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Jean-Claude Mézières Grand Prix Saint-Michel 2018

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) Charles-Louis Detournay le 27 octobre 2018                      Lien  
Le dessinateur de Valérian est distingué par un Grand Prix dans un palmarès plutôt consensuel, marque de fabrique de la distinction de bande dessinée la plus ancienne d’Europe décernée au pays des Belges.

Le Prix Saint-Michel a été créé en 1971 par le Club des amis de la bande dessinée (CABD) dirigé par André Leborgne. Pourquoi Saint-Michel ? Parce que c’est le patron de la Ville de Bruxelles. Sa statue terrassant le dragon se dresse sur la flèche de l’Hôtel de Ville. Cette récompense a été un vecteur souverain de reconnaissance pour la bande dessinée en Belgique et était, dans ses premiers temps, remis à la Foire du Livre de Bruxelles, au sommet de la « Tour Martini », disparue depuis.

Ce Grand Prix, patronné à sa création par le Bourgmestre de Bruxelles Lucien Cooremans, a récompensé la plupart des grandes figures de la bande dessinée belge d’alors : d’Edgar Pierre Jacobs, Morris, Hergé, Jacques Laudy (prix spécial du jury à Roger Leloup, Jijé, André Franquin, et bien d’autres.

Les autres lauréats ne sont pas moins prestigieux : on y trouve Willy Vandersteen, Marc Sleen, Paul Cuvelier, Sirius… Pratiquement aucun grand auteur belge n’est oublié.

Les Prix Saint-Michel ont aussi récompensé les plus grands artistes étrangers comme Al Capp, Richard Corben (en 1972, 46 ans avant le Festival d’Angoulême…), Jim Steranko, Hugo Pratt, Giraud et Moebius (les deux, distinctement), Reiser, Derib, Claude Auclair, Hans Kresse, Grzegorz Rosinski (dès 1979) et des auteurs d’« avant-garde » comme Philippe Druillet, Touïs & Frydman, Guy Peellaert, Roland Topor, Joost Swarte… Ce n’est pas rien quand même ! Même Conrad et Yann ont reçu ce prix. Il s’interrompt entre 1986 et 2002.

Mais à partir de 2002, le prix est relancé par l’association 9e Art qui comme président Éric Coune, dont les parents étaient créateurs de la première librairie spécialisée de BD de Bruxelles au Pont du Germoir à Ixelles (Bruxelles), The Skull, est toujours en activité aujourd’hui à Saint-Gilles (Bruxelles) et proches du fondateur du Prix. Le comité d’organisation est constitué, outre d’Éric Coune, de Jimmy Vandenhautte, Sophie Flamand, Didier Pierequint, Rodolphe d’Udekem et de Bruno Graff. La structure de son palmarès reste grosso modo celle qui nous est présentée aujourd’hui.

Sans plus attendre, voici les lauréats 2018 :

Jean-Claude Mézières Grand Prix Saint-Michel 2018
Jean-Claude Mézières, Grand Prix Saint-Michel 2018
Photo : Charles-Louis Detournay

Grand Prix Saint-Michel 2018 :

Jean-Claude Mézières. Le dessinateur de Valérian, déjà Grand Prix à Angoulême et Max und Moritz à Erlangen, n’avait certainement pas besoin, au crépuscule de sa carrière, de cette distinction qui vient rejoindre sa collection de médailles dignes d’un maréchal soviétique. Mais celui qui accompagne depuis 1968 l’extraordinaire développement de ce que l’on appelle désormais « le 9e art » était content de retrouver un pays qui l’a célébré dès ses premiers pas et qui lui rappelle la librairie Pepperland de Tania Vandesande, aujourd’hui disparue, où il allait faire ses premières signatures en Belgique. Comme il nous l’a expliqué :

« J’ai effectivement la chance d’être une nouvelle fois honoré, mais ce Prix Saint-Michel revêt une importance particulière car il est lié à Bruxelles. Une ville qui m’est chère, car le voyage que j’avais entrepris à 16 ans est encore gravé dans ma mémoire, lorsque j’étais venu rencontrer Franquin à la première reprise. Bien entendu, il a fallu par la suite que je m’affranchisse de cette influence afin de trouver ma propre voie. Mais c’est justement la richesse de l’univers de Valérian qui m’a permis de progresser sans jamais m’ennuyer : chaque album est différent du précédent, je ne dessinais que ce qui me plaisait, et si je voulais changer de costume, libre à moi. De même avec le cadre de la série : toujours dans l’innovation, jamais de lassitude. Cela s’applique encore à l’album que je viens de terminer. Le rendez-vous est fixé en 2019 avec le lecteur. »

Andrea Cucchi pour Churchill et moi (Casterman)

Prix Saint-Michel Avenir 2018 :

Andrea Cucchi pour Churchill et moi (Casterman) .C’est une des bonnes surprises de ce cru. Le jeune Andrea Cucchi nous fait découvrir Clémentine Harper, une jeune femme qui va rencontrer le destin extraordinaire de Winston Churchill. Nous vous en parlerons prochainement sur ActuaBD.

