Lorsque fin janvier 2011, la direction de Johnson Matthey annonce la fermeture de l’usine bruxelloise, 300 salariés sont dans l’incertitude. Pour ce groupe spécialisé dans la fabrication de catalyseurs pour l’industrie automobile, le souci n’est pas le rendement ni la qualité, qui sont dans le vert sur le site belge, mais de minimiser le coût du travail. La solution ? Une délocalisation européenne : en Macédoine, où le salaire d’un ouvrier n’est que de 300€ par mois. Face à cette décision, les hommes et femmes qui font tourner l’usine sont révoltés. Dans un sentiment de malaise profond, les travailleurs s’engagent dans une longue période de négociations, où l’espoir de s’en tirer par le haut sera de plus en plus ténu.
Quelle était la probabilité qu’un des 300 salariés menacé par cette fermeture cruelle soit diplômé des Beaux-Arts ? Faible. C’est pourtant le cas de Louis Theillier, ouvrier depuis cinq ans sur le site au moment où la crise débute. Avec son calepin et son stylo à bille, le dessinateur relate dans l’urgence, note des phrases entendues lors des réunions, retrace le long et inexorable chemin vers la fermeture. Au moment des faits, ces pages parurent sur un blog, puis en micro-édition, distribuée en interne.
Ce témoignage est précieux, car impossible à imaginer autrement que dessiné. Autre intérêt de cette lecture : en parallèle au développement des négociations, on assiste à l’évolution du dessinateur qui s’aguerrit planche après planche. Une chose est sûre, la discrétion du carnet de dessin, par rapport à l’enregistreur ou à la caméra, rend le reportage de Theillier dans « Johnson m’a tuer » unique. Son récit est édifiant, tant le cynisme de la grande industrie est écœurant.
(par Morgan Di Salvia)
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