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Jerome Charyn : « Quand je suis romancier, je suis à la fois le scénariste et le dessinateur. »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 février 2009                      Lien  
En adaptant à la bande dessinée Marilyn the Wild (Marylin la dingue), l’un des titres marquants de la Tétralogie d’Isaac Sidel, Jerome Charyn offre à la bande dessinée l’un de ses joyaux. C’est Frédéric Rébéna qui s’est lancé avec talent dans l’aventure.
Jerome Charyn : « Quand je suis romancier, je suis à la fois le scénariste et le dessinateur. »
Marylin la dingue de Jerome Charyn et Frédéric Rébéna
Ed. Denoël Graphic

Né en 1937 dans le Bronx, Jerome Charyn est un enfant de cette New York de légende qui a tant marqué le cinéma et la bande dessinée. En plus de son imposante œuvre de romancier, on lui doit plusieurs scénarios de bande dessinée illustrés par les plus grands noms du 9ème art : José Munoz (Le croc du serpent, Panna Maria), François Boucq (La femme du magicien, Bouche du diable) ou Loustal, Les frères Adamov, White Sonya)…

Il reprend ici du service avec Frédéric Rébéna, un auteur qui avait commencé à dessiner quelques récits complets de bande dessinée pour (A Suivre), avant de se tailler une sérieuse réputation comme auteur pour la jeunesse. Rencontre.

Ce n’est pas la première fois que vous faites de la bande dessinée. Vous avez un rapport d’intérêt par rapport aux bandes dessinées, aux comics ?

Jerome Charyn. Oui. J’ai grandi dans la bande dessinée, j’ai appris à lire avec elle, en particulier avec les comics de Walt Disney. Pour moi, c’était un vrai « Pays des merveilles ». J’ai grandi dans l’idée que c’était même plus intéressant que les livres. C’est grâce à la bande dessinée et au cinéma que j’ai eu envie de devenir écrivain.

Le roman est pourtant très différent de la bande dessinée.

JC : Pas vraiment. Pour moi, le roman est proche de la bande dessinée et du cinéma. On doit chercher dans tous les cas une structure et des phases.

La bande dessinée comporte quand même plus d’ellipses que dans un roman où vous pouvez développer des descriptions, des monologues intérieurs…

JC : Il y a beaucoup d’ellipses dans le roman aussi ! On doit dans les trois cas, bande dessinée, cinéma, roman, procéder à un découpage très strict, parfois sauvage. La grande différence entre le roman et la bande dessinée, c’est le dessinateur, en fait, c’est lui qui concrétise le script. Quand je suis romancier, je suis à la fois le scénariste et le dessinateur.

Il y a peut-être le style qui s’exprime différemment ?

JC : Non, je ne suis pas d’accord. La seule différence est que, dans un roman, c’est moi le dessinateur !

Marylin la dingue de Jerome Charyn et Frédéric Rébéna
Ed. Denoël Graphic

Justement, ici, dans Marilyn la dingue, il s’agit d’un roman que vous aviez déjà écrit. Finalement, on ne fait que changer de dessinateur (rires). C’est un livre marqué par une certaine nostalgie d’un New York disparu ?

JC : Oui, il y a de la nostalgie. Mais c’est aussi une ville très sauvage et des personnages que je dois revisiter après plus de trente ans. Cela a été pour moi un coup de foudre que de revisiter le personnage d’Isaac Sidel dans une bande dessinée.

On reconnaît très bien New York avec ses populations de différentes origines.

JC : Oui, ce sont les tribus, les grandes familles de New-York : Juifs, Italiens, Noirs, Latinos… Comme l’a dit Obama dans son discours, nous sommes tous des immigrants.

Est-ce que les Juifs sont aussi importants aujourd’hui dans l’identité new-yorkaise qu’ils l’étaient, il y a encore cinquante ans ?

JC : Ce n’est plus la même. Il y a pour moi un peu de nostalgie de ce point de vue car il y a soixante ans, les Juifs étaient très pauvres. Ils sont entrés dans la société.

Ce sont devenus des notables ?

Pas simplement des notables, mais ils ne sont plus pauvres. Il y a soixante-dix ans, ils étaient d’une pauvreté incroyable.

Marylin la dingue de Jerome Charyn et Frédéric Rébéna
Ed. Denoël Graphic

Quelle est l’idée qui vous a conduit à écrire Marylin la dingue ?

JC : Je ne voulais pas tellement d’une intrigue. Ce qui comptait avant tout pour moi, c’’était l’énergie, la force et la sauvagerie des personnages. C’est pour moi la chose la plus importante. Le personnage d’Isaac qui est le père d’une tribu, est avant tout une force en mouvement. Sa fille Marilyn est amoureuse d’un ange aux yeux bleus. Elle va mourir pour lui.

« L’ange aux yeux bleus », c’est l’intrus dans la communauté ? Il est inévitable que la seconde génération fasse un peu perdre l’identité de la première.

JC : Oui, C’est ça. C’est le processus de l’intégration mais surtout un combat qui occupe toutes les familles, je crois : le passage d’une génération à l’autre. J’ai du mal à vous expliquer cela car quand vous écrivez un livre, vous êtes plongé comme dans un rêve qui a sa logique propre. Allez donc expliquer ça ensuite !

Quand vous avez découvert le dessin de Rébéna, forcément différent du vôtre (rires), est-ce qu’ils vous ont surpris ?

JC : Oui, mais c’était une bonne surprise, passionnante pour moi, car il a vraiment réinventé les personnages à sa façon.

Jerome Charyn et Frédéric Rébéna
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

On sent, Rébéna, qu’il y a chez vous la volonté d’un tempo assez rapide, une certaine vitesse dans votre travail.

FR : C’est certainement à mettre sur le compte du fait que la bande dessinée est d’abord passée en feuilleton dans Libération, ce qui exigeait de moi une efficacité maximum, donc une obligation d’aller au plus rapide.

Votre collaboration avec Charyn, c’est un mariage arrangé par votre éditeur ?

FR : Oui. J’avais exprimé le désir de sortir de la sphère de la jeunesse dans laquelle j’avais publié mes précédents livres depuis une douzaine d’années. Jean-Luc Fromental, chez Denoël, avait ce projet et me l’a proposé. J’ai mis un temps de réflexion assez long : près de deux ans ! Nous avons fait un voyage à New York pour faire du repérage. Jerome m’a emmené sur les lieux de son récit. A dater de ce jour, je me suis imprégné de son œuvre en lisant des romans en dehors de la tétralogie pour cerner le personnage de Charyn qui m’échappait.

L’album ne suinte pas la documentation. Vous restez discret.

FR : Il y a quelques cases très précises mais c’est vrai que je me suis concentré principalement sur les personnages et sur l’intrigue. Je ne me suis pas laisser submerger par la documentation.

Comment, Jerome, caractérisez-vous le dessin de Frédéric Rébéna ?

JC : J’y vois beaucoup de poésie ; c’est féroce et tendre en même temps. Il a trouvé une bonne solution pour le mélange de beaucoup de choses chaotiques, que l’on trouve aussi bien dans le roman que dans le scénario.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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