Prix Saint-Michel Jeunesse 2018 :

Brice Cossu et Olivier Bocquet pour Frnck N°3 - Le Sacrifice (Dupuis). Ce choix, s’il est justifié, ne constitue pas une grande surprise, tant cette série jeunesse de qualité s’est déjà installée dans le paysage éditorial. « Un bon petit cocktail plein d’Indiana Jones, de Jurassic Park et de Mark Twain… » écrivait David Taugis à son propos dans nos pages.

Brice Cossu dédicace le tableau d’honneur

Prix Saint-Michel Humour 2018 :

Paul Cauuet & Wilfrid Lupano pour Les Vieux Fourneaux N°4 - La Magicienne (Dargaud). Aucune surprise pour ces lauréats qui avaient déjà été distingués pour le même palmarès en 2014. « Le dessin de Paul Cauuet continue à être nerveux et rythmé, bien mis en valeur par les couleurs de Gom. Il développe plusieurs passages très réussis graphiquement, comme cette planche reproduite deux fois mais avec des dialogues et des couleurs différents selon la personne qui écoute le discours des Zadistes. Le plaisir de faiblit guère à la lecture de ce nouvel opus...  » écrivait Tristan Martine dans sa chronique pour ActuaBD..

« Paul Cauuet et moi avions déjà été récompensés par le prix Saint-Michel du meilleur album pour le T1 des Vieux Fourneaux, nous explique Wilfrid Lupano. Et lorsqu’une série commence à s’installer et surtout à rencontrer le succès, la plupart des jurys se dit que la série n’a plus besoin d’être récompensée. Même si nous comprenons qu’il faille s’intéresser à d’autres séries de qualité et émergentes, cette réflexion est également difficile à vivre, car nous, auteurs, continuons de nous investir avec le même enthousiasme. Se voir donc systématiquement remiser des prix et des sélections car la série rencontre de belles ventes, c’est donc compréhensible d’un côté. Et cela nous rend alors doublement heureux dans ce cas-ci où le T4 est non seulement repéré, mais également primé ! Cela reste effectivement exceptionnel de primer le tome 4 ou 5 d’une série. A mes yeux, le jury envoie aussi un signal aux lecteurs en disant : "Continuer à vous intéresser à cette série, elle ne perd son âme, elle maintient son intérêt et son dynamisme." »

Wilfrid Lupano, scénariste des Vieux Fourneaux.
Photo : Charles-Louis Detournay

Prix Saint-Michel du Meilleur Scénario 2018 :

Lewis Trondheim pour Je vais rester (Rue de Sèvres). Là encore, le jury n’a pris aucun risque. «  Trondheim propose un récit brillant, nuancé et subtil, réussissant le tour de force de susciter de l’empathie pour une femme dont l’attitude devrait d’abord choquer… » écrit Patrice Gentihomme dans nos pages.

De g. à d. : David Sala (Le Joueur d’Echec), Hubert Chevillard (Je vais rester) et ...le tableau d’honneur

Prix Saint-Michel du Meilleur Dessin 2018 :

Yves Sente, scénariste de "Il s’appelait Ptirou"

David Sala pour Le Joueur d’échec (Casterman). « Adaptation périlleuse d’un chef d’œuvre de Stefan Zweig, et pourtant réussite incontestable : une atmosphère fiévreuse où la passion menace la raison, saisissante comme dans la nouvelle originale… » complimentait David Taugis en parlant de cet album sur ActuaBD

Prix Saint-Michel du Meilleur Album 2018 :

Laurent Verron & Yves Sente pour Il s’appelait Ptirou (Dupuis). Là encore, ce choix est sans risque tant Verron et Sente sont des professionnels chevronnés. « Un récit extrêmement documenté, truffé de clins d’œil, bien plus réaliste que le travail habituel de Verron (Boule & Bill, Odilon Verjus...) où le parfum référentiel reste présent… » avais-je écrit dans ActuaBD à propos de cette nouvelle métamorphose de Spirou dans la collection « Spirou par ... »

Un palmarès classique mais pas inintéressant.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

Autour de Jean-Claude Mézières et des organisateurs, tous les lauréats du Prix Saint-Michel 2018
Photo : Jean-Jacques Procureur

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

(par Charles-Louis Detournay)

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1 Message :
  • Jean-Claude Mézières Grand Prix Saint-Michel 2018
    28 octobre 2018 16:18, par Philippe Wurm

    Je vous cite : " Un palmarès classique mais pas inintéressant."
    Pourquoi faut-il s’exprimer en double négation après la terme "classique" qui semble du coup connoté négativement ? "Un palmarès moderne et très intéressant" serait certes beaucoup plus facile à écrire et cela convient pour un festival comme Angoulême où l’on cherche à tout prix les tendances dites "modernes", "contemporaines" et soi-disant "risquées"...
    La seule distinction qui vaille, selon moi, est "bon ou mauvais" comme aurait dit Nietzsche qui proposait de dépasser ce clivage porteur de clichés.
    Heureusement il y a dans ce palmarès le génial Mézières qui est, lui, à des années lumières de cette distinction Classique/Moderne et qui mérite amplement son prix St-Michel au milieu des plus grandes étoiles, en mettant tout le monde d’accord.

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