Californie, les voitures… Il m’a exprimé l’envie de le redessiner dans l’ambiance des années 1970. J’ai donc remanié le texte et rajouté des scènes qui convenaient à ses désirs, notamment des séquences avec un gros chien noir. Nous avons donc nommé cet album Black Dog !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

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