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Jean-Luc et Philippe Coudray : « Pendant tout un temps, nous avons travaillé exclusivement pour le Japon ».

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 septembre 2006                      Lien  
Les jumeaux Coudray constituent l'un des rares paradoxes de de la BD francophone. Ils font carrière ensemble et séparément et, dans les deux cas, ils font une œuvre unique. Il y a donc trois auteurs dans ces deux hommes : Jean-Luc Coudray, son frère Philippe et puis la réunion des deux. Et les trois productions sont incomparables.
Jean-Luc et Philippe Coudray : « Pendant tout un temps, nous avons travaillé exclusivement pour le Japon ».
Théocrite : Epoque à vendre
Ed. Boite à Bulles

La gémellité entraîne automatiquement ce réflexe de la part du commun des mortels : celui de comptabiliser les ressemblances, comme dans un jeu des sept erreurs. Or, le problème des jumeaux, leur problème, je veux dire, n’est pas la ressemblance, mais bien la différenciation. C’est une question de survie ou plus exactement d’identité : pour exister, ils doivent identifier à chaque instant ce qui les différencie de l’autre.

Les frères Coudray sont fascinants. Etre soumis à leur regard est une expérience : ils vous scrutent en donnant l’impression de chercher votre mode d’emploi. Dialoguer avec eux garantit non seulement une qualité de réflexion sans égale, mais aussi surtout quelques bonnes pintes de rire. Faites-en l’expérience en dédicace, vous verrez, vous ne serez pas déçus.

Jean-Luc Coudray

Or donc, les frères Coudray sont très différents l’un de l’autre. Il y a l’écrivain, Jean-Luc. C’est le glabre. Rien n’échappe à sa sagacité logique : ses textes sont de longs soliloques philosophiques d’une probité et d’une éloquence que l’on a rarement vue depuis Platon. Et puis, il y a le peintre, Philippe, à la barbe fleurie. Une sensibilité, un regard. Ses images sont des paradoxes graphiques élégants et colorés. Il est le plus incarné des deux, le registre de Jean-Luc le cantonnant davantage dans l’abstraction.

Mais, comme pour brouiller les pistes, Jean-Luc dessine aussi : on lui doit Béret et Casquette qu’il réalise seul. Quant à Philippe, il écrit également ses textes dans sa série L’Ours Barnabé. Bref, pour comprendre l’œuvre des frères Coudray, il va falloir s’intéresser à eux, trouver les différences, dénouer le fil de leurs personnalités, pour mieux apprécier leur œuvre singulière. Rencontre donc avec deux personnages... uniques.

Philippe Coudray

Cela fait près de vingt ans que vous publiez. Quel a été votre parcours ?

En vérité, nous avons commencé d’abord dans la presse, après le bac à dix-sept ans, en travaillant notamment pour des revues diffusées dans les écoles comme Amis-Coop pour qui Philippe a créé L’Ours Barnabé, Franc-Jeux et Virgule, où Philippe publiait des gags avec un oiseau et Jean-Luc ses premiers strips, La Vie, Éclats de Rire et Psikopat où Jean-Luc publiait déjà ses Histoires de Monsieur Mouche entre autres textes humoristiques.
La rencontre avec Didier Pasamonik, directeur alors d’Hachette Bandes Dessinées, nous a permis de démarrer dans l’édition avec la série Drôles de... et L’Ours Barnabé pour Philippe. En même temps, Jean-Luc publiait Le mouton Marcel chez Milan et Séjour en Afrique [1] avec Alain Garrigue chez Rackham.

Femme en jupe rouge, une peinture de Philippe Coudray.

La série Théocrite, commencée chez Hélyode, reprend à la Boîte à Bulles. Vous republierez aussi les anciens albums ?

Vincent Henry, le directeur éditorial de la Boîte à Bulles, désirait republier le Théocrite tome 2 sur le thème du travail, mais augmenté de gags plus en liaison avec l’évolution actuelle du monde du travail. Finalement, nous avons préféré consacrer un album entier à la nouvelle situation (pire) d’aujourd’hui. Une réédition des anciens tomes sera à réfléchir en fonction de l’accueil du nouveau tome. Mais nous sommes près également à inventer de nouvelles histoires...

D’après nos renseignements, vous relancez aussi Drôles de... qui paraissait chez Hachette...

L’Ours Barnabé par Philippe Coudray

Vincent Henry a eu l’idée d’associer nos gags sur les manchots au film La marche de l’Empereur. Le réalisateur a été enthousiaste. Nous allons publier un choix des meilleurs gags, extraits du premier tome publié en France, du second publié exclusivement au Japon et du troisième encore inédit pour un total de 46 gags avec une préface du réalisateur Luc Jacquet et une couverture qui reprend la situation de l’affiche du film.

Les gens ignorent que vos ouvrages ont eu beaucoup de succès au Japon, que vous êtes aussi publiés en Chine...

Il est vrai que la série Drôles de... a eu beaucoup de succès au Japon, au point que nous avons publié exclusivement pour un éditeur japonais des albums encore inédits en France. Les mêmes albums ont été ensuite traduits en Chine Populaire avec un double caractère pour les adultes et les enfants (qui ne connaissent que l’alphabet latin avant 12 ans). La vente en Chine a donné étrangement le même chiffre pour 7 albums, ce qui montre une remarquable maîtrise communiste du marché...

Philippe et Jean-Luc Coudray au milieu de leurs fans, à Hong Kong, en 2000.

Philippe a une belle carrière de peintre derrière lui et Jean-Luc a publié un bon nombre d’ouvrages également. Comment conciliez-vous ces activités ?

Béret et Casquette de Jean-Luc Coudray
Ed. Boîte à Bulles

Jean-Luc  : j’ai un travail d’écrivain en parallèle à mes scénarios de bande dessinée et mes strips [2]. Une activité me repose d’une autre. C’est le principe de l’agriculture pour augmenter le rendement. Je me mets en jachère le week-end et l’été.
Philippe : la bande dessinée est une légère concession à la narration, alors que la peinture est hors narration. Je n’utilise que des narrations courtes comme prétextes à des gags. Mes premières bandes dessinées n’ont graphiquement rien à voir avec mes peintures.

Guide littéraire des Lettres d’engueulade, des textes de Jean-Luc Coudray
Ed. Castells

Mais le lien entre les deux se fait de plus en plus : voir les décors du dernier Théocrite, ou la bande dessinée sur le diable parue dans le collectif de la Boîte-à-bulles Dieux et idoles. On peut voir tout ça (BD et peintures) sur mon site philippe-coudray.com

Quels sont vos prochains projets ?

Jean-Luc va publier, toujours à la Boîte à Bulles, en janvier 2007, le tome 2 de Béret et Casquette. Il va voir le tome 4 de Monsieur Mouche prévu chez Zanpano pour Noël, avec 12 illustrateurs de BD. Il attend un recueil d’aphorismes Pensées truquées chez l’Anabase. Il vient de sortir chez Castells le Guide littéraire des lettres d’engueulade. Philippe prépare le tome 11 de L’Ours Barnabé, série publiée chez Mango.

Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 13 septembre 2006.

Théocrite - Epoque à vendre - de Jean-Luc & Philippe Coudray
La Boite à Bulles

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Lire notre chronique de Théocrite

En médaillon : Philippe & Jean-Luc Coudray

Photos : Didier Pasamonik

[1Alphart « Coup de Cœur » à Angoulême en 1990.

[2Jean-Luc a publié un album de ses personnages Béret et Casquette également à la Boîte à Bulles.

 
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