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Joker Anthologie - Collectif (trad. Philippe Touboul) - Urban Comics

Par Aurélien Pigeat le 11 avril 2014                      Lien  
Anthologie inédite permettant de retracer le parcours du Joker, depuis son apparition en 1940 jusqu'à ses derniers méfaits de l'année passée. Un gros volume regroupant de nombreuses histoires, judicieusement présentées et contextualisées: encore un incontournable proposé par Urban Comics.
Joker Anthologie - Collectif (trad. Philippe Touboul) - Urban Comics
Entrée en scène du Joker
© DC / Urban
"Le poisson qui rit", par Steve Englehart et Marshall Rogers, Detective Comics #475 (1978)

"Les plus grands méfaits du Clown Prince du Crime" : tel est le sous-titre de cette volumineuse anthologie concoctée par l’équipe d’Urban, sous la houlette d’un Yann Graf en charge des textes de présentation, toujours éclairants, non seulement des trois sections qui découpent chronologiquement l’ouvrage, mais aussi de chacun des dix-sept épisodes ici rassemblés.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’ensemble tient ses promesses au fil des 368 pages qui composent ce véritable pavé dévolu à la gloire du Joker. Au-delà de cette succession de récits le lecteur est invité à saisir l’évolution du personnage, tant narrative et psychologique que graphique.

Mais c’est aussi l’histoire de Batman en tant que franchise, ainsi que celle du comics en général qui se laissent entrevoir. Car derrière la figure du Joker, ce sont celles des grands scénaristes et dessinateurs qui l’ont fait vivre que l’on distingue [1].

Pour autant, toute sélection effectue des choix, impose des sacrifices. Nul doute que d’aucuns regretteront telle histoire ici absente et qui leur semble pourtant essentielle dans la construction du Joker. C’est la dure loi de l’échantillon et, pour nous, par exemple, si nous avons été ravis de retrouver un récit de Paul Dini, et comprenant parfaitement l’intérêt à l’associer au travail de Bruce Timm sur le dessin animé des années 1990, nous avions un souvenir plus fort du travail de l’auteur sur les enquêtes classiques de Detective Comics.

Un joker maître du déguisement, grimant des stars du cinéma burlesque. Ici un fameux "Banjo" qui n’est pas sans rappeler Harpo Marx
© DC / Urban
"Les exploits burlesques du Joker", par John Broome et Carmine Infantino, Detective Comics #341 (1965)

Toutefois ce type de réaction, inévitable, n’est que de peu d’importance face à la somme collectée, à chaque fois parfaitement expliquée et justifiée. C’est dès lors un bonheur de parcourir ces décennies en compagnie du Joker, comme c’est un bonheur de retrouver le rythme des récit courts, bouclés sur un chapitre, nerveux et allant à l’essentiel, se dispensant de se déployer en maxi-séries et cross-over tortueux.

Cette anthologie rend ainsi aussi justice et hommage à ce format du one-shot si précieux et un peu minoré dans la période récente du comics. D’ailleurs, si certains des chapitres de l’anthologie convainquent moins, malgré leur intérêt quant à la caractérisation du Clown Prince du Crime, c’est précisément parce qu’ils sont un peu douloureusement extraits de récits plus longs.

Un Joker en proie à la plus meutrière vengeance
© DC / Urban
"Les cinq vengeances du Joker", par Dennis O’Neil et Neal Adams, Batman #251 (1973)

Bien évidemment, ce type d’offre laisse de côté les grands récits qui ont aussi - surtout ? - contribué à façonner l’imaginaire moderne du Joker. On pense ici notamment aux romans graphiques de Frank Miller (The Dark Knight Returns, 1986), Alan Moore (Killing Joke, 1988), Grant Morrison (Arkham Asylum, 1989) ou Jim Starlin (Un Deuil dans la famille, 1989) de la deuxième moitié des années 1980.

Mais cette approche du patrimonial, construite autour d’un échantillonnage chronologique et thématique, appuyée par des textes de présentation de qualité ouvrant l’univers du personnage au lecteur, s’avère une solution éditoriale pertinente par sa dimension historique même et par la diversité qui la caractérise. Une approche à même de compléter idéalement ces grands récits clefs et de mieux faire comprendre le mouvement du comics depuis ses origines jusqu’à nos jours.

La première apparition du Joker, en 1940
© DC / Urban
"Batman contre le Joker", par Bill Finger, Bob Kane et Jerry Robinson, Batman #1 (1940)
Récente préoccupation du Joker : fonder une famille...
© DC / Urban
"L’heure des singeries", par Andy Kubert et Andy Clarke, Batman #23.1 (2013)
Le mythe du Red Hood, qui participe au mystère des origines du Joker
© DC / Urban
Deux couvertures : à gauche celle originale de "L’homme au masque rouge", par Bill Finger et Lew Sayre Swhwartz, du Detective Comics #168 (1952) ; à droite sa recréation par Mike Mignola, en 2010, dans Batman #700, pour les 75 ans de DC.
Le dessin de Neal Adams, quasi anachronique, stupéfiant de modernité, au début des années 1970
© DC / Urban
"Les cinq vengeances du Joker", par Dennis O’Neil et Neal Adams, Batman #251 (1973)
Un graphisme dérivé de l’adaptation animée
© DC / Urban
"Rires dans la nuit", par Paul Dini et John Byrne, The Batman Adventures Annual#1 (1994)
Très sombre retour aux sources pour Ed Brubaker
© DC / Urban
"L’homme qui rit", par Ed Brubaker et Doug Mahnke, Batman : The Man Who Laughs (2005)
Liste des épisodes présents dans cette anthologie, quatrième de couverture du volume
© DC / Urban

(par Aurélien Pigeat)

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Code EAN :

- Joker Anthologie. Collectif. Traduction Philippe Touboul. Textes de présentation Yann Graf. Urban comics, collection "DC Anthologie". Sortie le 20 mars 2014. 368 pages. 25 euros.

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- Lire également la chronique du Batman Anthologie chez le même éditeur et selon le même principe

- Lire aussi les chroniques de deux volumes faisant la part belle au Joker : Empereur Joker d’une part et Batman T3 d’autre part.

[1Citons, à titre d’exemples, et de manière non exhaustive, outre les créateurs Bill Finger, Bob Kane et Jerry Robinson, Dick Sprang, Carmine Infantino, Dennis O’Neil, Neal Adams, Len Wein, Alan Davis, Alan Grant, Paul Dini, John Byrne, Chuck Dixon, Ed Brubaker ou encore Mark Waid

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4 Messages :
  • Ces anthologies sont vraiment très intéressantes dans la mesure où elles ne présentent que du matériel inédit (non publié par Urban Comics) et surtout pour le travail éditorial qu’il y a derrière.
    Et visiblement, ce modèle fonctionne bien chez Urban ! Hâte de voir ce qu’ils nous concoctent pour la suite : une anthologie retraçant le parcours d’un auteur au sein de DC (comme ce fut le cas pour Kirby), ou consacrée à un nouveau personnage (Wonder Woman ?).

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    • Répondu par Michel Dartay le 12 avril 2014 à  14:32 :

      C’est vrai qu’on ne peut reprocher à Urban Comics d’être un banal imprimeur de traductions de comics, comme il y en a tant sur le marché francophone. Ils éditent parfois des livres (comme cette anthologie) qui n’existent pas aux Etats-Unis. Ce n’est pas un simple travail de compilation d’épisodes précédemment parus, il y a de la recherche au niveau des épisodes les plus mémorables, mais aussi au niveau de leur présentation. L’idéal pour faire découvrir ces ouvrages à un vaste public, dont la connaissance des super-héros se limite parfois à la vision de quelques films au cinéma.

      En avril, Urban célèbrera les 75 ans du Batman avec cinq gros livres en noir et blanc à tirage limité, histoire de mieux apprécier le trait à l’état pur, débarrassé de l’apport parfois envahissant des couleurs (on y retrouvera Miller, Sale, Jim Lee et d’autres). Aux Etats-Unis, DC a eu vent du projet, et a décidé d’en faire de même pour le marché américain !! En France, on n’a pas de super-héros (ou presque !°), mais on a des idées !

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      • Répondu par Aurélien PIGEAT le 12 avril 2014 à  16:05 :

        Nous évoquions il y a quelques jours la parution en mai des cinq volumes événement, en N&B. Et nous y reviendrons plus en détail, sous différentes, formes, à ce moment-là.

        Effectivement le travail éditorial d’Urban Comics est particulièrement intéressant. La semaine prochaine nous publierons la chronique du Batman : Cataclysme, là aussi complètement inédit dans sa forme par rapport à l’édition américaine en volume relié (TPB), et de grande qualité.

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  • Comme déjà dit : très bonne initiative de UC, dont ce volume n’est pas l’inauguration, mais sera sans doute un des mieux sentis.
    Urban Comics se positionne avec le temps comme un éditeur original, dont les volumes prennent place avec beaucoup d’élégance dans toute bédéthèque.
    Les éditions de Year One, et des deux Miller ont été un très bon coup également, avec leurs adjonctions des fameux OAV très réussis des équipes réunies par WB autour de Bruce Timm.
    Bref, après quelques scepticismes ici et là, notamment aux touts débuts, l’éditeur est en train de réussir de très belles choses.

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